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jdr:cr:elanndelh:cthulhu_2

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jdr:cr:elanndelh:cthulhu_2 [2022/10/28 22:11] – +chapitre 12 elanndelhjdr:cr:elanndelh:cthulhu_2 [2023/10/04 21:14] (Version actuelle) – modification temporaire du mail de commentaire elanndelh
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-====== Gala du Tribune Tower ====== +====== Terreur dans les étages ====== 
 +<WRAP justify> 
 +<WRAP info>Ce récit divulgâche le scénario "//[[https://www.tentacules.net/index.php?id=576|Terreur dans les étages]]//" du jeu de rôles **L'Appel de Cthulhu**.</WRAP> 
 +</WRAP>
  
 ===== Contexte ===== ===== Contexte =====
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 Il y a quelqu'un. Il y a quelqu'un.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 13>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 13 - Ventilation ensablée =====
 +Baissant la voix, je chuchote :\\
 +"//Il semblerait qu'il y a quelqu'un ici. C'est probablement Matters mais ça n'expliquera pas tout ça. Qu'est-ce que vous souhaitez faire ?//\\
 + //- Il faut l'arrêter et tout de suite. J'y vais.//\\
 + //- Attendez ! Sans plan ? Comme ça ?//"\\
 +Le téméraire Jack prend le temps d'observer chacun de nous. Vicky Roselli, sortant un pistolet de sous sa robe, déclare simplement :\\
 +"//Je viens avec vous, Jack. Finissons-en.//"\\
 +Je soupire et regarde Sinclair avant de déclarer aux deux autres :\\
 +"//Je crains que ça n'arrête pas tout cela. Occupez-vous de Matters, je vais aller voir au 24ème tout de même... C'est difficile à dire mais mon instinct de journaliste me pousse à continuer.//\\
 + //- Je vous accompagne. Il me tarde de voir ce qu'il va encore se passer !// s'enthousiasme Neville.\\
 + //- Bien, nous nous occuperons donc seuls de Matters.//" termine Jack, de façon ferme.
 +
 +J'acquiesce simplement puis reprend l'ascension après un dernier regard vers les deux qui restent. Je leur souhaite bonne chance à voix basse, les enjoins à rester prudent puis monte les marches.\\
 +Neville me suit et pendant trois étages nous veillons à ne pas faire de bruits.
 +
 +Bien vite cependant, la nature de l'acteur reprend ses droits et il se remet à discuter, avançant que Matters et la tempête sont deux choses bien distinctes et que nous avons bien fait de continuer à enquêter. J'ai du mal à y croire et pourtant, au fond de moi, j'ai le sentiment qu'il n'a pas tort. Il s'agit néanmoins encore d'une de ses théories fantasmées dans laquelle il pourrait en tirer un film, j'essaye donc de ne pas lui montrer mon assentiment pour ne pas l'encourager. Dieu, faites qu'il ait tort.
 +
 +Quelques étages de plus suffisent pour le faire taire, l'épreuve physique demandant toute son attention. Les marches semblent être de plus en plus difficiles à gravir. Mon cœur se met à battre jusque dans mes tempes et je sens la sueur de l'effort rendre ma chemise désagréablement humide.
 +
 +Lors des derniers étages, la montée est, pour moi, un véritable calvaire. J'ai l'impression d'avancer de façon automatique. Une marche après l'autre. Une marche... après l'autre.\\
 +Sans tourner la tête, pour économiser mes forces, je jette un regard à Neville. Celui-ci semble être dans le même état que moi. J'entends sa respiration bruyante. Alors que j'ai vu plusieurs de ses films muets, jamais je n'aurais imaginé qu'il pouvait avoir une telle respiration d'efforts. Je doute que ce soit le genre de chose qui serait agréable à entendre durant un film parlant. Il a finalement assez bien choisi sa carrière dans le cinéma muet bien que je pense qu'à terme ce genre va complètement disparaître. Je me demande s'il en a conscience.
 +
 +Enfin, le 23ème étage. L'étage de la radio. Je m'arrête un temps sous le vrai prétexte de reprendre mon souffle et observe le couloir qui s'ouvre devant nous.\\
 +"Bientôt" me dis-je. Bientôt je reprendrais ma place devant la radio.
 +
 +Après quelques minutes, nous reprenons l'ascension et débouchons sur le 24ème palier. Neville ne peut s'empêcher de s'exprimer :\\
 +"//Ah ! Nous y voilà enfin !//\\
 + //- Chut !// lui imité-je\\
 + //- Quoi donc ?//\\
 + //- Ce n'est pas normal, vous entendez...?//"\\
 +M. Sinclair se tait donc et tend l'oreille. Il en arrive à la même conclusion que moi : le vent nous parvient beaucoup trop bien. Nos regards se croisent, je vois de la peur dans le sien. Je suppose que le mien reflète la même chose. Cette curiosité me fait oublier que mes jambes brûlent.
 +
 +Nous sortons de la cage d'escalier et observons le couloir. Le bruit semble parvenir du bureau de Blake dont la porte est ouverte. N'avions-nous pas fermé la fenêtre en partant ? Il me semblait que si. Qui l'aurait réouverte ? Jack ? Non, il est stupide mais à ce point. Miss Melnitz ? Non, elle n'aurait eu aucun intérêt à le faire. Matters...? C'est probable...\\
 +Nous nous dirigeons prudemment et notons que la fenêtre est effectivement ouverte. Neville propose donc un plan débile, digne d'un mauvais film :\\
 +"//Nous devrions prendre une étagère vide dans le bureau d'à côté, s'en servir comme bouclier et aller jusqu'à la fenêtre pour la refermer.//\\
 + //- Ou bien nous fermons simplement la porte.//"\\
 +Ma contre-proposition le fait réfléchir et je le vois réellement hésiter entre les deux. Je n'en reviens pas.\\ 
 +Fort heureusement, il finit par acquiescer et choisir mon option. Je présume que le fait que le vent semble gagner en intensité n'est pas étranger à sa prise de décision rapide. Nous refermons donc la porte. 
 +
 +Le fait que ce danger immédiat soit écarté nous permet de prendre conscience de l'état dans lequel l'étage est : le sol est en grande partie recouvert de sable. Il semble y avoir comme une trainée qui part de la porte que nous venons fermer jusqu'à une trappe de ventilation.\\
 +Cette révélation me glace le sang. J'avais du mal à respirer à cause de l'effort mais cette difficulté s'accentue. Si j'ai raison, que le sable a sa propre conscience et qu'il y en a dans les tuyaux de ventilations alors... alors ça signifie qu'il peut y avoir du sable partout ! Même au troisième étage !\\
 +"//Il nous faut couper prestement le mécanisme qui permet l'aération de l'immeuble !//\\
 + //- Et les toilettes ?//\\
 + //- Oui, allons inspecter rapidement les toilettes mais ensuite il faudra redescendre sans attendre !//"\\
 +L'adrénaline monte et je me sens pousser des ailes. Les douleurs dans mes pieds semblent s'être estompée comme par magie. Nous courrons jusqu'aux toilettes où Matters a dû récupérer du matériel mais, à mon grand dam, nous ne trouvons rien de concret.\\
 +Tant pis, le temps presse, nous en ressortons bien vite pour reprendre la cage d'escalier.
 +
 +Nous dévalons les marches deux par deux, voire trois par trois.
 +
 +Nous passons devant chaque étage sans nous arrêter ni regarder malgré les bruits qui nous entourent. Le clignotement des lampes semble s'être accéléré et j'ai l'impression d'entendre du bruit dans les murs. Du bruit de sable. Je suis terrifié et d'autant plus motivé à atteindre les sous-sols.\\
 +Arrivés au troisième, nous décidons de nous séparer : Neville allant prévenir les autres, moi continuant pour éteindre le mécanisme.
 +
 +Arrivé au rez-de-chaussée, je suis stoppé net par la puissance des vents qui nous entoure. Qui m'entoure. À travers les grandes baies vitrées, je peux voir toute la virulence de la tempête et confirmer qu'elle semble tourner autour du bâtiment. Les innombrables grains de sable qui heurtent les fenêtres forment une musique angoissante.\\
 +Je me détache de ce spectacle fascinant et termine la descente. Les lumières semblent clignoter plus de six fois par minutes et laissent parfois place à l'obscurité pendant quelques secondes. Il me faut une lueur qui ne flanche pas. J'attrape une lampe à pétrole qui traîne au niveau de l'étage des machines et l'allume. La lumière rassurante de la flamme derrière sa petite paroi de verre me rassure.\\
 +J'ouvre alors la porte de l'endroit où je suis sensé arrêter la ventilation. C'est une pièce que je n'ai vu qu'une fois et je découvre une obscurité totale ainsi que des machines qui ne me disent absolument rien. Je suppose que les plombs de cet étage ont sauté et pénètre à l'intérieur de la machinerie, cherchant un plan ou une aide quelconque sur les murs.\\
 +Mes pieds font crisser du sable : il y en a ici aussi.\\
 +Je finis par trouver le levier à actionner mais il refuse de bouger. Je pose la lanterne et m'y prends à deux mains. L'engrenage semble bloqué à moins que ça ne soit le mécanisme qui est cassé. Je stresse mais cherche une solution, essayant de dégager le sable qui obstrue l'appareil.\\
 +"//Mais bouge, bordel !//" m’exclamé-je à son encontre.
 +
 +Soudain, je me raidis. Je cesse de bouger, un bruit terrifiant me parvenant.\\
 +Ce bruit semble parvenir du tuyau que je m'échine à débloquer.\\
 +Il me fait penser à un million de grains de sable propulsés.\\
 +Ça se rapproche !
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 14>
 +<WRAP justify>
 +<WRAP important> Il y est fait mention de torture dans ce chapitre. Aucun détail n'est donné. </WRAP>
 +
 +===== Chapitre 14 - Cas de conscience =====
 +Je ne perds pas de temps en divagation, théories fumeuses ou autre et me précipite hors de la pièce. Derrière moi j'entends les bruits de grains qui se fracassent sur les tuyaux ainsi que ceux qui s'en expulsent. Je ne me retourne pas, ils sont juste derrière moi. La vision des corps tailladés dans l'étage des presses me donne des ailes.\\
 +Je referme la porte derrière moi puis gravit les marches sans attendre. Ma fatigue corporelle est au second rang et je parviens à atteindre le troisième étage, indemne.
 +
 +Essoufflé, je pousse la porte, la referme puis me laisse tomber au sol, le temps de reprendre mon souffle. L'un des serveurs me dit quelque chose, probablement pour s'enquérir de mon état, mais je n'entends rien tant le sang bat dans mes tempes. Je lui fais un simple geste de la main puis ferme les yeux un instant, repensant à tout ce qu'il vient de se passer.\\
 +Je suis convaincu d'avoir échappé de peu à une mort horrible et rapide. Je n'en reviens pas. Je ne comprends pas.\\
 +Je dois reconnaître que la peur me prend au tripes.\\
 +Mes jambes me lancent, mon corps transpire. Je laisse un peu de temps à celui-ci pour se remettre. Mon souffle commence enfin à s'apaiser un peu. Le verre d'eau que me tend l'un des serveurs me fait du bien et je l'en remercie vaguement.
 +
 +Je finis par me redresser et reprendre conscience de ce qui m'entoure.\\
 +La tension est plus que palpable, chaque visage est crispé, la peur se lit sur certains ainsi que la colère sur d'autres. Je suppose que c'est leur façon de gérer la peur car toute personne saine d'esprit devrait, en cet instant présent, dans cet immeuble, ressentir de la peur.\\
 +Parmi ces personnes, je reconnais mon ancien directeur, et probablement futur directeur, qui n'a plus grand chose du "colonel". Il semble complètement dépassé et n'a, à mon avis, pas l'esprit assez agile pour accepter ce qu'il se passe. Il discute avec Neville. J'observe que Jack et Vicky sont revenus avec Matters; ils sont d'ailleurs accompagnés par le lieutenant qui, lui aussi bien que ça ne soit pas étonnant, semble dépassé par ce qu'il se passe. Ils sont tous les quatre dans la pièce que l'officier s'est attribué et visiblement Jack a entrepris un interrogatoire musclé. À moins que ce ne soit un réveil énergique à coup de gifles. Je me rapproche pour mieux voir mais suis intercepté par Sinclair quand je passe à sa proximité.\\
 +"//Ernest, je peux t'appeler Ernest, n'est-ce pas ?// Je n'y réponds pas et il enchaîne directement. //Bien, Ernest alors voilà. J'ai discuté avec M. Mc Cormick et je pense que l'on pourrait en apprendre plus sur... toute cette histoire en allant étudier sa bibliothèque. Savais-tu qu'il avait une bibliothèque personnelle ici ? C'est étonnant, non ? Quoiqu'il en soit, selon lui, il y aurait des documents à propos de ces pierres qui ont été envoyé à travers le monde donc ça vaudrait le coup qu'on aille voir. Tu m'as l'air bien fatigué, est-ce ça va ?//\\
 + //- J'ai juste besoin de reprendre mon souffle mais d'accord, bibliothèque, c'est noté. Je pense cependant que Matters est à l'origine de tout cela. Et qu'il pourrait nous en révéler beaucoup lui aussi.//\\
 + //- Honnêtement, j'en doute. Pour moi, les deux événements n'ont rien à voir. Lui, il voulait juste tuer les membres du conseil d'administration pour une vulgaire question de concours de bâtiment. C'est ridicule. Et il n'a certainement rien chez lui de... euhm... étrange ? Bizarre ? Ésotérique ! Je pense sincèrement que...//\\
 + //- J'entends ta théorie Neville, mais je vais quand même aller écouter ce qu'il a à dire.//\\
 + //- Soit, soit ! Mais c'est une perte de temps !//"\\
 +
 +Suite à cet échange, quelque peu fatiguant pour moi, je laisse donc Neville et ses théories loufoques sur place et me dirige vers le bureau. Bien entendu que tout est lié à Matters. Je ne sais pas comment ni pourquoi mais lui seul peut nous renseigner.\\
 +Je pénètre dans la pièce. L'individu est attaché et assis sur une chaise. Jack lui met une gifle qui ressemble plus à un crochet mais ceci ne lui tire qu'un rire de dément entrecoupés de paroles incohérentes : \\
 +"//Je suis en possession du pouvoir divin ! Je contrôle les vents ! J'accomplis sa volonté ! J'ai été choisi par les vents, CHOISIS ! par le dieu vengeur !//"\\
 +Le lieutenant Jerry O'Sullivan reste dans un coin, proche de la porte, indécis quant à la direction à prendre. Je vois d'ailleurs son regard dévier régulièrement vers les vitres et le vent violent qui nous entoure.\\
 +Jack a beau exhorté l'homme à parler, celui-ci s'y refuse et déblatère son charabia de dégénéré. Je commence à craindre que cette piste ne nous apprenne rien de plus quand la voix de Vicky Roselli se fait entendre :\\
 +"//Trouvez moi une pince et je lui ferai dire tout ce qu'on veut savoir.//"\\
 +
 +Sa déclaration laisse un blanc de plusieurs secondes.\\
 +Elle envisage clairement la torture, c'est inadmissible. Et en même temps... Mon regard dévie aussi sur l'extérieur et le sable tourbillonnant. En même temps... je n'ai aucune envie de mourir ici. Pourquoi ce crétin ne parle-t-il pas ?!\\
 +"//Merci Stolz.//"\\
 +Ce remerciement me scie sur place. Je reprends conscience de l'instant et note que j'ai le bras tendu. Je viens de donner ma petite pince à une mafieuse. Je laisse tomber ma main, blanchis de honte et d'horreur pour moi-même. Je savais que j'avais enterré des principes mais de là à devenir complice de... ça...\\
 +Ma vision se brouille et je bredouille une excuse en sortant de la pièce. Je m'en éloigne le plus possible, refusant d'être témoin de... cela.
 +
 +Je note que le lieutenant aussi est sorti. La porte se referme sur l'athlète, la tueuse et le fou.
 +
 +Parce que mes pensées s'orientent toutes vers la détestation de mon être, que j'ai du mal à justifier mon acte par mon simple instinct de survie, mais aussi parce que la piste que j'espérais suivre avec Matters n'est plus, je me redirige vers MC Cormick et Sinclair qui me regardent approcher. Je sens leurs regards sur moi et même s'ils n'ont rien vu de la scène, j'ai l'impression qu'ils lisent mon âme et me jugent. Je me racle la gorge et entame donc la conversation maladroitement, l'orientant à propos de la bibliothèque.\\
 +Je n'apprends pas grand chose d'intéressant mais cela permet de faire passer les quelques minutes que durent l'interrogatoire forcé tout en concentrant mon esprit sur autre chose.
 +
 +Quand Jack et Vicky ressortent de la pièce, je m'éloigne pour aller rapidement chercher une coupe de champagne et la descends d'une traite avant de retourner vers eux pour les écouter débriefer avec Sinclair.\\
 +"//Il ne sait rien. Il confirme que les vents... sont animés et qu'il a été épargné parce qu'il est "l'élu" d'un dieu vengeur. Bref, ça ne nous apprend pas grand chose// conclut Jack Dempsey.\\
 + //- En effet et c'est dommage//, confirme Miss Roselli. //Voici votre pince, M. Stolz, d'ailleurs.//\\
 + //- Vous... pouvez la garder...// bredouillé-je encore mal à l'aise.\\
 + //- Comme vous voulez.// Je vois un petit sourire sur le visage de cette femme dénuée d'empathie.\\
 + //- Bon, on fait quoi maintenant ?// questionne Jack, visiblement déstabilisé par le fait que j'avais raison à propos des vents qui semblent être animés d'une volonté propre.\\
 + //- Ça tombe bien que vous posiez la question, Ernest et moi envisagions d'aller à la bibliothèque de M. Mc Cormick pour en découvrir plus sur... tout ça//, intervient l'acteur de cinéma muet.\\
 + //- Ah. Eh bien... à moins que vous n'ayez besoin de moi je vais rester là je pense//, annonce l'athlète.\\
 + //- Pour être honnête... je pense qu'avoir quelqu'un avec vos compétences pourrait nous être utile. Ne serait-ce que pour ouvrir ou fermer une porte qui refuserait de se laisser faire.//"\\
 +Jack Dempsey me regarde droit dans les yeux, je sens qu'il a bien moins d'aversion envers moi, qu'il est plus ouvert et bien plus perturbé qu'au début de la soirée maintenant qu'il est obligé de reconnaître que tout cela... existe bien. Après quelques secondes, il lâche simplement un :\\
 +"//Bien.//"\\
 +
 +Je suppose donc que c'est la fameuse et étonnante équipe que nous formons à quatre qui va se devoir se retaper toute la montée. Car oui : cette fameuse bibliothèque est située au 24ème étage... Je me maudis de ne pas y avoir pensé plus tôt. J'ai quelques doutes sur ma capacité physique à y parvenir à gravir tous ces paliers.\\
 +L'ascenseur pourrait être une solution envisageable...
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 15>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 15 - Le Serpent Arc-en-Ciel =====
 +... Non, ce serait stupide et dangereux vu qu'il est en contact direct avec l'extérieur. Cette conclusion m'atterre mais il faudra se contenter des escaliers. Je m'y dirige donc pour montrer l'exemple jusqu'à ce que je vois Jack prendre une bouteille de champagne. Mon gosier me paraît sec tout d'un coup alors que je viens de boire une coupe. Je me dis que ça pourrait me faire prendre quelques forces supplémentaires. Je sens ma gorge se serrer d'envie mais je finis par détourner le regard vers la porte. Je ne cédererai pas. Pas maintenant.
 +
 +Nous entamons une nouvelle fois, la dernière espéré-je fortement, l'ascension. Il ne faut pas longtemps avant que mon corps ne crie son refus et m'assène mille signaux de douleurs. Les pieds, les genoux, les cuisses, les hanches, le bas du dos, le haut du dos aussi, se mettent à se rappeler à mon bon souvenir en me faisant grincer des dents.\\
 +Les étages sont absorbés un à un dans un silence de souffrance. Seul Jack Dempsey semble seulement commencer à montrer des petits signes de fatigue mais je suppose que c'est plus lié à l'alcool et aux émotions fortes qu'à l'effort physique.
 +
 +Arrivés à l'étage de la radio, un drôle de bruit nous parvient de la salle d'enregistrement. Je suis exténué mais cet étage me revigore un peu. Après un regard échangé en silence, je vais voir. Après avoir pousser la porte, la superbe salle se révèle à moi et me rappelle tellement de souvenirs que mon cœur en palpiterait s'il le pouvait encore.\\
 +Le son qui a attiré notre attention provient du casque audio laissé sur le bureau. Je tire le fauteuil en cuir robuste et m'assieds avec un délice non feint avant d'attraper le périphérique et de le mettre sur mes oreilles.\\
 +J'écoute.
 +
 +Il me faut jouer avec quelques potentiomètres pour arriver à en tirer quelque chose d'audible. Cependant, bien que ce soit audible, le contenu reste incompréhensible. Cela me fait penser à ce que j'ai entendu dans le combiné de téléphone tantôt mais en bien plus clair. C'est... cela ressemble à des phrases mais formées de mots difficilement prononçables et transcriptibles.\\
 +Je m'échine encore deux minutes sur les potentiomètres pour essayer d'obtenir mieux mais j'en viens à la conclusion que c'est tout ce que je parviendrais à avoir. C'est donc à regret que je quitte le fauteuil des plus confortables pour rejoindre les personnes qui m'attendent dans le couloir.\\
 +"//Je suis navré, je pensais tenir une piste mais il semblerait que ce soit juste les communications qui sont perturbées par la tempête. Continuons.//"
 +
 +Nous parvenons à l'étage suivant et je les conduis sans hésiter à la bibliothèque, non sans avoir vérifié au préalable qu'aucune fenêtre ne s'était réouverte depuis. Le couloir ne semble pas avoir été plus ensablé que lors de mon dernier passage, c'est du moins ce que me disent mes yeux fatigués.\\
 +À l'instar de toutes les autres portes, celle de la bibliothèque n'est pas verrouillée. Nous y pénétrons et je suis surpris comme au premier jour par le nombre d'ouvrages que l'on peut dénicher ici. Ce nombre me paraît un peu démesuré. Je regarde mes comparses. Les lumières semblent clignoter de plus en plus rapidement. Comme si... quelque chose approchait. J'en compte dix par minutes.\\
 +Neville Sinclair nous explique ce que l'on doit trouver et, sans discuter, nous nous éparpillons dans la pièce pour améliorer nos chances de réussite.
 +
 +Il nous faut une dizaine de minutes avant que Miss Roselli ne trouve le livre convoité. Neville s'en empare, fébrile, puis le compulse rapidement. Pour ma part, je me laisse tomber sur le sol pour reprendre mon souffle.\\
 +Lorsque l'acteur nous lit un passage sur une légende aborigène je n'écoute pas vraiment, le sang pulsant dans mes tempes. Ce sont les discussions des trois autres qui me ramènent à la réalité.\\
 +"//... orte quoi !// s'exclame Jack. //Ça veut dire quoi cette histoire ? Qu'il y aurait des créatures d'un autre monde qui nous attaqueraient ?!//\\
 + //- Je ne fais que lire la légende mais... oui. Et il est fait mention de foudre pour les tenir à l'écart. Vous êtes d'accord avec mon interprétation ?// questionne Neville.\\
 + //- Étonnement, je suis en accord.// déclare simplement la femme en robe de soirée noire.\\
 + //- Et vous, Ernest ?//"\\
 +La question de Neville me prend au dépourvu. J'essaye de me repasser rapidement ce qui s'est dit et ce que j'en ai compris pour finalement demander une nouvelle lecture.
 +
 +> //Pour les aborigènes, l’eau a été donné aux hommes par le Serpent Arc-en-Ciel.//
 +> //Avant lui l’homme n’avait que le sable pour boire.//
 +> //Une chose mauvaise, qu’ils nomment Nylatep et qui ressemble à une immense chauve souris, décida que l’homme devait souffrir. Elle envoya alors son peuple à travers le monde et ses monstres soulevèrent le sable et bouchèrent les sources.//
 +> //Alors la terre redevint stérile.//
 +> //Le Serpent Arc-en-Ciel rusa et promis à Nylatep une terre plus vaste et plus aride encore à condition qu’il ne revienne plus sur la terre des hommes. Cette terre c’était la lune qui brille sans chaleur.//
 +> //Le Serpent Arc-en-Ciel pu couler à nouveau sur la terre et irriguer les sols... et la nuit dans le désert le peuple de la lune souffle sa haine d’avoir hérité d’un monde sans humain pour le craindre.//
 +> //Lorsque la foudre s’abat c’est que le Serpent Arc-en-Ciel se montre pour faire respecter le pacte.//
 +> //Et après l’orage il apparait aux hommes pour leur signaler que tout va bien.//
 +
 +Cela ne nous avance pas immédiatement et je ne suis pas certain de la pertinence de ce texte. Il est pourtant clairement relié au peuple dont les pierres ont été dérobées. Une telle coïncidence ne peut s'ignorer et je veux bien croire qu'il y ait un lien avec ce qui nous arrive. Après tout... pourquoi pas ? Ça n'est pas plus étrange que du sable qui s'anime de lui-même, là, nous avons au moins une explication irrationnelle.\\
 +Je regarde l'athlète, l'acteur et la mafieuse de ma position assise. Les trois semblent perplexes.
 +
 +"//Qu'est-ce que vous en comprenez ?// demande Vicky.\\
 + //- La seule chose qui me semble pertinente c'est que la foudre, l'électricité, pourrait appeler ce fameux serpent et peut-être régler la situation,// avancé-je.\\
 + //- Sauf qu'il ne pleut pas et que l'immeuble est entouré de sable//, pointe justement Neville.\\
 + //- On pourrait déclencher le système anti-incendie et brancher quelque chose pour tout électriser.//"\\
 +Je regarde Jack, surpris par sa proposition. C'est à la fois dangereux et intelligent. Son esprit m'apparaît de moins en moins stupide. Utiliser l'eau du système d'incendie et une machine ou quelque chose... Il nous faudrait des câbles et...\\
 +Vicky Roselli craque une allumette et met le feu à une page qu'elle a préalablement déchiré. J'ouvre des yeux surpris et me redresse à moitié. Jack prend la suite et met le feu à un livre entier avant de l'approcher du plafond. Ils ne perdent pas de temps et ne semblent pas du tout réfléchir aux conséquences ! Nous n'avons même pas...\\
 +Je suis tiré de ma réflexion par une douche froide. Je termine de me relever et, levant le visage, sens les multiples petites gouttelettes d'eau tomber sur mon visage.\\
 +Il semblerait que le plan soit lancé. 
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 16>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 16 - Tout pour des câbles =====
 +Quinze par minutes à présent. Les clignotements continuent d'accélérer. J'ignore si les autres l'ont remarqué mais, personnellement, cela me tend.\\
 +Neville prend les rênes et nous interroge sur ce que l'on pourrait utiliser pour conduire l'électricité. L'antenne radio tout en haut du bâtiment pourrait être intéressante mais il faudrait être fou pour sortir par ce temps. De plus... il s'agit de l'antenne de la radio et je dois reconnaître que je suis soulagé que cette piste soit écartée. Abimer cette merveilleuse machine m'aurait brisé le cœur. En admettant que je survive à tout cela.\\
 +L'acteur nous presse et plusieurs idées, mauvaises, sont évoquées jusqu'à ce que l’athlète fasse mention des câbles de chantier qu'on trouvera très certainement dans les étages en travaux. Il dit en avoir aperçu au 22ème étage.\\
 +L'eau continue de nous asperger et après quelques secondes de réflexion quant à la dangerosité du projet nous optons pour ce plan. Je déteste ce plan.
 +
 +Nous pressons le pas et descendons rapidement les marches jusqu'au 22ème étage.\\
 +En ouvrant la porte de la cage d'escalier nous observons un spectacle hypnotisant et mortel. L'étage est complètement ouvert sur des cloisons non terminées, il y a des débris partout et surtout, beaucoup de sable. Il semblerait que plusieurs fenêtres soient ouvertes au vu du vent que l'on peut sentir. Au centre de cet espace dégagé se tient... ou plutôt apparaît par intermittence une sorte de créature serpentine formée d'électricité. Instinctivement je pense au Serpent Arc-en-Ciel de la légende mais c'est impossible.\\
 +Je fais un pas en arrière. Il y a de l'eau partout dans cette pièce et de nombreuses étincelles. Pénétrer plus en avant serait du suicide, j'en suis convaincu. Mon regard revient inévitablement vers la manifestation de lumière , elle semble s'enrouler autour d'une chose invisible. Il y a du vent et j'ai comme l'impression d'entendre des hurlements sourds et faibles à la fois, comme étouffés par plusieurs portes. Une odeur de chair brûlée me parvient.\\
 +"//Essayons... un autre étage...//", murmuré-je en reculant encore dans l'escalier.
 +
 +Les autres acquiescent en silence, aussi hypnotisés que moi et la porte se referme sur ce spectacle des plus perturbants.\\
 +Nous descendons à l'étage suivant et ouvrons la porte. Derrière celle-ci nous apparaît un nouvel étage en travaux semblable au précédent, avec du sable, des extincteurs automatiques qui l'aspergent et quelques fenêtres ouvertes. Le vent semble cependant moins virulent et il n'y a pas de manifestations électriques. En y repensant, je me dis d'ailleurs qu'il s'agissait simplement d'un jeu de mon cerveau : j'ai vu ce que je voulais voir, voilà tout.\\
 +La projection d'eau se met à faiblir puis s'arrête, ne laissant plus que quelques gouttes tomber sur le sol.\\
 +Ne reste que le vent ensablé qui semble... trainer ? dans la pièce.\\
 +"//Là-bas, il y a des câbles !//" s'exclame Neville en désignant un ensemble de câbles de chantier encore enroulés. Le pack semble relativement lourd et je me dis qu'il me serait difficile de le ramener d'autant que, vu la situation, le vent, le sable, je pense qu'il faudrait courir afin de minimiser les risques et...\\
 +"//Je vais y aller.//" déclare simplement Jack.
 +
 +Je me retourne vers lui et note à son regard qu'il a très bien perçu les risques et dangers d'une telle opération. Il semble déterminé. Sans y réfléchir à deux fois, je me débarrasse de ma veste et la lui tend.\\
 +"//Je crains que ça ne soit dérisoire mais cela peut vous permettre de souffrir un peu moins du sable si jamais... si... Enfin, vous voyez.//\\
 + //- Merci.//" répond-t-il simplement.\\
 +Vicky Roselli défait son châle et le lui tend.\\
 +"//Cela pourra protéger votre tête.//\\
 + //- Merci. Bon. Je vais y aller.//\\
 + //- Attendez !// s'exclame Neville, inquiété par les vents. //Je... je pense que nous devrions prendre le temps d'aller chercher les lunettes de Ruth Copeland. Peut-être qu'elle acceptera de s'en défaire le temps de... enfin, ça vaut le coup d'essayer. Ne bougez pas, je reviens !//"
 +
 +Sans que nous n'ayons le temps de protester l'acteur de cinéma muet s'élance, d'une démarche questionnable, dans les escaliers. D'un accord commun, nous choisissons de l'attendre et de refermer la porte. Après tout : nous n'aurons peut-être qu'une seule chance, ce serait stupide de ne pas se préparer convenablement. Même si... il faut le reconnaître, le temps nous manque déjà.\\
 +Utiliser l'équipement professionnel de l'aviatrice pourrait se révéler capital, j'en conviens. Mais tout semble s'accélérer. Dépêche toi, Neville. Dépêche toi !
 +
 +Plusieurs minutes s'écoulent avant que ne nous parvienne de nouveau des bruits de pas dans l'escalier. Très vite suivis par des râles d’essoufflement. La voix féminine questionnant "//Encore combien d'étage... reste-t-il...?//" me surprend. Je ne m'attendais pas à quelqu'un d'autre que Neville Sinclair et pourtant, le voilà qui arrive à notre étage, le visage complètement rougi par l'effort, accompagné par Ruth Copeland elle-même. Celle-ci semble tenir un peu mieux l'effort mais montre des signes d'essoufflements malgré tout.\\
 +"//Je ne pensais pas que vous reviendriez à deux.//\\
 + //- Elle a... elle a... aaaaaah ! Elle...//\\
 + //- Disons plus simplement que j'ai insisté pour voir ce qui pouvait nécessiter mon équipement. J'y tiens beaucoup, voyez-vous.//\\
 + //- Une image sera probablement plus parlante.//"\\
 +Après avoir prononcé ces mots, je me déporte jusqu'au battant que j'ouvre pour révéler la pièce ensablée. Je vois la jeune femme s'avancer pour mieux observer le spectacle surréaliste qui s'offre à nous.\\
 +"//Il nous faut ces câbles là-bas,// énonce Jack en les désignant du menton.\\
 + //- Très bien mais pourquoi ?//\\
 + //- Miss Copeland, nous pouvons prendre le temps de tout vous expliquer et risquer de tous mourir ou bien vous vous empressez de nous prêter vos accessoires.//"\\
 +La voix tranchante et glaciale de Vicky Roselli laisse un court blanc.
 +
 +Je crains que cela ne frustre et fasse repartir l'aviatrice professionnelle mais, fusillant du regard la femme en robe de soirée, elle se défait de sa paire de lunette d'aviation qu'elle tend à Jack bientôt.\\
 +"//Prenez-en soin.//"\\
 +Une bourrasque nous parvient, je referme la porte et patiente le temps que Jack Dempsey s'équipe. Dès qu'il est prêt, j'ouvre de nouveau en lui souhaitant sobrement "bonne chance". Je le pense sincèrement.
 +
 +Je pousse la porte et dégage le passage pour l’athlète qui s'élance sans attendre au milieu des grains de poussière qui volent. Il ne lui faut pas une minute pour s'emparer des câbles et les mettre autour de lui. J'ai des sueurs froides en le voyant faire, craignant qu'à tout moment quelque chose ne se passe.\\
 +Et ça ne rate pas : à peine a-t-il pris le chemin inverse que le vent semble gagner en intensité. Je vois Jack, un bras au dessus du visage, l'autre maintenant les câbles, modifier le chemin de sa course comme s'il cherchait à esquiver quelque chose. La densité de sable semble augmenter et rend plus difficile de suivre les mouvements de l'homme. C'est comme s'il se débattait, sans cesser de courir. Curieusement, j'ai l'impression de le voir enchaîné des mouvements de boxe. Ce n'est pourtant pas le moment !\\
 +Écarquillant les yeux, je vois de longues traces se former sur le sol près de Jack. Les mêmes que celles trouvées dans la salle des presses. J'ai envie de lui crier de faire attention, de se dépêcher mais ma gorge reste serrée par la terreur. Je le regarde simplement se rapprocher. Dépêche-toi...\\
 +Il y est presque !\\
 +Encore quelques mètres.\\
 +Le voilà qui passe à mes côtés. À peine ai-je le temps de soupirer de soulagement que je déchante bien vite : j'ai comme l'impression que le vent s'engouffre à sa suite. Je sens la porte vibrer et j'essaye de la refermer mais le vent gagne en intensité. Je sens que je suis en train de perdre cette bataille, mes jambes se ramollissent et les douleurs dans mon dos se refaisant sentir. Mon corps est fatigué et moulu contre ce vent puissant et implacable. Je m'entends crier en poussant de toutes mes forces. Je dois refermer cette putain de porte ! Je le dois !\\
 +Malgré ma volonté, une bourrasque violente met un terme à mes efforts et m'envoie la porte contre le nez. Je me sens projeté en arrière puis plaqué contre le mur en face, mon crâne se cognant contre celui-ci. Un grognement de douleur m'échappe mais il est éclipsé par les cris de souffrance et d'horreur qui résonnent autour de moi.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 17>
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 +===== Chapitre 17 - Nytaleps =====
 +Les cris proviennent de Neville, de Ruth et de Vicky que je découvre lacérés. Ça a recommencé. Neville qui était déjà bien amoché est couvert de sang, ses vêtements de luxe sont déchirés et s'imbibent de sang. Ruth, quand à elle, semble avoir les jambes tailladées et je la vois essayer de fuir le sable, manquant de tomber dans les escaliers. De son côté, la robe noire de Vicky Roselli est bien affligée et je peux voir de longues plaies le long de ses bras qui essayent d'écarter les innombrables grains de sables. J'ai des yeux écarquillés devant cette scène et je mets du temps avant de comprendre ce que l'on me dit :\\
 +"//Stolz ! La porte ! Venez m'aider ! Bordel mais bougez-vous !//"\\
 +Oui ! La porte ! Le vent continue de souffler sur nous, le sable de s'engouffrer et il nous faut agir vite. Je me redresse, chancelant, puis me précipite pour aider Dempsey à refermer la porte. Il semble avoir gagner du terrain. Je mets toutes mes forces dans cet effort, oubliant ma fatigue, craignant pour ma vie. Dans un sursaut d'adrénaline et à grand renforts de cris libérateurs, nous parvenons à gagner encore quelques centimètres. Nous continuons quand, tout à coup, le vent perd en intensité.\\
 +Déstabilisés par cette annulation de force soudaine, nous refermons le battant avec puissance et manquons de tomber.
 +
 +La porte est fermée. Je reprends enfin mon souffle ainsi que conscience de mon corps et de la situation.\\
 +Mon cœur donne l'impression qu'il va quitter ma poitrine, mes jambes semblent en feu, mes bras tout autant. J'ai encore mal derrière la tête et j'ai les pieds en compote.\\
 +J'oublie cependant bien vite mes propres douleurs quand je découvre l'état des trois autres personnes dans le couloir. Neville, Ruth et Vicky semblent bien mal en point. Les deux dernières se font aider par Jack Dempsey et semblent tenir sur leurs jambes mais Neville... L'acteur est très mal en point, il a la respiration sifflante. Avec l'aide de Jack, je parviens à le remettre sur pied et passe un bras autour de sa taille pour le maintenir.\\
 +"//Laissez... laissez-moi ici...//\\
 + //- Allons, ne dîtes pas d'âneries, nous allons vous descendre avec nous. Pas de discussions !//"\\
 +À peine ai-je prononcé ces mots que je les regrette en mon fort intérieur. Descendre une vingtaine d'étage me semblait déjà compliqué mais avec une charge supplémentaire, ça me semble impossible... Je frissonne.\\
 +Fort heureusement, Jack me donne un coup de main et c'est à trois que nous descendons; les dames nous précédant.
 +
 +La descente se fait infernale. À chaque marche, je ressens chacun de mes muscles qui me hurlent d'arrêter. Et à chaque marche je les ignore pour continuer jusqu'à la prochaine.\\
 +Échelon après échelon, nous parvenons à avancer.\\
 +Chaque étage nous coûte.\\
 +Seuls les râles et grognements de douleur accompagnent cette descente.
 +
 +Durant les derniers étages, alors que j'ai pris un rythme de routine et cesser de penser à mon corps, je remercie sincèrement Jack pour son aide. Sans lui... je n'y serai jamais arrivé seul. Sans lui... nous serions certainement tous mort à l'heure qu'il est. Il accepte sans rien dire mes mots mais je sais que cela l'a touché.
 +
 +Je pense qu'il nous faut près d'une demi-heure pour arriver jusqu'au quatrième étage. Et, alors que nous savourons le fait d'être presque arrivés, des cris en provenance de l'étage inférieur se font entendre. Je sens mes poils se hérisser et mon corps se raidir. Je ne me sens pas de... je n'ai plus de force...\\
 +Et pourtant, nous accélérons le pas pour atteindre le troisième étage et ses convives. La scène qui s'offre à nous est horriblement macabre : l'un des convives semble léviter à deux mètres du sol entourés de volutes de sable. L'instant suivant, il est complètement réduit en charpie par des milliers de grains. Des gerbes de sang éclaboussent le sol et les gens sur plusieurs mètres. J'ai même l'impression d'en sentir une goutte sur mon visage mais je refuse de toucher. Les cris se multiplie, je vois des personnes tourner de l'oeil, j'en vois d'autres courir paniquées, et d'autres encore se réfugier sous les tables.\\
 +M. McCormick, le grand organisateur de l'événement, est complètement dépassé et chancèle contre un mur.\\
 +Les volutes de sable continuent de flotter dans l'air, je les vois frotter le plafond et se déplacer. J'ai l'impression d'entre-apercevoir des formes indistinctes et cauchemardesques. Je ne peux m'ôter une question de la tête : serait-ce un de ces Nylatep...?
 +
 +Avec l'aide de Jack, je dépose Neville contre un mur. Celui-ci nous murmure :\\
 +"//Descendez l'ascenseur, il faut... il faut accéder à la pierre. Vous protégez...//"\\
 +J'échange un regard avec Dempsey avant de déclarer :\\
 +"//Je m'en charge. Essayez de trouvez un moyen de raccorder ces câbles. Je reviens vite !//"\\
 +Je m'éloigne alors de la scène irréelle, des cris et du corps fracassé contre le sol pour rejoindre la cage d'escalier une nouvelle fois. À peine sorti, un vertige me prend. Je sens mon corps trembler. Ce n'est pourtant pas le moment !\\
 +Je me laisse quelques secondes afin que mon esprit se fasse à cette situation et que mon corps accepte de m'obéir une dernière fois. Je m'auto-motive puis me force à mettre un pied devant l'autre. Dès que c'est fait, je me force à accélérer le rythme. Et encore ! Et encore ! Nous n'avons plus le temps, je le sais.\\
 +Admirant les ressources que mon corps parvient à trouver après tout ce qu'il a déjà subi, je me mets à dévaler les marches en courant. En quelques minutes, j'arrive à l'étage de la machinerie et je retrouve le levier que j'avais actionné pour monter l'ascenseur mécanique tantôt. Je l'active pour l'abaisser d'un étage afin qu'il se retrouve au palier du 3ème. Cela devrait permettre de nous protéger partiellement du vent et du sable. Du moins, je l'espère.
 +
 +Dès que c'est fait, je remets ma course en essayant de ne pas glisser sur le sable qui tapisse le sol. Un pas après l'autre, je me concentre sur ma progression. Trente clignotements par minutes.
 +
 +Lorsque je remonte au troisième étage, je découvre que rien n'a changé : les gens crient toujours, se cachent, le corps est toujours déchiqueté au sol, inerte. Seul Jack semble s'être déplacé vers l'ascenseur et les volutes de sable semblent se diriger vers lui. Je réagis à contre-temps pour le prévenir mais c'est inutile : une autre personne se fait agripper alors qu'elle courait prise de panique. Je la vois léviter à son tour mais je ferme les yeux quand je comprends qu'un sort similaire à la précédente victime va lui arriver.\\
 +Le bruit de ces millions de grains qui traversent la chair est indescriptible et manque de me faire vomir.\\
 +J'ouvre de nouveau les yeux. Voyant ce qui sort de l'ascenseur, je hurle à temps :\\
 +"//Jack ! Faîtes attention !//"\\
 +Je le vois se retourner brièvement avant de reprendre sa course à travers la salle. Il a certainement perçu la même chose que moi : deux formes indistinctes et entourées de sable viennent de pénétrer à l’intérieur de la salle, s'engouffrant depuis la cage de l'ascenseur. De nouveau, je vois l'athlète exécuter des mouvements de boxe comme pour esquiver ces monstres.\\
 +Je suis paralysé sur place. Je suis simplement du regard sa trajectoire pour voir où il se dirige.\\
 +Mes yeux tombent alors sur le câble. Câble qui est relié à la pierre étrange qui fait la jonction entre l'ascenseur et l'étage. Ce câble court à travers la salle. Et se termine dans le mur, près d'un homme aussi ébouriffé qu'effrayé. Celui-ci semble aussi choqué que moi. J'essaye de comprendre qui il est, ce qu'il fait ici et pourquoi le câble est dans le mur.\\
 +Jack continue de courir mais c'est comme s'il était au ralenti. Je vois chacun de ses mouvements se décomposer seconde après seconde. Je le vois se rapprocher du mur, esquiver le sable, courir, courir, courir... Sa main se tend alors vers une sorte d'interrupteur. Tout est si lent. Si précis... Je vois son doigt l'effleurer puis pousser dessus pour l'enclencher.
 +
 +Puis c'est le noir complet.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Épilogue>
 +<WRAP justify>
 +===== Épilogue =====
 +J'entends du bruit autour de moi.\\
 +Des bruits indistincts.\\
 +Des bruits qui se précisent.\\
 +Ils sont nombreux, ce sont des voix.\\
 +Il y a des gens qui parlent autour de moi.\\
 +Je sens une présence non loin. On me tapote l'épaule. Maintenant le visage.\\
 +Aïe.\\
 +Aïe ! Je rouvre les yeux alors que ma joue me brûle.
 +
 +Je découvre l'un des serveurs qui me scrute. Il semble soulagé. Il me parle. Je crois.\\
 +Ses mots sont étouffés. Il répète et je comprends mieux. Je crois qu'il m'appelle.\\
 +"//...ieur ? Monsieur ?! Vous allez bien ?//\\
 + //- Je... oui... Ça va. Il s'est passé quoi ? Les monstres ?!//\\
 + //- J'ignore de quoi vous parlez mais vous vous êtes évanouis. Tout va bien, vous êtes au troisième étage de la Chicago Tower. La tempête est retombée, vous allez pouvoir rentrer chez vous. Pouvez-vous marcher ? Attendez, je vais vous aider à vous relever.//"\\
 +Je me laisse faire et prends appui sur le solide gaillard en livrée blanche pour me redresser. Mes jambes sont faibles mais j'arrive à rester debout et à faire quelques pas.\\
 +"//Est-ce que ça va aller ? Je dois aller voir d'autres personnes.//\\
 + //- Oui... Oui, ça ira, merci mon brave.//"\\
 +
 +Je regarde l'homme repartir et prends conscience mon environnement. Nous sommes toujours dans la tour, il y a du sable partout sur le sol. Je n'ai donc pas rêvé. Je découvre de nombreuses personnes au sol et certains cadavres... Je cherche des yeux mes compagnons et je vois Jack qui aide Vicky Roselli à se redresser. Neville semble toujours mal en point mais des personnes s'occupent de lui. J'entends qu'il est fait mention d'ambulance, je suppose donc que tout va rentrer dans l'ordre.\\
 +Je porte mon regard sur l'extérieur et... c'est avec soulagement que je découvre la ville à travers les vitres. L'aurore semble poindre et il n'y a plus de sable qui fracasse les fenêtres. L'absence de ce son après tant d'heures à l'entendre me fait très bizarre.\\
 +La voix de M. McCormick se fait entendre à de nombreuses reprises, je le vois reprendre en main la situation, donner des ordres et les gens s'affèrer. Le lieutenant O'Sullivan semble hagard et reste assis dans un coin, le regard perdu. Les quelques policiers qui restent suivent donc les directives du "colonel".
 +
 +Celui-ci s'avance d'ailleurs vers moi, je tâche de me redresser et d'époussietter vainement ma chemise et mon pantalon.\\
 +"//Vous avez fichtrement bien repris le contrôle et géré la situation, M. McCormick.//\\
 + //- Allons, ne soyez pas modeste, Ernest. Nous savons tous quel rôle vous avez jouer là-dedans, vous, M. Dempsey, Miss Roselli et M. Sinclair. Je n'ai pas tout compris et je ne souhaite aucun détail à ce propos, est-ce bien clair ? Cette soirée doit être rapidement oubliée et il va falloir étouffer l'affaire. Pour cela, le mieux serait de revoir notre grille de programme radiophonique, accepteriez-vous d'en prendre la direction et d'animer de nouveau une émission quotidienne ?//\\
 + //- Pour quelle tranche horaire ?//\\
 + //- Celle que vous désirez.//\\
 + //- Alors, c'est entendu et ce sera un honneur, monsieur.//\\
 + //- Bien, bien. Je vous enjoins à aller vous reposer, vous commencerez dans une semaine, le temps que tout soit rétabli et que la tempête médiatique qui va suivre soit passée. Et dans une semaine, je vous veux sur le pont, en première ligne !//\\
 + //- C'est entendu, M. McCormick. Merci encore.//"\\
 +Suite à cet échange, mon nouveau directeur s'éloigne et je jubile d'avoir pu obtenir plus que ce que je ne désirais. En plus de mon émission, c'est moi qui vais diriger le programme entier ! C'est inespéré.
 +
 +...
 +
 +Cette promotion n'effacera nullement tout ce que j'aurai vécu cette fameuse nuit, cependant elle m'aura permit de reprendre en main le cours de ma vie. Tout le reste... tout ce qu'il s'est passé, je vais l'oublier. Et vite. J'ai beau avoir l'esprit ouvert, c'est impossible que j'arrive à accepter ce que j'ai vu. Une partie est déjà floue et je préfère ne pas y réfléchir, ne pas rafraîchir ces souvenirs.
 +
 +Je n'ai eu aucune nouvelle de Jack Dempsey et Vicky Roselli depuis ces dernières semaines. Ça ne m'étonne pas et ça me convient très bien.\\
 +En revanche, j'ai été harcelé par Neville dès qu'il est sorti de sa convalescence. Il avait des idées plein la tête pour un film sur cette fameuse soirée mais j'ai refusé de lui répondre. J'ai refusé de repenser à tout cela. Il aura fallu un bon mois avant qu'il n'arrête. Je sais juste qu'il a tenté de monter un film avec un certain réalisateur nommé Hitchcock mais je ne crois pas que cela ait fonctionné. Je suis soulagé qu'il soit sorti de ma vie.\\
 +Je suis soulagé que toute cette nuit soit sorti de ma tête.
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