Outils pour utilisateurs

Outils du site


cr_cthulhu_1

Ceci est une ancienne révision du document !


One-shot Cthulhu

Contexte

Système et univers : Cthulhu classique 1920

MJ : Naeleh
Personnage interprété : Stephen F. Forson, professeur, 54 ans.
Accompagné par :
- Albertina, médecin
- Henry, antiquaire
- Terron, journaliste

Date : 22 Avril 2022

Première session

13 Octobre 1920
Aujourd'hui j'ai rendez-vous avec mon ami Gensen, il semblait impatient de me voir pour me parler d'un événement étrange et mon aide semblait requise, ce qui me semble tout à fait normal tant mes compétences d'érudition sont étendues. D'autant plus que j'ai un petit attrait pour tout ce qui est événements bizarres; cela fait quelques années que je me suis pris d'intérêt pour cette littérature très spéciale. En effet, un après-midi, il y a environ quatre ans, je m'en souviens très bien, j'ai surpris un de mes étudiants lisant un livre tout à fait étonnant et… Oula, je ferai bien de finir mon café, Gensen va encore dire que je suis en retard sinon. Je regarde ma montre, 10h10. Hum. On dirait bien que je suis déjà en retard. Partons vite !

Habillé de saison, j'avance d'un pas rapide jusqu'au lieu dit. Vingt minutes de tram et j'y serai, je ne serai donc pas si en retard que cela pour une fois. Mais pressons-nous, je sens déjà son regard réprobateur. Il faut dire que j'ai eu une fin de journée fort chargée la veille et que plusieurs réflexions ont entretenu mon éveil pendant des heures, ce n'est tout de même pas ma faute d'être un intellectuel ! Oh, voyons les gros titres du jour.
Je prends le temps de feuilleter quelques pages, certains titres attirent mon attention plus que d'autres. Je paye d'une pièce l'enfant aux journaux et m'installe sur un banc pour terminer ma lecture, le tram ne devrait pas tarder de toute façon.
Diantre ! Je me suis trompé de rue ! Pressons, pressons, je sens que… Aïe, ma pauvre cheville, voilà une entorse qui s'ajoute au reste.

Ce n'est clairement pas ma journée, le tram vient de partir. Encore dix minutes d'attente pour le prochain. Prochain qui arrive finalement, que j'emprunte sans soucis et qui me dépose un arrêt plus proche que celui qu'il me fallait, j'avais décidé d'être responsable et d'être sûr de ne pas rater mon arrêt. Cette réussite me rend assez fier de moi.
Quoiqu'il en soit, je sonne à la résidence de Gensen et en profite pour jeter un coup d’œil à ma montre à gousset. 11h02. Il est probable que mon retard ait été remarqué…
La porte s'ouvrant sur le visage de Joeffrey, le majordome de Gensen, me confirme cette dernière pensée. Froid et peu accueillant pour un majordome, je tente un sourire et m'engouffre en tapotant ma montre. “Je sais, je sais, j'ai un peu de retard.” Sans plus de cérémonie, Jeoffrey me conduit jusqu'au salon où je découvre alors trois personnes en plus de Gensen.
Tout d'abord, il y a Albertina, une médecin que j'ai déjà eu l'occasion de croiser de nombreuses fois et dont l'intelligence est relativement développée, même si elle perd son temps à essayer de sauver des cas désespérés. C'est bien dommage que son esprit aussi brillant soit cependant aussi fermé à mes recherches. À chaque fois que je lui en parle, j'ai l'impression de m'adresser à un mur. Sourd. Son regard n'a rien d'amical ce matin.
Il y a ensuite Henry, un antiquaire avec qui je fais parfois affaire et de qui je me suis rapproché ces dernières années depuis mon vif intérêt pour les choses étranges. Il tient une boutique remplie de bibelots maudits; ce qui est ennuyeux avec Henry c'est qu'il ne cherche pas à savoir réellement le fond des choses, entretenant une sorte de flou pour ses affaires. C'est particulièrement frustrant bien qu'il fasse partie des personnes qui m'aident le plus dans mes recherches. Son regard n'a guère l'air amical non plus aujourd'hui.
Enfin, il y a Terron, un verre de whisky à la main. Oh, comme j'en ai envie maintenant ! Je ne dirais pas que c'est la raison principale de ma présence aujourd'hui mais je dois reconnaître que Gensen est une des rares personnes que je connaisse à être capable de se fournir en alcool de contrebande sans en être inquiété. Oui, donc Terron est un journaliste qui ne brille guère de ses compétences intellectuelles mais qui possède un certain instinct pour saisir les bonnes choses au bon moment. De plus, sa curiosité amène parfois à des questions intéressantes.
Juste après avoir justifié mon retard d'excuses plus pertinentes et vraies et avant même que je ne me dirige vers la bouteille de Whisky, Gensen nous amène dans son bureau sans me laisser l'occasion de me servir un verre. Quel manque de magnanimité, il devrait pourtant savoir que n'importe qui peut se perdre et avoir un peu de retard. Je les suis donc, résigné et amer devant la vision taquine de Terron m'agitant son verre avant de le boire cul-sec. Quel sacrilège. Et en même temps quelle chance. Mon gosier me semble sec à cet instant.

Gensen nous explique alors la situation. De ce que j'en comprends, une de ses propriétés voit ses occupants partir régulièrement et c'est ennuyeux pour ses profits de rentier, ce qui fais sens. Il semblerait qu'il se soit passé plusieurs choses étranges. La dernière famille en date avait loué et emménagé en 1918, soit il y a deux ans. L'année suivante, en 1919, le père se fait interner. Bon, soit, ce n'est pas courant mais ça arrive. Les gens sont fous, et la guerre n'a rien arrangé. Ce qui est étrange c'est que récemment, il y a environ un mois, la mère s'est aussi fait interner. En terme de probabilités, c'est assez phénoménal. D'autant plus que les occupants précédents étaient aussi partis précipitamment pour des soucis similaires.
Gensen souhaite donc simplement que nous enquêtions sur sa fameuse maison pour savoir s'il y a quelque chose ou s'il peut la louer de nouveau sans soucis. J'étais assez peu emballé mais le plaisir intellectuel de la découverte m'a convaincu. Je ne dirais pas que les vingt dollars par jour n'y soient pour rien dans ma décision.
Je pose deux questions pertinentes puis je laisse notre cher Terron mener l'interrogatoire en sa qualité de journaliste. Aucune question supplémentaire ne semble être posée, je me sens grandi et nous décidons donc de partir. Je parviens tout de même à obtenir un verre avant de quitter la maison, je jubile. Joeffrey m'apporte mon verre et je prends le temps de savourer cette liqueur délicieuse. Les nombreux regards forcent cependant ma consommation et je me retrouve à terminer le verre en seulement trois gorgées. Visiblement, nous sommes pressés.

Nous prenons la voiture de Albertina qui nous conduit jusqu'à l'adresse que je n'ai pas particulièrement mémorisée tant l'information me semblait peu pertinente : je savais que quelqu'un m'y conduirait.
Là, drôle de spectacle : la rue donne sur un ensemble de petits immeubles de bureau relativement récents entrecoupé à un seul endroit d'une maison de ville dotée d'un étage. À peine descendu de la voiture, j'en informe mes comparses : “Je pense que c'est celle-ci”. À leurs réactions, je comprends qu'ils en sont arrivé à la même conclusion seuls.
Au deuxième coup d'oeil, plus attentif que le premier, un frisson me parcourt, je… sens quelque chose qui ne me met pas forcément à l'aise. Je crois que ça me rappelle certaines histoires que des étudiants m'ont raconté. Je n'y crois guère mais je dois reconnaître que quelque chose m'a… déstabilisé. Il ne s'agit pourtant que d'une maison de ville dont la façade donne directement sur le trottoir et entourée de deux petits chemins menant à l'arrière de la maison. Terron munit des clés commence à déverrouiller la porte et ses très nombreux verrous. L'idée d'aller voir le jardin rapidement me semble pertinente, j'en informe donc mes comparses en m'engageant dans la courte ruelle. “Je reviens dans une minute.” dis-je en montrant ma montre. J'ai à peine le temps de faire quelques pas que je sens Albertina qui me suit. La confiance règne et m'en offusque quelque peu. Je lui jette un regard. “Non mais vraiment, ça ne va me prendre qu'une minute.” Mes mots ne semblent guère faire leur effet, on dirait que je n'ai pas sa confiance. Enfin, leur confiance, voilà que Terron et Henry s'engouffrent à leur tour dans la ruelle. Finalement, je présume qu'ils ont simplement tous jugé mon idée meilleure que la leur, ce qui fait sens.
Nous arrivons sur un jardin mal entretenu et pas très intéressant. Un chat noir file devant nous et disparaît derrière un mur. Terron dit pour rigoler que ça porte malheur; heureusement, je suis là pour distiller mon savoir et les informer que dans certaines civilisations, c'est tout le contraire. Ce qui me frappe avec ce jardin c'est qu'il n'y a aucune porte qui donne directement dessus. Ainsi qu'aucune fenêtre au rez-de chaussée. Trois donnent depuis le premier étage cependant et à l'instar des fenêtres de la façade avant, toutes sont fermées et tous les rideaux sont tirés. Nous terminons le tour de la maison par l'autre ruelle et nous tombons sur une porte verrouillée et aucune fenêtre.

Nous revoilà devant la porte, Terron termine d'ouvrir les innombrables verrous (il y en a au moins cinq). La porte s'ouvre. L'intérieur est lugubre et puant, j'en profite pour allumer une cigarette histoire de chasser l'odeur. Nous sommes dans un long couloir dont nous ne voyons pas le bout et cinq portes semblent donner sur des pièces.
Terron, Albertina et Henry s'engagent dans la première pièce à droite. Une idée farfelue me vient et je ferme d'un coup la porte d'entrée pour les faire sursauter. Ma blague me fait rire et j'ouvre de nouveau la porte avant de les rejoindre dans le salon.
Aucun n'a rit, aucun n'a d'humour, c'est certain.
La pièce est un salon poussiéreux ornementé de nombreux objets religieux. Il y a quelques étagères que Terron fouille et un canapé sur lequel je m'installe pour observer tout cela. Albertina ouvre les rideaux épais et un peu de lumière bienvenue illumine la pièce. Les fenêtres semblent cependant… clouées. De l'intérieur. Les gens qui vivaient ici étaient clairement fous, quelle idée que de clouer une fenêtre ? Autant les verrous, ça se comprend mais les fenêtres… Enfin. Voici qu'Albertina et Henry passent dans la pièce adjacente. Je me lève et les suis. Terron commence à prendre des photographies, je prends donc la pause dans l'encadrement de la porte, un livre à la main et notre ami journaliste immortalise cet instant. Je jubile.
Cette nouvelle pièce pue particulièrement, une vaste table occupe l'espace. Sur cette table semblent disposés trois couverts et une casserole. En m'approchant, je note que la puanteur provient clairement de ce qui se trouve à l'intérieur du contenant. C'est infect, je change de pièce sans regrets en suivant les autres. Une réflexion nous prend : le couple fou possédait-il des enfants ? C'est clairement le genre de question qu'aurait dû poser Terron à mon sens mais faute de l'avoir fait, voici un mystère de plus à résoudre. Personnellement, je suis convaincu qu'il y en a au moins un puisque Gensen parlait de “père” et de “mère”. Le choix des mots à son importance et peut en révéler bien plus qu'on ne le pense.
Nous découvrons une cuisine dotée d'un escalier qui descend dans le noir. Là, je note avec crainte qu'ils envisagent de poursuivre en descendant; je me sens alors contraint de les avertir : “Vous savez, dans toutes les histoires que j'ai pu lire à ce sujet, s'aventurer dans un escalier qui descend dans le noir est toujours une mauvaise idée.”. Point positif : ça a fonctionné et nous sommes retournés dans le couloir initial.

Un nouvel escalier s'offre alors à nous, en bien meilleur état et donnant sur le premier étage. D'un accord commun, nous choisissons de poursuivre l'état des lieux du rez-de-chaussée. Nous poursuivons donc les recherches, surtout eux en vérité, puisque je réfléchis un peu à cette histoire d'escalier qui descend; je les suis simplement.
Visiblement, cette partie du bâtiment est complètement dénuée de lumière et d'ouverture, j'allume donc une bougie avec pour Albertina avant d'allumer une nouvelle cigarette. Ce lieu me dérange quelque peu, la cigarette me rassure étonnement.
La porte qui donne sur la ruelle extérieure nous apparaît et est, elle aussi, complètement verrouillée avec au moins cinq cadenas. Terron entreprend alors de les déverrouiller un par un avant d'ouvrir en grand la porte. Ce qui permet d'éclairer un peu plus la pièce et nous découvrons plusieurs manteaux, dont deux manteaux d'enfants accrochés à une patère. La question de savoir si le couple devenu fou avait des enfants est donc résolue. En dehors de cette découverte, rien ne nous semble pertinent et nous continuons donc notre progression en ouvrant une porte qui donne sur une pièce sans fenêtre et qui semble servir de débarras. Je fais mine d'avancer quand soudain je sens un souffle dans mon cou. “Très drôle, Terron, bien tenté” dis-je avant de me rendre compte que Terron se trouve juste devant moi, avec un regard interrogateur. Je me retourne. Rien. Une vague de frisson parcourt mon échine. C'était probablement que mon imagination. Ça l'était puisque que c'est la seule explication logique. Peu rassuré, je me rapproche du groupe et de la lueur émise par la bougie. Rester seul en arrière est de moins en moins attirant, surtout avec l'escalier qui descend dans le dos. Le débarras ne contient que des débris de bois provenant probablement de meubles. Je suppose qu'il s'agissait ici du bois de chauffe du ménage.
La pièce suivante est la dernière du rez-de-chaussée, elle contient aussi des objets divers et tous aussi inutiles les uns que les autres. Seule une armoire barrée d'une planche retient notre attention. C'est une chose particulière tout de même et qui ne me dit rien qui vaille. Quand je vois Terron entreprendre d'ouvrir la porte, éclairé et soutenu par Albertina, un nouveau frisson me parcourt. “Il ne vous est pas venu à l'esprit que l'armoire puisse être condamnée pour une bonne raison ?”. Le fracas résultant de l'ouverture fut une réponse décevante. Curieux et à la fois peu rassuré, je regarde le journaliste tendre la main dans la pénombre pour en ressortir trois volumes épais. Pendant un instant, je mesure le risque qu'il puisse s'agir d'objets hantés puis, rationnel (et curieux), je finis par en saisir un pour le parcourir.
Il semble s'agir de journaux d'un certain Walter Corbitt. Les premières entrées datent de… 1850 et les dernières semblent datées de 1866. Seize ans de vie résumées en trois livres. C'est passionnant. Préférant de loin la lumière du jour à celle d'une bougie, je sors dans le couloir, et me met devant la porte d'entrée toujours ouverte afin d'entreprendre la lecture du premier tome. Je parcours quelques pages assez peu intéressantes quand un bruit provenant du premier étage me fait sursauter. J'échange un regard avec mes comparses et croise celui de Henry qui semble aussi être interloqué. D'autres bruits se font entendre comme si des meubles étaient trainés sur le parquet de bois ou comme si des choses étaient jetées par terre. Des petits tremblement me parcourt et je suis heureux d'être aussi proche de la porte d'entrée. Terron lance “Y a quelqu'un ?” à la volée ce qui a pour effet d'interrompre les bruits pour nous laisser avec le seul son de la rue derrière moi. Quelques secondes s'écoulent avant que les bruits reprennent. C'est incompréhensible. Selon Henry et Albertina il pourrait s'agit des enfants du couple mais ça n'a pas de sens, voyons. Cela ferait des semaines qu'ils seraient enfermés ici ? Non, ils seraient morts de faim. De plus, ils ont certainement été pris en charge au moment de l'intervention médicale. Ça n'a pas de sens. Une idée me traverse l'esprit et je crie “Est-ce qu'on vous dérange ? Vous souhaitez que l'on s'en aille ?”. Pour toute réponse, les bruits continuent, les grattements, les grincements, les craquements. Cela devient lugubre.
Et si, plutôt que de monter nous… allions demander au voisinage s'ils n'auraient pas entendu des choses ?” Ma proposition est à la fois pertinemment intelligente et quelque peu enrobée de couardise. Monter à l'étage ne m'enchante mais alors PAS-DU-TOUT. Je suis d'ailleurs content que mes compagnons approuvent ce plan. Nous ressortons donc. Un petit débat sur le fait de refermer ou non les portes s'active et une idée germe dans mon esprit. Il est finalement décidé de laisser les portes fermées mais sans les verrouiller totalement. Cela me convient très bien mais ne me suffit pas, je laisse donc les autres sortir et, en bon dernier, je tire la porte… en la laissant entrouverte. En effet, je me dis que cela peut permettre à… la chose de potentiellement sortir avant notre retour et à d'éventuels squatteurs ou curieux de s'y aventurer à notre place. J'ai bien conscience de la question éthique qui se pose là mais je dois reconnaître que ma vie m'importe et que minimiser les dangers est une ligne de conduite. Après tout : je n'ai pas esquivé la guerre pour mourir dans une maison.

Mes compagnons n'ont pas remarqué que j'ai laissé la porte entrouverte. Nous décidons de nous scinder en deux groupes : Terron et moi irons interroger des travailleurs dans les bureaux pendant que Henry et Albertina iront glaner des renseignements auprès du kiosque non loin.
Les premiers bureaux sont ceux d'avocats. “Des menteurs, ils ne nous apprendront rien.”, expliqué-je à mon ami journaliste qui approuvait ma sagesse. Les bureaux suivants sont ceux d'une agence d'assurances. “Des menteurs et des arnaqueurs.” Terron ne put qu'approuver une fois de plus. Les bureaux suivants appartiennent à une entreprise de plomberie, c'est parfait : d'honnêtes artisans qui suent pour nous. Je pénètre à l'intérieur, suivi de Terron.
Une jeune femme, probablement une secrétaire nous accueille. Je m'accoude à son comptoir mais Terron me coupe la parole avant même que je ne puisse prononcer un mot. Son instinct de journaliste se faisait sentir, dirait-on. Je le laisse donc parler puis pose mes questions pertinentes : avait-elle entendu des choses ? Ses réponses se révèlent particulièrement décevantes, se cantonnant au traditionnel “je n'ai rien vu, rien entendu, je ne suis qu'une pathétique secrétaire pas curieuse du tout.” Les commères ne sont plus ce qu'elles étaient. Étonnamment, elle était plus livide à la fin de notre discussion qu'au début. Je me demande si le fait de parler de fous et de bruits étranges puisse l'avoir déstabilisé. C'est sur cette réflexion que nous ressortons avec bien peu d'informations.
Nous retrouvons la médecin et l'antiquaire devant la maison, ils nous expliquent que ce ne sont pas les premiers locataires à avoir eu des comportements étranges. Durant leur monologue peu intéressant, je jette un regard discret en direction de la porte : celle-ci est toujours entrouverte. Bien.
La question de la suite de notre enquête se pose. Nous avons trois livres relativement épais à lire et peu de pistes. L'idée de retourner dans la maison alors que le jour se couche me déplait fortement et, fort heureusement, je ne suis pas le seul dans ce cas. Je propose donc de manger au restaurant pour étudier un peu tout cela et nous poser. Pour être honnête, à cet instant, je n'ai aucune envie de me retrouver seul. L'idée est acceptée.

Albertina nous conduit donc dans un restaurant et nous commandons à manger. Une discussion inintéressante anime mes trois comparses et je choisis donc de me plonger dans la lecture du premier tome de la vie de Walter Corbitt. Une heure passe. Je n'apprends pas grand chose.
Notre amie médecin retient cependant mon attention, elle s'était visiblement plongée dans la lecture d'un autre tome et a trouvé quelque chose. Je note que Henry a aussi entamé une lecture et que Terron est parti se coucher. Ah non, d'après l'antiquaire, il serait aller développer ses clichés. Ma foi, pourquoi pas. Je reporte mon attention sur Albertina qui me montre des pages qui ont retenu son attention. C'est… très… étrange. J'y vois des symboles, des dessins et des annotations et le fait de voir tout cela me met mal à l'aise, je ne sais pourquoi. Cela me rappelle une sensation que j'ai déjà pu ressentir durant mes recherches sur des pratiques cabalistiques.
La journée de demain me semble toute planifiée : j'irai faire des recherches dans mon université pour voir si je trouve des choses en lien. Henry propose de m'accompagner, ce qui ne me dérange pas. Albertina choisit pour sa part d'aller avec Terron à l'asile pour essayer d'en apprendre plus de la bouche des derniers locataires fous. Cela me semble une piste pertinente à explorer mais je suis secrètement heureux de ne pas avoir à m'y confronter moi-même.

Albertina me ramène chez moi et je m'endors difficilement. L'impression d'entendre des bruits me tend. Celle de ne percevoir que du silence aussi. Mon esprit se focalise sur les recherches à entreprendre demain et je parviens à dormir quelques heures d'un sommeil agité.

14 Octobre 1920
Je me réveille juste avant l'aube, la sécurité promise de mon université étant bien plus attirante que de rester seul dans mon lit ce matin.
Je m'habille après m'être débarbouillé, j'attrape une pomme puis quitte mon appartement. Je me surprends moi-même à arriver à l'heure pour le tram, celui-ci me conduit à l'université pendant que je repense à toute cette histoire de maison. L'étrangeté de la situation est indéniable. Les bruits n'étaient pas imaginés, hier, non, je m'en souviens très bien. Mon imagination n'aurait pas pu me jouer un tel tour. Si…? Je jette un œil au premier tome des journaux de Corbitt. Ce ne sont que des notes. Un frisson me prend. Je lève la tête et soupire de dépit en constatant que mon arrêt est passé. Je descends au suivant et remonte la rue jusqu'à franchir le portail rassurant de l'établissement de renom dans lequel j'officie.
À peine arrivé dans mon bureau, j'entreprends de rassembler quelques livres en lien avec les pratiques non-orthodoxes qui me reviennent et je commence ma lecture. À mesure que des étudiants viennent me saluer, je leur demande de faire venir untel ou unetelle et à ces derniers, je leur demande de me retrouver certains livres dont nous avions parlé ensemble. Henry me rejoint tôt et entame des recherches similaires.
Le temps passe et je m'agace contre mes étudiants ainsi que contre Henry, rien ne semble lié de près ou de loin à ce que nous avons découvert dans les pages de ce Walter Corbitt. Aucun schéma similaire. Aucun signe. Rien. Il semble pourtant s'agir d'une sorte de rituel d'invocation mais je ne trouve aucun livre en lien et aucun de mes étudiants n'est fichu de se rappeler un livre ou un article ayant traité de ce sujet. Qu'est-ce que l'on pourrait bien invoquer de toute façon ? Un esprit ? Un fantôme ? Un démon ? Tout est possible et rien n'est crédible.
Les heures s'écoulent, je crois que j'ai mangé quelque chose et que midi est passé depuis longtemps quand je relève la tête et me rend compte que Henry n'est plus là. Je suppose qu'il est aux toilettes et me replonge dans mes lectures.
De nombreuses, très nombreuses pages plus tard, je suis tiré de ma réflexion par Henry, accompagné de Terron et Albertina. Je regarde l'heure, il est près de 15h.

Albertina et Terron me font un rapport de ce qu'ils ont pu tirer de leurs entretiens avec la mère devenue folle ainsi que le père. A priori, ce dernier est complètement grillé du bulbe et semble terrifié. La mère aurait évoqué une sorte de présence, d'un homme noir au yeux rouges qui ferait souvent apparition dans la maison, au beau milieu de la nuit à les fixer sans rien dire. Elle a aussi évoqué les bruits fréquents et inquiétant provenant du premier étage alors qu'il n'y a jamais personne. Ce souvenir me glace le sang un instant et je me réchauffe les mains autour d'une tasse de café chaud. Je bois une gorgée pour faire passer ce sentiment et écoute la suite de la discussion. J'apprends alors que les deux enfants, âgés de 3 et 5 ans, aurait été accueillis par une partie de la famille, à Baltimore. Bien, même si ce ne sont que des gosses, c'est mieux qu'un orphelinat. Une autre chose qui me perturbe dans son récit c'est le fait que les clous dans les fenêtres ne soient pas de son fait à elle. Qui d'autre aurait pu le faire ? Cette question s'ajoute aux autres.
La proposition de retourner dans la maison est évoquée à une ou deux reprises mais ne m'enchante en rien. Je suggère donc d'aller voir les gosses mais ce n'est, comme je m'en doutais, pas accepté. J'appuie cependant fortement la proposition de Terron d'aller voir Georges, son collègue complotiste. Ce n'est pas une piste dont j'attends grand chose mais cela nous fera peut-être perdre un jour de plus. Et ce serait donc un jour de plus où un inconscient pourrait s'introduire dans la maison… Ou plutôt un de plus pour que la… personne…? s'en aille.
Quand je reviens à mes collègues, nous sommes dans le bureau de Georges. Je ne peux m'empêcher d'avoir un sourire supérieur sur les lèvres, un tel être me fait rire. Faibles d'esprit sont les personnes à voir des complots partout. Et vu tout ce que Terron m'a dit sur lui… il m'est actuellement difficile de le prendre au sérieux. Je tâche de rester en retrait pour ne pas lui couper l'envie de parler, ces gens sont tellement susceptibles.
Terron parvient à attiser la curiosité de Georges sans aucune difficulté. À peine évoque-t-il une “affaire étrange” et une “maison hantée” que Georges se met à déblatérer de nombreuses choses. De tout son charabia, je retiens certaines informations : a priori, un certain Matthew Thomas aurait créé un culte qui s'apparenterait à une église de la reconnaissance quelque chose. Ce culte aurait été une secte qui a finalement cessé d'exister lorsqu'une confrontation a eu lieu il y a cinquante ans, à la fameuse église qui aurait pris feu. Sept disciples seraient morts ainsi que trois officiers de la paix. Thomas aurait été arrêté mais il se serait échappé il y a trois ans. Et depuis… plus de nouvelles. C'est dommage, ce Thomas aurait pu être une piste.
Une fois dehors, nous réfléchissons à ce que tout cela implique. Nous choisissons de nous séparer en deux groupes pour aller récupérer certaines informations à la mairie dont la date de création de la maison tout en allant consulter les archives d'un journal local. J'opte pour la mairie afin d'éviter de côtoyer d'autres Terron. Albertina m'accompagne.
Nous passons une petite heure à la mairie et nous ressortons avec bien peu d'informations : la maison aurait été construite en Janvier 1835 et Walter Corbitt l'aurait acquise peu de temps après, en Mars 1835. Nous avons aussi pu acquérir une attestation du décès de Corbitt en 1866. Date qui coïncide avec les dernières entrées de son journal. Cette information me plaît. En revanche, ce qui ne me plaît pas et me glace le sang quand j'y repense c'est que Corbitt aurait eu comme dernière volonté de… finir enterrer sous sa maison. Je trouve cela glauque. Ce qui me plaît encore moins c'est que la personne ayant signé le document officiel du décès soit le fameux Matthew Thomas. De la secte à l'église brûlée !
Cela me perturbe et les informations que nous rapportent Henry et Terron me mettent d'autant plus mal à l'aise : ils sont parvenus à dégoter de vieux articles de presse faisant mention des précédents propriétaires du logement. Et dans chacun d'eux… ça se termine mal. Au delà du fait qu'ils finissent tous par fuir, il y est fait mention de problèmes mentaux, de mutilations et même de morts. Certains se seraient suicidés, d'autres entretués. Glaçant.
L'heure avançant, il nous reste moins de deux heures de soleil. C'est parfait car trop peu selon moi pour retourner à la maison. Une drôle de pensée m'assaille : et si l'homme noir aux yeux rouges étaient Walter Corbitt…? D'un échange de regard avec Terron, je comprends que lui aussi a eu la même pensée. Je déglutis. C'est impossible. Impossible et irrationnel. Je n'ai vu aucune chose du genre et même si certains livres parlaient de telles pratiques, ça ne pouvait être possible. N'est-ce pas ? Voilà que je me parle à moi-même. Mes lectures cryptiques semblent me monter à la tête. Cette maison semble me monter à la tête. Les vingt dollars par jour sont déjà devenu quarante. C'est une pensée réconfortante mais pas suffisante.
Une discussion entre Terron et Henry me ramène au présent. “Attendez, vous ne comptez tout de même pas sérieusement aller voir la chapelle ?” Ils me confirment que c'est bien leur idée mais simplement de passer devant pour “voir”. Je n'en reviens pas. Je propose à Albertina de retourner à l'université pour étudier les carnets mais elle aussi trouve l'idée “d'aller voir le chapelle” intéressante. Qu'est-ce qui ne tourne pas bien chez eux ?! Venant de Terron, l'idée me semble normale tant c'est la curiosité plutôt que la raison qui le guide. Mais Henry devrait savoir qu'il y a certaines choses dont il vaut mieux ne pas s'approcher. Et Albertina… Albertina se serait-elle saoulé en douce ? Elle ne peut pas être elle-même. Et pourtant, voilà que nous sommes tous les quatre sur la route en direction de cette satané chapelle…

Je propose à Albertina qui conduit de simplement ralentir mais sans s'arrêter. Hélas, Terron et Henry se gare devant un terrain vague qui semble correspondre à l'adresse de l'église. Albertina fait de même. Je serre les dents mais prends mon mal en patience. Nous allons bientôt repartir. Ils vont juste regarder puis…
Halluciné, je vois Terron et Henry sortir de la voiture. Albertina semble faire de même mais je pose ma main sur son bras. “Tu ne vas quand même pas aller voir, toi aussi ?” Elle se dégage, ignorant ma crainte et sort à son tour. Je n'arrive pas à y croire. Je les vois s'approcher du muret et me dis qu'au moins, ils n'iront pas plus loin.
Bien entendu, une fois de plus, me voilà interloqué par leur stupidité : le journaliste enjambe le muret et s'avance comme s'il cherchait les vestiges du bâtiment. Je peste, je peste et, voyant que les deux autres l'imitent, je sors de la voiture en pestant.
Je m'approche du muret, prudemment et observe les herbes hautes et la végétation. Rien ne laisse à penser qu'un bâtiment se soit érigé ici. J'observe le quartier qui nous entoure, il est vide et peu accueillant. Je ne distingue personne dans la rue et pourtant, j'aimerais que ce soit le cas. Mon regard se reporte sur mes comparses et je finis par franchir à mon tour la limite du muret. J'avance pour les rejoindre.
Quelque chose me gène mais j'ai du mal à mettre le doigt dessus. J'observe ce qui m'entoure et rien ne me met en confiance. Il ne s'agit pourtant que d'herbe et de roche… Ma montre indique qu'il nous reste une heure et demie de soleil, la course du soleil me le confirme. Les ombres s'étirent et la luminosité me fait mal au yeux, j'en ai un petit mal de crâne. Je continue d'avancer en voyant qu'ils me distancent.
Je peste intérieurement, je jette des regards fréquents aux voitures que nous venons d'abandonner et je peste encore. J'ai la gorge sèche et visiblement, je ne me suis pas assez hydraté car mon mal de crâne commence à résonner. Ce sera une bonne raison à faire valoir pour ne pas s'attarder. J'allais d'ailleurs la leur évoquer quand le sol sous mes pieds se dérobe sans prévenir.
Un cri m'échappe et je me sens mourir. La peur m'envahit mais c'est un choc bien réel qui me ramène à la réalité de la vie : je viens de m'effondrer sur un sol dur. Je me masse le coccyx et me fige. De ce que j'en vois au dessus de moi, je suis passé à travers un plafond pourri et… et j'ai atterri dans une pièce particulièrement effrayante où reposent deux squelettes en robe ainsi qu'une sorte de livre sur un piédestal.
SORTEZ-MOI D'ICI ! SORTEZ-MOI DE LÀ !” hurlé-je à Terron et Henry dont les têtes viennent d'apparaitre. La panique me prend et je préférerai presque être mort. Non, je préférerai ne les avoir jamais suivi, je préférerai être resté dans la voiture, je préférerai être resté à l'université, avec mes livres ! Mais je suis là, tout seul, et… Terron me tend une main pour essayer de m'attraper. “Sautez !” me dit-il et c'est donc sans attendre plus que je prends mon élan. La peur aidant, je parviens à attraper la main et c'est l'ensemble que forme Terron, Albertina et Henry qui m'extirpe de ce trou. Je m’époussète en tremblant et je m'en retourne vers les voitures. “Allez, on en a ass-assez vu ! Rentrons !
Ce n'est qu'une fois de l'autre côté du muret que je me rends compte qu'aucun ne m'a suivi. Je n'en reviens pas. Seraient-ils tous devenus fous ? Je craque une allumette et embrase d'une main mal assurée une cigarette. Une vision d'horreur me frappe alors : Albertina et Henry ont disparu. Qu'est-ce que…? Terron est de nouveau à genoux et semble parler au trou duquel je viens tout juste de m'extirper. Ils ne seraient tout de même pas… Je frissonne et scrute autour de moi. Je tremble et consulte ma montre. Je ne veux pas rester ici une minute de plus et je refuse de rester ici à l'approche de la nuit. Terron me regarde, je lui fais signe de revenir, il me fait un signe du pouce que tout va bien. Quel abruti. Quelle brochette d'ahuris illettrés et dénué de tout brin de jugeote ! Il y a quelque chose de bizarre autour de cette église, je le sens et c'est dangereux. Je le sais. J'en suis convaincu. Ces sectes correspondent tout à fait à ce que j'ai pu lire comme histoires occultes et je n'ai aucunement envie de découvrir si elles sont vraies ou non. J'ai très bien conscience qu'il y a toujours un brin de vérité dans chaque livre mais, dans la situation présente, plus celui-ci se révèlerait faible, mieux ce serait, à mon sens.
Je vois Albertina ressortir. Enfin ! Henry la suit ! Ils reviennent enfin, tous les trois. Le soulagement manque de me couper les jambes, je jette un dernier regard à ma montre. ”Partons vite !

cr_cthulhu_1.1657359656.txt.gz · Dernière modification : 2022/07/09 11:40 de klaewyss_master