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jdr:cr:elanndelh:cthulhu_3

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jdr:cr:elanndelh:cthulhu_3 [2022/12/07 23:03] – +chapitre 7 elanndelhjdr:cr:elanndelh:cthulhu_3 [2023/10/04 21:14] (Version actuelle) – modification temporaire du mail de commentaire elanndelh
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-<WRAP info right 40%>Ce récit divulgâche le scénario "//Les lettres de sang//" du jeu de rôles **L'Appel de Cthulhu**.+<WRAP info right 40%>Ce récit divulgâche le scénario "//[[https://www.tentacules.net/index.php?id=1846|Les lettres de sang]]//" du jeu de rôles **L'Appel de Cthulhu**.
  
 Ce récit survient après celui du [[.:cthulhu_1|premier scénario]], le lire peut vous aider à mieux apprécier celui-ci mais il n'est pas forcément nécessaire. Les deux scénarios sont indépendants mais partagés par le même personnage.</WRAP> Ce récit survient après celui du [[.:cthulhu_1|premier scénario]], le lire peut vous aider à mieux apprécier celui-ci mais il n'est pas forcément nécessaire. Les deux scénarios sont indépendants mais partagés par le même personnage.</WRAP>
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 -// Eh bien... Je sais qu'il a reçu les documents début Juin mais je n'ai commencé qu'en Août et tout semblait bien aller pour lui. Il était normal. Ça doit faire... trois semaines, peut-être, qu'il s'est mis à se comporter bizarrement et de façon plus paranoïaque.//\\ -// Eh bien... Je sais qu'il a reçu les documents début Juin mais je n'ai commencé qu'en Août et tout semblait bien aller pour lui. Il était normal. Ça doit faire... trois semaines, peut-être, qu'il s'est mis à se comporter bizarrement et de façon plus paranoïaque.//\\
 -// Vous a-t-il dit de quoi il avait peur ?// demandé-je à mon tour.\\ -// Vous a-t-il dit de quoi il avait peur ?// demandé-je à mon tour.\\
--// Non, pas vraiment. Mais il regardait de plus en plus fréquemment vers le miroir. Je crois même l'avoir vu une fois le fixer pendant deux heures entières. Je pensais qu'il était dans ses réflexions mais c'est bizarre vous ne trouvez pas ?// Son regard dévie vers moi en quête d'une confirmation.\\+-// Non, pas vraiment. Je l'ai vu sursauter une fois quand il regardait le miroir. Je pensais qu'il était dans ses réflexions mais c'est bizarre vous ne trouvez pas ?// Son regard dévie vers moi en quête d'une confirmation.\\
 -// C'est bizarre, en effet...// dis-je en regardant ledit miroir.\\ -// C'est bizarre, en effet...// dis-je en regardant ledit miroir.\\
 -// En fait... Justement Stephen, en parlant du miroir...// commence Marco, incertain. //Joseph semble avoir vu quelque chose d'étrange dedans.// Mon regard se tourne vers le prêtre et je le vois baisser la tête.\\ -// En fait... Justement Stephen, en parlant du miroir...// commence Marco, incertain. //Joseph semble avoir vu quelque chose d'étrange dedans.// Mon regard se tourne vers le prêtre et je le vois baisser la tête.\\
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 -// Peut-être qu'il lui vendait des choses ou qu'il en authentifiait pour lui...?//"\\ -// Peut-être qu'il lui vendait des choses ou qu'il en authentifiait pour lui...?//"\\
 Difficile d'avoir réponse à une telle question avec si peu de matière. Je me mets en tête que si nous trouvons son bureau, il est possible que tous ces noms nous mènent enfin à quelque chose de tangible. Pendant que Marco fouille ce qui semble être un simple placard, l'antiquaire propose d'explorer la maison par la gauche. Pour ma part, je me dirige vers la porte qui me fait face, juste à côté du placard ouvert. Difficile d'avoir réponse à une telle question avec si peu de matière. Je me mets en tête que si nous trouvons son bureau, il est possible que tous ces noms nous mènent enfin à quelque chose de tangible. Pendant que Marco fouille ce qui semble être un simple placard, l'antiquaire propose d'explorer la maison par la gauche. Pour ma part, je me dirige vers la porte qui me fait face, juste à côté du placard ouvert.
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 +<tabbox Ch. 8>
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 +===== Chapitre 8 - Les affaires de Leiter =====
 +Cette porte est celle d'un bureau visiblement. À l'image de celui de l'université, celui-ci est désordonné et laisse à penser qu'il a été complètement retourné. Il y a des liasses de papiers un peu partout, des rapports, des carnets, des feuilles volantes, des classeurs aussi bien ouverts que fermés. J'appelle Marco pour qu'il vienne me donner un coup de main. Il arrive et, voyant le bazar prend une minute pour l'observer. Je prends mon mal en patience, sachant qu'il fait certainement une analyse rapide afin de nous faire gagner du temps. C'est difficile pour moi de laisser passer toutes ces secondes, c'est pourquoi je commence à lire le titre de certains papiers afin d'en apprendre quelque chose.\\
 +Je n'apprends pas rien d'utile. Le détective se réactive et m'indique où chercher ainsi que quoi chercher : plutôt des carnets. Soit. Je me mets à farfouiller un peu partout et trouve dans le meuble de bureau, au milieu de plusieurs papiers et feuilles inintéressantes, un carnet de notes recouvert d'un cuir sombre. Je l'ouvre et découvre de nombreuses lignes faisant référence à des transferts d'argent. À de sacrés transferts d'ailleurs au vu des chiffres, je suis choqué de tout cet argent qui a transité par Leiter. À côté de chaque entrée se trouvent des initiales. J'ai beau essayé de faire quelques rapprochements aucune ne me parle. En revanche, les sommes qui correspondent à des pertes énormes possèdent toutes un petit commentaire : "//Dettes de jeu//", "//Voyage à Atlantic City//", "//Alcool//", etc. Et celles qui semblent rapporter le plus possèdent plutôt le commentaire suivant : "//Vente de...//". Je n'aime pas ce que j'en lis mais je commence à avoir une certaine image du professeur décédé et ça ne lui rend pas honneur. Il semblerait que ce cher professeur se faisait beaucoup d'argent en revendant des objets historiques et en authentifiant de fausses œuvres pour recouvrir des dettes de jeu qui ne faisaient que de grandir. J'éprouve aussi une certaine jalousie lorsque je reconnais le nom de certaines bouteilles de scotch et de whisky qui ont fini dans le gosier de cet ivrogne plutôt que dans le mien.\\
 +Fort heureusement, alors que j'épluche ce relevé de comptes, Marco m'annonce une excellente nouvelle : il a trouvé de l'alcool de contrebande caché derrière un placard. Ô joie ! Alors que je cherche un verre du regard, les papilles excitées par l'espoir de boire autre chose que de l'eau ou du café, Marco me houspille légèrement et demande à voir ce que j'ai trouvé. C'est donc quelque peu frustré que je lui partage ma découverte qui semble pourtant bien terne à côté de la sienne.
 +
 +Nous continuons nos recherches pendant un bon quart d'heure. Je ne trouve pas aucun verre et pas beaucoup de choses intéressantes. Sans me soucier d'être vu ou non, j'attrape une des bouteilles d'alcool de derrière le placard et la glisse dans mon sac. Cela constituera une partie de mon paiement, me dis-je avant de reprendre mes recherches. Il y a de nombreux papiers d'études et de notes et bien que certaines semblent concerner directement les documents que nous cherchons, ceux-ci sont introuvables. Mon frère parvient tout de même à faire une autre trouvaille intéressante :\\
 +"//Stephen, viens voir. Apporte le carnet.//\\
 +-// Qu'as-tu donc trouvé d'intéressant ?//\\
 +-// Il y a une très grande collection de lettres et de correspondances ici. J'ai pris le temps d'en lire quelques-unes et ça m'a intrigué.//\\
 +-// Ah oui ?// demandé-je un peu grinçant et impatient.\\
 +-// Oui, est-ce que tu peux regarder si tu trouves un certain E. N. dans le carnet ? Aux alentours d'Avril.//\\
 +-// Hum... Avril... Avril... Non, attends... Mai, Avril ! E. N. tu m'as dis ? Hum... Oui, je l'ai !//\\
 +-// Excellent et est-ce que tu as une certaine A. S. en Octobre dernier ?//\\
 +-// Attends voir... Eh ben, il a été actif le bougre. Octobre, oui, A. S... Non, je n'ai rien.//\\
 +-// Tu es sûr ?//\\
 +-// Et toi, tu es sûr de reconnaître les initiales ?// lancé-je, piqué au vif en parcourant de nouveau des yeux la liste.\\
 +-// Attends. La lettre parle d'un paiement le mois précédent. Regarde à...//\\
 +-// Septembre, oui, je sais. Et je l'ai : A. S.//\\
 +-// Parfait, je pense que nous avons moyen de retrouver la plupart de ces contacts ainsi.//\\
 +-// Surtout que nous en connaissons déjà un : Abner Wick. Il fait partie des derniers à avoir acheter quelque chose à Leiter, regarde : A. W.//\\
 +-// En effet, c'est une piste intéressante.//"
 +
 +[{{ :cartes:cthulhu:leiter_rdc.jpg?200x300|Chez Leiter - Rez-de-chaussée}}]
 +Alors que Marco conclut notre discussion, Joseph Baker débarque en nous apprenant qu'il n'y a rien d'intéressant à l'étage. Juste des chambres et des sanitaires. Glacé d'un coup par une pensée, je lui demande abruptement :\\
 +"//Est-ce qu'il y avait des traces au sol ?//\\
 +-// Des traces de quoi ? De pas ? Non, il...//\\
 +-// Pas de traces d'empreintes, abruti ! Est-ce qu'il y avait des traces laissant penser qu'un meuble lourd aurait pu bouger ?//\\
 +-// Euh... Non.. Enfin, je ne crois pas. Pourquoi ? Vous voulez que je retourne voir ?//\\
 +-// Non, pas besoin de reprendre des risques inutiles.//\\
 +-// Mais de quels risques parle-t-on ? Ce n'était que des chambres.//\\
 +-// Oui, oui... et puis personne n'est enterré à la cave a priori donc...//"\\
 +Ma dernière remarque semble laisser planer un silence gêné. Je vois bien que l'ancien étudiant lance un regard interrogateur à mon frère et je dois reconnaître que j'ai peut-être exagéré pour cette fois-ci. Cette maison n'a rien en commun avec l'autre. Si ce ne sont les verrous. Hum...\\
 +Moïses arrive et me tire de ma réflexion en nous expliquant qu'il a fait le tour de la maison et, qu'à l'exception d'un placard où était caché de l'alcool, il n'y avait pas grand chose pour faire avancer notre enquête.\\
 +"//Il y a quelque chose d'étrange//, commence Marco. //Le doyen de l'université dit être venu ici avec le professeur... Roach, c'est ça ?//\\
 +-// Moui...// confirmé-je, les lèvres pincées.\\
 +-// Et alors, qu'y a-t-il d'étrange là-dedans ?// demande Moïses.\\
 +-// Je trouve étonnant que le doyen ne nous ai rien dit sur le caractère flambeur de Leiter ni sur le fait qu'il est assez probable qu'une grande part de ces revenus soit de nature illégale.//\\
 +-// Comment ça illégale ?//\\
 +-// Avec Stephen, nous avons fouillé son bureau et il s'avère qu'il y a beaucoup de documents compromettants. Il semblerait qu'il ait vendu des antiquités qu'il étudiait et qu'il faisait des sortes de certificats d'authenticité à qui le payait.//\\
 +-// C'est grave !// s'exclame Baker.\\
 +-// Je comprends votre analyse et la partage donc//, dis l'antiquaire, visiblement remonté. //C'est étonnant que le doyen ne nous ai pas tout dit. Je pensais que c'était un homme intègre. Bon, c'est louche, allons l'interroger de nouveau. Peut-être que s'il a omis cela, il a omis de mentionner d'autres choses.//\\
 +-// Avant de partir, on pourrait prendre un drap//, intervient Marco.\\
 +-// Pour quoi faire ?//\\
 +-// Pour recouvrir le miroir.//\\
 +-// C'est vrai que ce miroir me dérange beaucoup//, interviens-je. //Ça me semble une bonne idée de le recouvrir pour éviter d'autres mésaventures...//\\
 +-// Brrrr... oui, ça me semble bien...// me soutient Moïses.\\
 +-// J'en ai pour une minute, je reviens !//"\\
 +[{{ :cartes:cthulhu:leiter_etage.jpg?200x200|Chez Leiter - Étage}}]
 +L'enthousiasme de Joseph en se précipitant vers les escaliers me rappelle ma jeunesse et mon insouciance. Je suis cependant frustré car je n'ai pas le temps de lui reparler des marques sur le sol. Cette frustration est à moitié atténuée quand je me rappelle que c'est tout de même peu probable... Elle ne passe cependant pas complètement car, bien que les probabilités soient faibles, il n'est pas impossible que l'on arrive au début de... de ce que j'ai déjà vécu. Un frisson me parcourt et je sors de la maison, derrière Moïses et Marco.\\
 +Nous patientons quelques instants sur le perron que Joseph redescende et je ne peux m'empêcher de tendre l'oreille, inquiet. Mon inquiétude se dissipe en partie quand celui-ci apparaît avec un drap plié sur un bras. Je ressens même une pointe de soulagement à voir son visage juvénile nous sourire.
 +
 +Nous reprenons alors la voiture pour retourner à l'université. Mon sac sur les genoux, j'apprécie en silence la forme de la bouteille que je sens à travers le tissu. Nous démarrons.\\
 +Soudain, un gargouillis inattendu se fait entendre.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 9>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 9 - Pause déjeuner =====
 +Je dois me rendre à l'évidence : midi est largement passé et nous n'avons toujours pas mangé. Ajouté au fait que le petit déjeuner qui s'est résumé à un café aux aurores, il est plus que temps de faire une pause pour déjeuner. J'en informe donc mes camarades : \\
 +"//Je propose de passer au réfectoire de l'université avant d'aller voir le doyen. Enquêter en étant affamé pourrait se révéler contre-productif.//\\
 +-// C'est vrai que je commence aussi à avoir faim//, acquiesce Kimbrew.\\
 +-// C'est donc décidé ! Il n'y a qu'un menu mais la nourriture est relativement appréciable, surtout pour un prix tout à fait abordable.//\\
 +-// N'est-ce pas réservé au personnel de la fac et aux étudiants ?// interroge l'ancien étudiant de Miskatonic\\
 +-// Si mais nous vous ferons passer pour un étudiant et les deux autres seront des consultants pour mes recherches, si on vous interroge. Ils ne sont pas très regardant.//\\
 +-// Direction la cantine, donc.//" conclut Marco en faisant la route inverse.
 +
 +Une vingtaine de minutes plus tard, nous sommes tous avec un plateau sur les bras à suivre la file d'étudiants et de professeurs qui attendent de se faire remplir l'assiette, dans un brouhaha habituel. Je n'apprécie pas vraiment cet endroit de part la concentration de personnes et le bruit ambiant qui n'est qu'un assemblage de bavardages, bruits de vaisselle ponctués d'éclats de rire en groupe. Un des professeurs, probablement de physique ou d'une autre science d'après sa blouse, lance une pique en ma direction et ce de façon peu subtile et encore moins discrète.\\
 +"//L'université donne vraiment des budgets pour des assistants à n'importe qui.//"\\
 +Je serre les dents, tends mon assiette pour qu'elle soit remplie et ne dis rien alors que l'esclaffement de ses collègues s'ajoute au vacarme environnant. Ma carrière n'est qu'un sujet de plaisanterie pour eux, mon champ d'étude une mascarade et mon poste une preuve de la charité du doyen. J'ai l'impression que nombreuses sont les personnes à rire de moi en cet instant alors que je sais rationnellement que c'est très peu probable. Pourtant ce n'est pas impossible me dit mon cerveau, implacable. Mes doigts se crispent sur le plateau.\\
 +Une main se pose sur mon épaule. En levant le regard, je reconnais mon frère avec un regard plein de compassion. Il s'apprête à ouvrir la bouche pour dire une bêtise, je l'interromps simplement en lui indiquant du menton une table libre :\\
 +"//Cette table sera parfaite.//"\\
 +Sans lui laisser le temps de répondre, je m'y dirige, plateau dans les mains, démarche quelque peu raidie. Je refuse de paraître faible devant mon petit frère. Je refuse d'être faible alors que la chance de prouver à toute cette bande d'idiots ignares que j'ai raison quant aux menaces décrites dans mon livre est à portée de main. S'ils seulement ils savaient... Ils finiront bien par devoir me croire une fois face aux preuves ! Et je vais tout faire pour les rassembler.
 +
 +Durant le repas, je dois dévier deux fois la conversation qui revenait vers ma fameuse réputation au sein de mes pairs. En dehors de cela, ça se passe bien et vite. Nous abordons la suite et le début de nos pistes.\\
 +Personnellement, je suis convaincu que le doyen ne nous a pas tout dit et que le miroir est la clé pour comprendre tout ce qu'il s'est passé. Kimbrew semble plus intéressé par la liste d'antiquaire alors que Baker semble intéressé par Cecil Hunter, la personne internée à l'asile. J'établis une liste des priorités et, tout en haut, se trouvent le doyen ainsi que l'administration. Le reste viendra ensuite. J'hésitais à aller voir la famille qui a fait dont des documents pour en apprendre un peu plus et pour leur demander s'ils n'auraient pas aussi fait don du miroir mais je me souviens que le doyen souhaitait que l'affaire reste particulièrement discrète, surtout vis-à-vis de cette famille. Sans totalement évacuer cette piste, je la fais descendre de la liste des priorités. Nous aurons peut-être suffisamment d'éléments pour préserver cette discrétion et sinon, ma foi... nous privilégierons la recherche de la vérité. Je garde cette information par devers, je suppose que mes comparses ne partagent pas totalement ma vision des choses. Ils ne savent pas vraiment de quoi on parle, là.\\
 +Un regard à ma montre m'apprend que nous avons passé plus d'une demi-heure dans le réfectoire, je me lève donc et presse mes acolytes à se dépêcher à leur tour. Le temps presse !
 +
 +Nous voici de nouveau devant le secrétariat du doyen Fallon. Je traverse d'un pas assuré la pièce pour aller toquer directement au bureau tout en demandant à l'assistante :\\
 +"//Est-il là ?//\\
 +-// Oui mais il est occupé et...//\\
 +-// Très bien, c'est urgent.//"\\
 +Sans autre forme de procès, j'actionne la poignée sous le regard, je le sais, outré de mademoiselle Picker et pénètre à l'intérieur. Un petit bruit de bouche réprobateur ou choqué semble provenir de Kimbrew, dans mon dos. Encore ses histoires de politesse, de bienséance et de perte de temps. Je l'ignore. C'est un Bryce Fallon au regard dur qui m'accueille.\\
 +"//Eh bien, je vous en prie, faites donc comme chez vous//, lance-t-il peu aimable.\\
 +-// Veuillez nous excuser, monsieur le doyen, nous avions des questions urgentes à vous poser à propos de notre affaire. Auriez-vous un peu de temps à nous accorder ?// intervient Joseph Baker en s’aplatissant.\\
 +-// Eh bien, maintenant que vous êtes là, fermez la porte et dépêchez-vous, je n'ai pas beaucoup de temps//, déclare avec impatience l'homme aux cheveux blancs qui se réinstalle dans son fauteuil.\\
 +-// Nous venons de fouiller la maison du professeur Leiter mais nous avons découvert des choses qui semblent étranges que vous ne nous les ayez pas communiqués//, commence Marco.\\
 +-// Quelles sortes de choses ?//\\
 +-// Saviez-vous que le professeur Leiter était accroc aux jeux de hasards ?//\\
 +-// Disons que sans être de notoriété public, il y avait des bruits de couloirs à ce propos mais chacun ses vices. Où voulez-vous en venir ?//\\
 +-// Saviez-vous aussi qu'il perdait de très grosses sommes d'argent ? Des sommes bien plus importantes que ce que son salaire de professeur pouvait couvrir. Il est fort probable que le professeur Leiter ait vendu des documents historiques pour rembourser ses dettes et qu'il ait souscrits de faux certificats d'authenticité dans ce même but. Vous semblez étonné mais pourtant vous avez fouillé de la même manière que nous sa demeure, n'est-ce pas ?//\\
 +-// Oui, tout à fait mais je n'ai rien trouvé de tel.//\\
 +-// Par un hasard fortuit, serait-ce le professeur Roach qui aurait fouillé le bureau ?// insinué-je, sûr de tenir une piste et une preuve contre ce scélérat.\\
 +-// Je ne me souviens pas l'avoir fouillé et, maintenant que vous le dites, effectivement, je me souviens qu'il m'avait dit n'avoir rien trouvé concernant les documents que nous cherchions dans son bureau.//\\
 +-// Je pense qu'une discussion avec Roach s'impose//, lancé-je en retenant au mieux ma satisfaction de pouvoir enfin le confondre. //Où est-il ?//\\
 +-// Probablement en cours s'il a cours ou dans son bureau, qu'en sais-je ? Demandez donc à l'administration.//\\
 +-// Excellente idée, nous devons y passer de toute façon//, conlus-je en me dirigeant vers la porte.\\
 +-// Avez-vous une idée d'où vient le miroir dans le bureau du professeur Leiter ?// questionne intelligemment Moïses.\\
 +-// Le miroir ? Je n'avais même pas fait attention qu'il y avait un miroir. Comment pourrais-je le savoir ? Je suppose qu'il s'agit simplement d'un achat.//\\
 +-// Aurait-il pu être offert par la famille Hobbhouse ?//\\
 +-// C'est improbable mais possible. Seule l'intendance pourra vous en dire plus concernant sa provenance.//\\
 +-// Très bien, je vous remercie pour vos éclaircissements.//\\
 +-// Avez-vous d'autres questions ? Je vais être en retard à mon rendez-vous.//\\
 +-// Je pense que c'est bon pour le moment, nous reviendrons peut-être un peu plus tard//, énonce mon frère.\\
 +-// Vous veillerez à frapper avant d'entrer, cette fois !//"\\
 +Je maugrée que j'avais frappé mais Moïses Kimbrew me lance un regard réprobateur. Je tiens donc ma langue et m'éloigne en direction de l'administration.
 +
 +Nous obtenons bien vite l'information qu'il est actuellement dans son bureau et, sans attendre, je m'y dirige donc. L'impatience de mettre Roach face à ses actes est presque jubilatoire. Je suis tellement concentré sur ma quête que deux étudiants manquent coup sur coup de me faire tomber. Je les enguirlande vertement sans m'arrêter. Marco, Joseph et Moïses me suivent tant bien que mal. Ils discutent entre eux, peut-être même s'adressent-ils à moi mais je n'en ai que faire. Seule la vérité sur Roach m'intéresse.\\
 +Nous voici devant sa porte, je m'arrête abruptement. Mon cœur bat fort et je prends donc le temps de calmer un peu ma respiration afin d'être en position de force. Mon détective de frère a à peine le temps de dire "//Il faudrait le questionner sans le brusquer afin qu'il ne se ferme pas et que...// que je toque puis ouvre avec fracas et un sourire victorieux sur les lèvres.\\
 +"//Bonjour, professeur Roach.//"
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 10>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 10 - Professeur Roach =====
 +Similaire en taille à celui du professeur Leiter, le bureau du professeur Roach est bien mieux agencé et rangé. Ici, nulle trace de feuille volantes mais plutôt des dossiers bien remplis et bien étiquetés. Son rangement impeccable m'a toujours semblé être un signe de plus de son arrogance. Encore assis à son bureau, l'homme d'une cinquantaine d'année se redresse et nous toise d'un regard sombre alors que nous pénétrons dans son antre. Il ne s'attendait visiblement pas à nous voir débarquer ainsi.
 +[{{ :pnj:cthulhu:pieter_zeeman.jpg?200x300|Professeur Harland Roach ([[https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pieter_Zeeman.jpg|Domaine public]])}}]
 +
 +"//Professeur Forson, faites donc comme chez vous//, me raille-t-il.\\
 +- //Trêve de faux semblants, Harland, nous avons des questions importantes à vous poser.//\\
 +- //Importante au point de bafouer la moindre des politesses ?//\\
 +- //Exactement//, dis-je alors que Kimbrew intervient en même temps.\\
 +- //Veuillez nous excuser pour cette intrusion précipitée. Nous aurions effectivement dû attendre un instant//, dit-il en me foudroyant du regard. //Cependant, le professeur Forson a raison sur un point : nous avons des questions à vous poser et ce de façon assez urgente. Si vous voulez bien nous accorder quelques instants, nous vous en saurions gré.//\\
 +- //Nous venons de la part du doyen//, surenchérit le jeune prêtre.\\
 +- //Eh bien dans ce cas, entrez et fermez donc la porte. Je suppose que vous ne voulez pas que cette affaire s'ébruite.//\\
 +- //C'est bien vrai//, conclut mon frère en refermant la porte derrière nous.\\
 +- //Bien, je présume que vous êtes les personnes mandatées par le doyen pour enquêter sur la disparition des documents Hobbhouse ?// demande tout de go, le professeur en se réinstallant dans son fauteuil, droit et le regard sérieux.\\
 +- //Ainsi que sur la mort du professeur Leiter//, glissé-je, piquant.\\
 +- //Il semblerait que vous avez fouillé avec le doyen sa maison, est-ce exact ?// commence Marco sans plus de préambule, en relisant quelques notes griffonnées sur son carnet.\\
 +- //C'est exact.//\\
 +- //Nous avons fait de même et découvert des échanges d'argent bien trop élevés pour que son salaire à l'université couvre tout cela. Quand nous l'avons évoqué au doyen, celui-ci a semblé surpris. Vous êtes tombés dessus et vous n'en avez rien dit, n'est-ce pas ? Pourquoi ?// continue le détective.\\
 +- //Le professeur Leiter était un homme peu scrupuleux et je n'en ai rien dit au doyen car cela ne concernait pas ce que nous cherchions, à savoir les inestimables documents Hobbhouse. Il est peut-être de notoriété publique que Charles était un joueur mais bien peu de monde savait à quoi il s'adonnait et à quel point il était endetté. Et encore moins savaient jusqu'où il était prêt à aller pour nourrir son addiction au jeu.//\\
 +- //Que voulez-vous dire ?// intervient Joseph.\\
 +- //Je veux dire que Charles Leiter vendait illégalement de faux et vrais documents à divers antiquaires peu regardant.//\\
 +- //C'est une grave accusation, avez-vous des preuves ?//\\
 +- //Son carnet que j'ai laissé chez lui et que vous avez probablement consulté devrait constituer un dossier suffisant. En revanche, puisqu'il est mort, je ne suis pas certain que le doyen apprécie cette mauvaise publicité.//\\
 +- //Que pouvez-vous nous dire de plus sur le professeur Leiter ?// demande innocemment l'ancien étudiant.\\
 +- //Que c'était un abruti mais qu'il savait y faire pour se faire bien voir malgré toutes ses casseroles.//\\
 +- //Qu'entendez-vous par là ?//\\
 +- //Rien de plus que ce que je viens de vous dire.//\\
 +- //Dites moi, professeur Roach//, commencé-je mielleux, //n'étiez-vous pas l'un des candidats pour vous occuper de ces documents ?// malgré l'absence de preuves à ce sujet et connaissant Roach, je me sentais de tenter cette approche. En voyant son regard se durcir, je jubile d'avoir touché juste.\\
 +- //En effet//, grince-t-il.\\
 +- //Cela fait un mobile plus que suffisant, il me semble ?// demandé-je faussement innocent en regardant Marco.\\
 +- //Je m'insurge ! Jamais je ne me serais abaissé à un tel acte ! Au contraire, je pensais profiter de cette occasion pour que soit révélé son incapacité, sa supercherie et ses méthodes malhonnêtes. Je ne pensais juste pas qu'il ferait disparaître tous les documents ainsi.//\\
 +- //J'en prends bonne note et personne ne vous accuse de quoi que ce soit//, temporise Marco alors que j'entends Joseph lancer une pique incompréhensible à mon égard.\\
 +- //Dites-moi, professeur Roach, est-ce par hasard vous connaîtriez un certain... Cecil Hunter ?// questionne Moïses Kimbrew pour essayer d'apaiser la situation.\\
 +- //Son nom me dit quelque chose, c'était un ancien étudiant que j'ai eu il y a quatre ans, il me semble. Je ne me souviens guère de lui.//\\
 +- //Très bien, je vous remercie de votre coopération.//\\
 +- //Est-ce que vous avez d'autres questions ? J'ai du travail qui m'attend.//\\
 +- //Je pense que nous avons assez d'informations pour le moment, je vous remercie, professeur Roach//, conclut Marco.\\
 +- //Au plaisir//, dis-je avec sarcasme en quittant la pièce.\\
 +- //Non partagé//, me répond-t-il du tac-au-tac.\\
 +- //C'était un sarcasme//", conclus-je en refermant la porte derrière moi.
 +
 +À peine refermée, je sens les regards de mes trois comparses du jour sur moi. Je souffle du nez, offusqué. Je n'ai rien à me reprocher car je suis certain que Roach est coupable d'une chose ou d'une autre.\\
 +Sans nous étendre sur le sujet, nous nous dirigeons rapidement vers le secrétariat afin d'avoir des informations supplémentaires sur ce Cecil Hunter mais les informations sont maigres. Il semblerait qu'il ait été renvoyé pour comportement licencieux. Seul le doyen et le conseil de discipline pourrait nous en dire plus. Le secrétariat nous donne tout de même la dernière adresse connue de cet homme. Je l'ajoute à mes notes en prévoyant d'y faire un tour sous peu. C'est une piste comme une autre or nos pistes semblent s'amenuiser.
 +
 +Lorsque nous pénétrons de nouveau chez le doyen, sa secrétaire se lève et se place devant la porte du bureau du doyen en nous bloquant ostensiblement le passage. Elle nous lance, en me regardant de façon hostile :\\
 +"//Encore vous ? Avez-vous une bonne raison d'aller déranger le doyen ?//\\
 +- //Mademoiselle Pickner, c'est bien cela ?// intervient l'antiquaire en me coupant l'occasion de lui répondre. //Nous aimerions simplement savoir la raison qui a poussé le conseil disciplinaire pour renvoyer un ancien étudiant. Auriez-vous la réponse ?//\\
 +- //Non, je ne l'ai pas. Le doyen l'aura en revanche//, dit-elle avec une petite moue avant de se reprendre, le regard dur. //Patientez, un instant.//"\\
 +Suite à quoi, la jeune femme se met à toquer. Puis elle patiente. Pendant bien quinze secondes ! Quelle perte de temps. La voix du doyen résonne et nous obtenons cinq minutes de discussion avec lui. Étonnamment, il semble plus disposé à nous répondre. En fouillant dans ses archives, il nous apprend que Hunter aurait été renvoyé parce qu'il avait une activité de faussaire sur le campus. Fort de cette information mais guère avancés, nous le quittons.
 +
 +Avant d'aller voir l'intendance, nous décidons d'aller recouvrir le miroir avec le drap que nous avons ramené de chez Leiter. Marco s'absente le temps d'aller le récupérer et nous nous retrouvons dans le bureau que je déverrouille.\\
 +Le miroir est toujours là. Il me met mal à l'aise et au vu des réactions des trois personnes qui m'entourent, je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Il est pourtant exactement à la même place que précédemment : retourné, sur le sol, appuyé contre le mur. Je m'approche et le manipule pour glisser le drap autour de lui mais retire vivement mes doigts. Le cadre est brûlant ! Je laisse retomber un peu plus brutalement que prévu le miroir contre le mur et peste devant cette brûlure inattendue. Je recule en agitant mes doigts pour essayer d'atténuer cette chaleur soudaine. Ce n'est pas normal. Il n'y a aucune raison logique qui expliciterait cela... aucune. À part celle correspondant à mes recherches de ces dernières années. C'est probablement la même chose que ce que j'ai déjà vécu, ça ne peut qu'être cela.\\
 +Au moins, le drap est globalement disposé sur le miroir, ça devrait atténuer ses effets. Du moins je l'espère. Au fond de moi, je sais que je n'en ai aucune certitude et cela me terrifie. Mais je n'en montre rien et nous ressortons bien vite. Il nous faut savoir d'où provient cet objet et s'il est en lien avec les documents.\\
 +Alors que je referme la porte, Joseph et Moïses semblent déceler une silhouette qui nous observe dans le couloir. En regardant, je la vois se cacher maladroitement puis détaler sans demander son reste. Kimbrew et Marco lui courent après mais reviennent finalement bredouille.\\
 +"//C'était qui, ça ?// demande Moïses\\
 +- //Aucune idée, un homme a priori, probablement un étudiant ou un professeur. Il serait bon que l'on en sache plus car il pourrait nous apprendre des choses. Son comportement était tout ce qu'il y a de plus suspect et je ne crois pas aux coïncidences dans ce genre de cas//, tranche le détective privé.\\
 +- //Sauf qu'il nous a échappé.//\\
 +- //En effet, mais peut-être que quelqu'un pourrait savoir des choses à son sujet//, continue Marco en pleine réflexion.\\
 +- //Et qui donc ? Le doyen ? Je doute qu'il apprécie une nouvelle visite pour si peu//, déclare Joseph.\\
 +- //C'est loin d'être un comportement anecdotique. Quoiqu'il en soit, je ne pensais pas au doyen mais plutôt à Miss Court. Il n'y a qu'elle et le professeur Leiter qui travaillaient ici or je crois que c'était plus le bureau que nous-même que l'individu observait.//\\
 +- //Hum... soit... Et bien allons chercher Miss Court//"\\
 +Je ne suis pas vraiment certain du raisonnement de mon frère mais j'accepte de faire confiance à ses capacités d'investigation. Dans ce domaine, il a plus d'une fois fait ses preuves.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 11>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 11 - Orage à Arkham =====
 +Marco et moi nous dirigeons donc jusqu'au secrétariat pour récupérer l'emploi du temps de miss Court puis, alors que nous nous rapprochons de son amphithéâtre, mon frère me dit :\\
 +"//Nul besoin de presser le pas, son cours se termine dans quinze minutes.//\\
 +- //Chaque instant compte !//\\
 +- //Je ne suis pas certain que quinze minutes changent quoi que ce soit à la situation et puis, nous avons déjà incommodé une fois cette jeune femme, nous pourrions simplement patienter.//\\
 +- //Patienter ? Mais quelle idée ! Et pour quoi faire ?//\\
 +- //Pour prendre le temps de boire un café//, me dit-il en plantant son fameux regard de petit frère dans le mien.\\
 +- //Rah, soit. Allons à la cafétéria.//"\\
 +J'ai du mal à lui résister quand il me fait ce regard. Je déteste ce regard et en même temps... je ne sais pas. Je l'aime bien. Il me rappelle notre enfance, notre innocence d'alors.
 +
 +Quinze minutes et un café plus tard, nous nous retrouvons devant la porte de l'amphithéâtre à scruter chacun des visages. Elle prend bien entendu tout son temps pour sortir en discutant comme si de rien n'était. Je la alpague sans attendre et lui demande de nous suivre pour répondre à quelques questions supplémentaires. Son visage semble se déconfire lorsqu'elle me voit mais cela m'importe peu. Quinze minutes se sont déjà écoulées.\\
 +Elle nous accompagne dans un couloir un peu moins fréquenté, Marco se met alors à lui expliquer la situation qui se résume globalement à "un homme nous a observé dans le couloir menant au bureau de Leiter, a-t-elle des noms en tête ?".\\
 +Sans hésiter, un nom est prononcé "Anthony Flinders". Elle nous explique qu'il avait toujours été très intéressé par les documents et qu'il n'avait jamais vraiment digéré le fait de ne pas avoir été retenu comme assistant. Il avait même essayé de voir s'il n'y avait pas moyen d'ouvrir un deuxième poste d'assistant de manière exceptionnelle. Elle-même ne le connaît pas beaucoup mais ne semble pas l'apprécier malgré tout. Elle le décrit comme un jeune homme élégant, sûr de lui et avec un quelque chose qui la dérange malgré elle sans qu'elle n'arrive à l'exprimer. De ce qu'elle sait de lui, il s'agirait d'une personne à la tête bien faite. Que d'informations et rien qui ne nous serve vraiment si ce n'est son nom. Cette demoiselle est quelque peu décevante, espérons que les recherches que je lui avais indiqué tantôt se révèleront moins décevantes.\\
 +Nous la laissons finalement repartir et nous allons retrouver les autres à l'administration.
 +
 +C'est une femme d'une quarantaine d'années qui nous accueille et le regard que me lance Moïses au moment où j'ouvre la bouche me hérisse. Je me force à modifier les quelques mots qui allaient m'échapper :\\
 +"//Bien le bonjour, madame. Est-ce que... vous pouvez nous euhm... apporter quelques renseignements ?//\\
 +- //Bien sûr, de quoi s'agit-il ?//
 +- //Nous aimerions savoir s'il vous serait, hum, possible de nous indiquer si vous gardez des traces de l'achat d'un miroir ?//\\
 +- //Pour le miroir, je ne vais pas pouvoir vous renseigner, mon bon monsieur. C'est l'intendance qui gère ces choses-là.//\\
 +- //Ah. Bien. Bonne journée alors//, dis-je frustré. En me retournant je maugrée aux trois hommes qui m'accompagnent : //Vous voyez bien que ça ne sert à rien d'être poli, nous avons simplement perdu un peu plus de temps sans rien apprendre d'utile. Bon où est l'intendance maintenant ?//\\
 +- //Vous seriez surpris de ce que la politesse pourrait vous apporter.//" La voix de la secrétaire dans mon dos me fait sursauter. Je la dévisage un instant puis lâche simplement un : "//Peut-être."//\\
 +Suite à cela, elle a tout de même la gentillesse de nous indiquer où se situe cette fameuse intendance donc disons que mon avis sur la question des génuflexions sociales est mitigé.
 +
 +L'intendance ne nous apprend strictement rien de plus et nous déçoit d'autant plus : ils ne conservent aucune archive de plus de cinq ans or le miroir semble être arrivé à l'université depuis plus de dix ans. Cette piste s'étiole à mon grand dam et je réfléchis à voix haute aux autres possibilités.\\
 +Il serait envisageable d'aller questionner directement la maison donatrice mais, comme le fait si bien remarquer mon frère  : nous perdrions toute notion de discrétion vis-à-vis de l'université.\\
 +Il reste la possibilité d'aller rendre visite à l'étudiant qui s'est fait renvoyer, Cecil Hunter, mais nous n'avons pas son adresse. Le jeune prêtre nous fait savoir que l'administration aura certainement sa dernière adresse connue et que cela pourrait être une piste. J'en conviens et préfère laisser Kimbrew récupérer l'information. Conserver un masque souriant alors que la situation n'est pas enthousiasmante m'irrite.\\
 +
 +Nous prenons la voiture et, alors que tombe la nuit, nous roulons en direction des quartiers pauvres de Arkham. Il s'agit d'une quasi-ligne droite qui traverse la ville. L'état de la chaussée laisse rapidement à désirer, les appartements et bâtiments se ternissent à mesure que nous approchons. Une odeur désagréable, celle de la crasse, se fait même sentir quand nous nous garons au pied d'un petit immeuble délabré. Une blanchisserie semble ouverte mais vide de monde. Je vérifie l'adresse, c'est bien ici. Ne reste donc plus qu'à accéder au deuxième étage.\\
 +Marco déniche un escalier de secours. Je ne suis pas rassuré. Ce quartier ne m'inspire pas confiance et la nuit sera tombé dans moins d'une demie-heure. Je regarde ma montre, 17h30. Je lance un dernier regard à la voiture puis suit Joseph, fermant ainsi la marche.\\
 +Nous débouchons sur un couloir extérieur et Marco patiente devant une fenêtre. Il ne voit rien de suspect mais aucun mouvement non plus. La porte est verrouillée et je n'ai aucune compétence pour crocheter une serrure. Casser une vitre me semble hors de propos, peut-être pourrions-nous attendre d'aller voir l'ancien étudiant qui séjourne à l'asile directement ? J'hésite. Cette hypothèse ne me rassure pas du tout tant elle me rappelle les récits de Albertina et Terron sur la mère de famille devenue folle, sur ses visions et sur... cette créature. Un frisson me parcourt l'échine. Je n'ai cependant pas le temps d'énoncer quoique ce soit que Moïses vient d'ouvrir la porte avec brio et en silence. Je dois bien lui reconnaître ce talent. Je me demande si c'est une compétence fréquente chez un antiquaire mais garde cette réflexion pour moi.
 +
 +Étonnamment l'électricité n'a pas été coupé et la lumière nous révèle l'appartement qui n'est finalement qu'un studio et pas très grand avec ça. Ni très salubre. En plus d'un lit, le seul véritable meuble qui attire mon attention est le bureau recouvert de multiples documents. En plus de manuscrits, je reconnais plusieurs schémas et de nombreux glyphes qui me glacent le sang. Je ne saurais les interpréter mais je sais qu'ils me font grandement penser aux journaux de Walter Corbitt. J'attrape dans ma besace un des livres que j'avais pris pour l'occasion, composé de nombreuses notes de ces trois dernières années, et je parviens très vite à trouver une concordance avec ma première intuition. De ce que j'en comprends, il est question de manuscrits sur la chasse aux sorcières et la sorcellerie plus globalement au XVIIème siècle. Exactement comme les documents que nous sommes sensés chercher mais il ne s'agit là que de copies. Celles-ci ont certainement été rédigées par Hunter. Je récupère l'ensemble des feuillets et propose de partir. Cet endroit ne me plaît pas et l'obscurité s'installe à l'extérieur.\\
 +Comme pour me donner raison, un gros orage éclate non loin et il se met d'un coup à pleuvoir à grosses gouttes. Cela me surprend tellement que j'en laisse tomber les papiers. Moïses se baisse pour les ramasser et nous rejoignons précipitamment le véhicule et je ne peux manquer d'observer que l'éclairage se comporte étrangement, même pour un quartier aussi misérable. Le tonnerre se fait entendre et semble se rapprocher de nous. La panique irrationnelle commence à s'emparer de moi. Je hurle sur Marco "//Démarre !//". Je m'agrippe à mon sac, j'entends mon sang battre contre mes tempes. Un regard dans le rétroviseur m'apprend que Joseph et Kimbrew semblent plus déboussolés par mon attitude que par l'orage. Il n'a pourtant rien de normal ! Je le sens.\\
 +Nous roulons et l'orage semble nous rattraper. Je dis à Marco d'accélérer et hurle à Moïses :\\
 +"//Débarrasse toi de ces papiers !//\\
 +- //Quoi ? Mais pourquoi ?//\\
 +- //File moi ces papiers MAINTENANT, QUE DIABLE !//"\\
 +Mon ton époumoné fait son effet et il me les tend, quelque peu choqué et dubitatif. Ses émotions ne m'intéressent nullement actuellement, ni le regard choqué de Joseph, ni celui silencieux du conducteur. Ils ne se rendent pas compte. Après avoir arraché les feuillets des mains de l'antiquaire j'ouvre ma fenêtre et les disperse au vent. Ceux-ci s'envolent puis se font rapidement plaquer sur la chaussée par la pluie qui nous environne.\\
 +Je patiente un instant. Deux battements de cœur. La tempête semble ne pas nous lâcher alors que nous continuons tout droit. Je ne comprends pas ! Elle est toujours à nos trousses ! Je regarde à travers la vitre arrière et tremble car, même si je ne distingue rien d'autre que de la pluie, du vent et la ville qui se fait engloutir uniquement derrière nous, j'ai l'impression que le nuage est très localisé et qu'il ne fait pas plus de deux kilomètres de large. La route s'obscurcit et j'ai vraiment l'impression que nous allons mourir ici. Ce qui m'effraye c'est que je crains que ce soit plus douloureux qu'un simple accident de voiture.
 +
 +Devant nous se dresse l'université mais, dans un mouvement de panique, je force mon frère à changer de direction : "//Vire à droite ! Tourne ! Faut qu'on dégage de là ! TOURNE !//"
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 12>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 12 - Après la tempête =====
 +Dans un mouvement brusque, le véhicule change de trajectoire et nous nous éloignons de notre destination initiale : l'université. J'ignore où nous allons, trop focalisé sur la vitre arrière et la tempête qui se dessine à travers. J'entends Joseph parler avec Marco mais je ne saisis pas leurs paroles. Celles-ci me semblent déconnectées de la réalités, beaucoup trop calmes, je les considère donc comme secondaires.\\
 +Nous continuons à rouler et j'observe l'orage qui semble se diriger sur l'université et non plus sur nous. Je suis tiraillé entre le soulagement à l'idée de ne pas être visé et la crainte de ce qui pourrait se produire cette nuit. Il faudrait certainement y retourner, voir et analyser ce qu'il s'y passe mais c'est beaucoup trop dangereux de nuit. Non, beaucoup beaucoup trop dangereux... Je me réinstalle sur mon siège, regardant la route devant moi sans réellement la voir, l'attention complètement occupée par ce qu'il faudrait faire dès à présent. Prendre le risque de ne pas y survivre ou que des gens soient blessés...? 
 +
 +Ce dilemme m'occupe pour les quinze minutes qui suivent et s'interrompt lorsque je sens que la voiture s'arrête et que le moteur se coupe.\\
 +"//Que se passe-t-il ?// demandé-je, surpris et à cran.\\
 +- // Je pense qu'on a besoin de se poser quelque part pour faire un point, manger et parler de tout ce qu'il s'est passé//, énonce mon frère en sortant de la voiture.\\
 +- //Et où sommes nous ?//\\
 +- //Vous sembliez quelque peu perturbé en parlant de démon dans votre barbe que j'ai suggéré à votre frère de s'arrêter dans une église//"\\
 +Je prends le temps de dévisager le jeune prêtre puis l'imposant bâtiment religieux. Je dois reconnaître que je ressens un mélange d'émotions difficiles à démêler mais j'acquiesce simplement avant de les suivre à l'intérieur.
 +
 +Joseph nous explique alors que Dieu va veiller sur nous et d'autres fariboles mais ce que je retiens c'est que nous sommes loin de l'université, loin de la tempête qui n'avait rien de naturelle et que nous sommes ensemble. Étrangement, dans ces situations oppressantes, je ressens le besoin d'être entouré de personnes qui comprennent ce qui se passe. Hélas, personne ne semble comprendre vu comment ils m'observent avec des expressions bizarres. Je décide alors de prendre les devants.\\
 +"// Je suppose que vous vous questionnez tous sur ce qu'il vient de se passer, n'est-ce pas ?// -Ils acquiescent tous- //C'est assez compliqué à expliquer parce que je n'en suis pas sûr moi-même. Figurez vous qu'il y a trois ans, j'ai eu à enquêter sur une affaire très étrange, aussi étrange que celle qui nous intéresse ici. Et c'était... dangereux, imprévisible, dément et dangereux... Nous avons eu de la chance de nous en sortir vivant mais cela nous a tous marqué. Toute cette histoire n'avait rien de naturelle. Non, rien du tout. C'était même plutôt le contraire, il était question de forces occultes maléfiques. Ce qu'on a trouvé chez cet ancien étudiant... ce n'était pas de vulgaires papiers, c'est exactement le genre de manuscrit qui étaient incriminé dans mon enquête précédente. Je le redoutais mais j'en ai maintenant la preuve formelle ! Il ne s'agit pas de n'importe quoi, il s'agit... du Mal. De quelque chose de vraiment maléfique et dangereux.//"\\
 +Je leur laisse quelques instants pour digérer tout cela. Leurs expressions se modifient quelque peu, je hurle de rage à l'intérieur de moi-même : ils ne me croient pas. Pis ! Ils me prennent pour un fou !\\
 +"//Professeur Forson, n'est-ce pas un peu exagéré ?// commence Moïses Kimbrew avec une voix basse qui m'exaspère d'autant plus. //Certes, cette histoire est déroutante mais de là à parler de... forces occultes maléfiques. Je comprends mieux votre réaction dans la voiture avec les papiers s'ils vous ramènent à une expérience traumatisante mais...//\\
 +-// Vous faites fausse route et je vois bien que vous trouvez ma réaction disproportionnée. Réfléchissez cependant à une chose : la tempête est apparue dès lors que nous nous sommes emparés des papiers. De plus, elle nous a suivi et semblait très concentrée sur nous ! Vous n'allez pas me dire que vous ne l'avez pas vu, que diable !//\\
 +-// Professeur Forson ! Nous sommes dans une église !// râle le gamin.\\
 +-// Marco, tu l'as bien vu, n'est-ce pas ?//\\
 +-// J'ai envie de te croire mais... disons que l'arrivée de la tempête me semble n'être qu'une coïncidence et puis... elle ne nous a pas suivi jusqu'ici...// déclare-t-il prudemment en essayant de me ménager alors que je râle de frustration.\\
 +-// Je pense que nous avons juste vu beaucoup de choses étranges et qu'on a besoin d'un peu de repos. Nous aurons peut-être les idées plus claires demain.//" tente d'apaiser l'antiquaire.\\
 +Je me lève et m'éloigne d'eux en grognant un "//Faisons donc cela.//". Je me rapproche de la porte de la maison de Dieu pour observer le ciel nocturne. Ce n'est pas un ciel d'orage. Tout cela n'a rien de naturel, je le sais ! J'en suis convaincu. Tout en moi hurle que j'ai raison et ces néophytes naïfs sont incapables de s'en rendre compte. Je crains qu'ils ne comprennent que quand ce sera trop tard...
 +
 +Joseph trouve de quoi faire un diner frugal ainsi que de quoi dormir. Les conditions ne sont pas exceptionnelles mais au vu de la situation, je ne m'en plains pas.\\
 +Au cours de la soirée, je surprends une conversation où Moïses explique aux deux autres que dans le métier d'antiquaire il est fréquent de voir des choses étranges et dérangeantes mais que, dans la très grande majorité des cas, il ne s'agit que de supercheries antiques qui rapportent un bon prix. Marco lui pose alors la question pour savoir ce qu'il se passait dans les quelques autres cas. La réponse met du temps à arriver et est hésitante. Elle se résume globalement à "passer des mauvaises nuits jusqu'à ce qu'il parvienne à se débarrasser de l'objet d'une façon ou d'une autre, souvent en le bradant". Leur tournant le dos, toujours allongé, je me suis dit cette nuit-là qu'il risquait de passer une mauvaise nuit.
 +
 +
 +**2 Octobre 1923**\\
 +Le lendemain matin arrive bien vite et nous nous décidons à retourner à l'université dès l'ouverture. Eux pour me prouver que tout va bien et reprendre les recherches, moi pour leur montrer que quelque chose cloche dans cette histoire et que ce n'est pas juste l’œuvre d'un détraqué ou d'une coïncidence.\\
 +Le trajet se fait en silence pour ma part. Les autres évoquent les prochaines pistes à suivre. De ce que j'en comprends, celle qui semble ressortir est d'interroger l'étudiant qui nous a espionné la veille, le fameux Anthony Flinders. Ça me semble pertinent. Nous aurions pu aller voir à l'asile mais cette option ne m'avait pas ravi il y a trois ans, elle m'enchante encore moins maintenant, je tais donc cela.
 +
 +Alors que nous pénétrons dans l'enceinte de Miskatonic, force est de constater que rien ne semble avoir changé. Je m'attendais à quelque chose de plus visible mais les étudiants et professeurs semblent vaquer à leurs occupations comme une journée normale. Il semblerait que le Mal s'est fait discret cette fois encore. Ma détermination et mon inquiétude ne font que s'accentuer. Je sens que mon corps tremble malgré moi par moments mais je tâche de n'en laisser rien paraître.\\
 +Je suis Joseph, Moïses et Marco jusqu'à l'administration et les laisse récupérer les informations nécessaires. Je suis trop concentré à essayer de détecter des détails inhabituels. Je ne vois cependant rien... Marco me tire de ma scrutation intensive.\\
 +"//Il semblerait qu'il ait cours actuellement, nous allons donc l'attendre à la sortie.//\\
 +-// N'était-ce pas notre piste principale ? Les cours viennent tout juste de commencer, nous n'allons tout de même pas attendre une heure !//\\
 +-// Deux//, souligne Joseph.\\
 +-// Deux quoi ?//\\
 +-// Son cours dure deux heures.//\\
 +-// Raison de plus pour ne pas attendre plus longtemps ! Où est-il ?//\\
 +-// Dans l'amphithéâtre G...// lâche à contre-coeur Marco.\\
 +-// Alors allons-y !//"
 +
 +Je presse le pas maintenant qu'un nouvel objectif clair se dessine. Je laisse mes pensées moroses de côté et tâche de me focaliser sur l'important : cette enquête. Je pressens que la moindre journée écoulée pourrait avoir des conséquences. La moindre heure peut-être. Je ne saurais définir ce qui m'a poussé ainsi. Peut-être l'instinct. Ou le simple fait que je déteste attendre à ne rien faire. Quoiqu'il en soit, nous arrivons à l'amphithéâtre souhaité.\\
 +Je vois bien que tout le monde semble mal à l'aise avec l'idée d'interrompre un cours, je soupire donc simplement puis franchis les doubles portes en me redressant. Je dois en imposer, l'étudiant rechignera moins et le professeur aussi si j'ai l'air assuré.\\
 +Alors que je descends les premières marches, je prends conscience qu'il s'agit d'un cours donné par le professeur Roach. J'ai un sourire intérieur de satisfaction. Je corrige ma posture et prend un malin plaisir à couper la phrase de mon collègue.\\
 +"//Y aurait-il un certain Anthony Flinders dans cette assemblée ?//"\\
 +Ma voix est forte et résonne bien entre les murs de ce bâtiment. L'effet fonctionne à merveille puisque des têtes se tournent d'elles-mêmes vers un jeune homme bien coiffé âgé d'une vingtaine d'année tout au plus. Celui-ci semble surpris et tâche visiblement de le cacher. Il se lève.\\
 +"//Veillez me suivre, jeune homme.//\\
 +-// Que se passe-t-il donc, professeur Forson ? Ce n'est pas une manière d'entrer dans un cours !//\\
 +-// Affaire urgente, nous sommes pressés. M. Flinders, ne faites pas d'histoires, prenez vos affaires avec vous et dépêchez-vous.//"\\
 +Le regard noir que me lance Harland Roach avant d'adopter une posture résiliée et exaspérée illumine ma journée. J'en oublie presque de sortir de la salle quand le jeune étudiant me rejoint dans les escaliers.
 +
 +Nous quittons l'amphithéâtre et, rejoins de mes acolytes d'enquête. Je fais remarquer à Marco qu'il aurait pu me prévenir qu'il s'agissait du professeur Roach mais il préfère éluder la question. Nous nous dirigeons tous les cinq vers une salle où nous pourrons discuter en toute tranquillité. Contrairement à la jeune Miss Court, ce garçon semble assez détendu. Durant tout le trajet, il patiente sans poser de questions. Bien qu'il soit dans mon dos, cela me hérisse. Je n'aime pas cela. Il est beaucoup trop calme.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 13>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 13 - Anthony Flinders =====
 +Nous nous installons dans la salle de cours et Moïses referme la porte derrière nous. Je fais s'assoir le jeune homme. Celui-ci s'exécute en me souriant. Je déteste ce sourire mais je n'arrive pas à expliquer pourquoi. Il me dérange. Sans autre forme de procès, j'entame la discussion :\\
 +"//Donc, Anthony Flinders, c'est bien cela ? Vous n'êtes pas sans savoir que le professeur Leiter est décédé récemment, or il semblerait que vous ayez activement cherché à devenir l'assistant du professeur Leiter il y a quelques mois. Pouvez-vous nous dire la nature de la relation que vous entreteniez avec lui ?//"\\
 +L'étudiant me regarde droit dans les yeux avec un sourire. Comme pour me narguer. Comme pour me dire qu'il en sait plus que moi. Mais sur quoi ? Un frisson me parcourt mais je fais en sorte de ne rien laisser paraître.
 +
 +Parce qu'il tarde à répondre, c'est Marco qui prend le relai d'une façon plus brutale :\\
 +"//Bon, gamin, on sait que c'est toi qui nous a espionné quand on était dans le bureau du professeur. Alors tu vas nous dire tout de suite ce que tu sais si tu ne veux pas d'ennui !//"\\
 +Son argumentation et son attitude aurait dû suffire à le mettre mal à l'aise, à le faire parler mais le voici qui se met à rire à gorge déployé. Un rire très désagréable à mes oreilles.\\
 +"//Qu'est-ce qui te prend ? Tu ne me crois ?! J'en ai cassé plus d'un des gamins bourges tel que toi !//\\
 +-// Nous devrions peut-être tous nous calmer//, intervient alors Joseph. //Écoutez monsieur Flinders, nous enquêtons sur cette mort étrange et il semblerait que vous pourriez nous apporter des informations. Accepteriez-vous de collaborez avec nous ?//\\
 +-// Ahahaha ! Je suis sûr que vous êtes loin d'appréhender ne serait-ce qu'un quart du problème.// Le ton de Flinders est insolent et il ne se départ pas de son sourire qui devient encore plus arrogant qu'avant qu'il n'ouvre la bouche.\\
 +-// Que voulez-vous dire par là ?//\\
 +-// Simplement que vous pensez certainement à un assassin, à du poison ou à une banale crise cardiaque, n'est-ce pas ?//\\
 +-// Eh bien... disons qu'effectivement, ça fait partie des pistes que l'on a...// commence Joseph avant que je ne le coupe.\\
 +-// Il pourrait aussi être mort d'une chose plus surnaturelle et moins commune qu'une crise cardiaque ou un empoisonnement.//"\\
 +Un certain silence suit mon intervention. Je sens le regard de Marco ainsi que probablement ceux des deux autres qui nous accompagnent. Et je vois dans le regard d'Anthony que celui-ci réfléchit et commence à reconsidérer certaines choses. Son sourire se modifie légèrement mais ne cesse nullement de me hérisser. 
 +
 +Après quelques secondes de blanc, il reprend sur le ton de la confidence.\\
 +"//Vous avez raison, professeur Forson. Il n'est pas mort naturellement ni d'une cause humaine. Il a été tué par une force qui vous dépasse.//\\
 +-// Comment ça qui nous dépasse ?// questionne Moïses qui était resté silencieux et attentif jusqu'ici.\\
 +-// Tout cela n'est que l'oeuvre d'une sorcellerie puissante. Moi-même je tâche de m'en tenir éloigné actuellement mais je sais que le professeur Leiter a relâché quelque chose de puissant. Et de mortel.// Il termine sur un sourire condescendant.\\
 +-// C'est n'importe quoi !// s'exclame mon frère.\\
 +-// Et pourtant, c'est bien ce qui me semble le plus logique. La mort inexpliquée, le miroir qui brûle, la tempête...// énuméré-je.\\
 +-// Ah oui, vous avez vu vous aussi la tempête ? C'était lié à cette créature.//\\
 +-// Mais de quoi parle-t-on, à la fin ?// demande le jeune prêtre quelque peu perdu.\\
 +-// De quoi ?// Anthony fixe son regard qui ne cille pas dans celui du prêtre. J'ai l'impression de l'entendre déglutir. //Nous parlons de forces magiques que vous n'imaginez pas. De forces qu'il vous est impossible de cerner tant votre esprit étriqué se refuse de l'envisager. Sauf pour vous, n'est-ce pas professeur Forson ? J'ai lu votre livre vous savez. Il était très enrichissant, très juste et détaillé. J'ai conscience qu'il a signé la fin de votre carrière et pourtant c'était vous qui aviez la vérité. Je le sais.//"
 +
 +Ne sachant quoi répondre, je réfléchis aux implications de ce qu'il dit. Tout cela me tend de plus en plus. Son sourire, son assurance, son savoir, mon livre. La maison... La chose... J'ai l'impression que mon sang se glace. Je revois les yeux rouges. Je revois son corps décharné. J'entends de nouveau le lit qui bouge de lui-même... les rats, le...\\
 +Marco me coupe dans mes réflexions :\\
 +"//De quoi diable parle-t-il donc ? Stephen !//\\
 +-// Que cherches-tu ?// demandé-je frontalement à Flinders en ignorant la question de mon frère.\\
 +-// La vie éternelle. La puissance. Le savoir. Tout. Je sais beaucoup de choses et j'en apprends constamment. Votre cours est intéressant même s'il ne m'apprend plus grand chose d'utile depuis longtemps. Je suis allé beaucoup plus loin que vous parce que je ne suis pas aussi effrayé et traumatisé que vous l'êtes. Il y a tellement de choses à découvrir.//\\
 +-// Mais c'est du satanisme !// s'exclame Joseph.\\
 +-// C'est un peu réducteur mais je suppose que c'est ainsi que votre œil clérical peut le percevoir, oui.//"
 +
 +Tout le monde se met alors à s'exclamer de surprise et d'indignation alors que je pointe de sang froid le canon de mon revolver sur la tête d'Anthony. Tout le monde sauf lui qui reste des plus calmes en me regardant sans se départir de son sourire narquois. Je déteste cela !\\
 +"//Stephen ! Mais qu'est-ce que tu fous ?!// s'alarme Marco.\\
 +-// Vous ne comprenez pas. Il est dangereux. Il faut l'arrêter tout de suite avant qu'il ne devienne... comme cette chose que j'ai vu.//\\
 +-//Professeur Forson, voyons ! Vous n'êtes pas sérieux ?!// s'exclame l'antiquaire qui s'est reculé d'un pas.\\
 +-//Professeur Forson ! Seriez-vous devenu fou vous aussi ? Lâchez donc cette arme et calmez-vous !// tente en même temps le jeune prêtre.\\
 +-// Non. Vous ne comprenez pas. Vous ne comprenez PAS ! Cet homme assis devant nous s'instruit sur des domaines et pratiques occultes. Il se laisse entraîner par le Mal. Il faut l'arrêter maintenant avant ou bien il y aura plus de victimes !//\\
 +-// Je n'ai pourtant tué personne, vous savez//, lâche sereinement l'étudiant que je tiens en joue.\\
 +-// Il est innocent, vous n'allez pas tuer un innocent, tout de même ?//\\
 +-// Il n'a rien d'innocent. Il n'a juste pas encore appris les bons... rituels...?//\\
 +-// J'en connais déjà un certain nombre, malgré tout.//"\\
 +Ses yeux ne me lâche pas. Je sens qu'ils me mettent au défi de tirer. Je le sens, je le sais ! Ma main tremble quelque peu. Je n'ai pas le choix. Mon doigt est lourd. Je sens la gâchette. Je sens le poids de l'arme à bout de bras. Il faut que quelqu'un intervienne. Il le faut ! J'ai très bien conscience que je passerai ma vie en prison et que j'y mourrais. Qu'on me prendra pour un fou voire que la police m'abattra. Mais cet individu... ne doit... pas... vivre.
 +
 +Une main se pose sur mon épaule et m'apaise. J'entends la voix de Marco.\\
 +"//Stephen. Je ne comprends pas tout et je ne demande qu'à te croire. Mais tu ne peux pas tuer de sang-froid un étudiant, comme ça ! Le tir va effrayer tout le monde dans la faculté, tu vas déclencher une panique. Il nous faut plus de preuves.//"\\
 +Je tâche de contrôler ma main qui ne cesse d'être agitée. Je refuse de cligner des yeux, de peur qu'il ne disparaisse et que je rate ma chance. Je tâche de me raisonner. Marco a vu juste sur plusieurs points. Et cet Anthony Flinders ne peut pas nous échapper. Nous sommes quatre, il est seul et j'ai une arme.\\
 +Si... bien sûr que si qu'il pourrait nous échapper ! Il maîtrise des forces qu'on ne peut appréhender. Qui sait ce dont il est capable ?!\\
 +Et en même temps... s'il voulait nous tuer, il l'aurait déjà fait. S'il voulait tuer, il l'aurait déjà fait. Étonnamment, je le crois quand il nous dit qu'il n'a pas tué le professeur Leiter. Ce qui signifie qu'il reste donc une créature dans les parages. Une créature dangereuse et incontrôlable. Plus dangereuse que cet étudiant. Plus mortelle. Incontrôlable.\\
 +J'abaisse mon arme et ignore les soupirs de soulagement autour de moi en m'adressant vertement à ce futur Corbitt.\\
 +"// Tu vas nous dire tout ce que tu sais sur cette créature !//\\
 +-// Et pourquoi donc ?// Toujours aussi calme et pragmatique. //Quel intérêt aurais-je à l'empêcher de roder ?//\\
 +-// Dis-nous tout ce que tu sais, diantre ! Ou c'est maintenant que tout s'arrête//, dis-je en braquant de nouveau mon arme sur son crâne juvénile.\\
 +-// Oulala. Vous faites peur.// Il rit, ironique.// Je peux simplement vous dire ce que vous avez probablement déjà compris, professeur Forson : le professeur Leiter a touché à des choses qu'il ne maitrisait pas. Et il y a laissé sa vie. Je n'envisage nullement de m'y intéresser tant que je ne serais pas capable de le dompter sereinement. Je suis téméraire mais certainement pas suicidaire, voyez-vous.//\\
 +-// Bon, tu viens avec nous.// Je m'adresse ensuite à Marco, Joseph et Moïses. //On ne peut pas le laisser ici. Il est dangereux. Est-ce que vous savez où il habite ?//\\
 +-// Oui, mais nous...// commence à répondre Joseph avant que je ne le coupe.\\
 +-// Alors on y va !//"\\
 +
 +Je redresse violemment l'étudiant et le fourre dans les bras de Marco. Celui-ci réagit promptement, probablement par réflexe et l'escorte. Je me dirige vers la porte d'un pas assuré puis me retourne. Trois visages choqués et un serein me font face. Personne ne me croit sauf ce fou dangereux. J'imagine assez bien l'image qu'ils doivent tous avoir de moi. Afin d'essayer de les apaiser un peu, je dissimule mon arme. Ils me prennent probablement pour un fou dangereux eux aussi.\\
 +Je l'accepte. Tout comme j'accepte de faire tout ce qu'il faudra pour se débarrasser de cette menace avant qu'il ne soit trop tard. Il n'y aura pas de deuxième Corbitt. Il n'y aura pas d'autres victimes. J'en payerai le prix sans soucis mais je me débarrasserais de lui. Après que l'on ait récupérer toutes les infos nécessaires sur cette créature mortelle qui rôde.\\
 +Ça y est, je le sens... Je sens le Mal au sein de cette université. Il est présent sous diverses formes et l'une d'entre elles me dévisage avec un sourire narquois et supérieur en se faisant un peu bousculer par le détective privé.\\
 +Au moins, ils ont tous décidé de me suivre. Prochaine direction : l'appartement de Flinders. 
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 14>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 14 - Seul contre tous =====
 +La traversée de l'université se révèle plus aisée que je ne l'avais craint. L'étudiant nous suit sans faire d'histoires et mes trois comparses semblent encore sous le choc de m'avoir vu sortir une arme et menacer quelqu'un. Nous pénétrons dans la voiture et je veille à ce que Anthony Flinders se retrouve à l'arrière entre Joseph et Moïses. Il est toujours excessivement calme et son sourire ne cesse de me perturber. J'ai envie de lui coller une balle entre les deux yeux, là maintenant mais je me retiens.\\
 +Ce serait pourtant si simple... il suffirait que je me retourne, que je sorte mon revolver et que je tire. À bout portant, impossible de le rater. Certes ça nous éclabousserait tous et ça produirait une détonation assourdissante mais au moins ça en serait fini de lui.\\
 +Et pourtant je me retiens. J'ai la main crispée sur l'arme et un regard de Marco vers celle-ci me force à la lâcher pour essayer de le rassurer. Il est perdu et n'arrive pas à comprendre, je le vois bien. Alors que nous démarrons, je tâche de leur expliquer brièvement ce que je crains, je leur parle de mon livre, de la maison Corbitt, de son habitant qui terrorisait et rendait fou quiconque s'en approchait. Je leur dis et leur répète qu'ils doivent lire mon livre pour se rendre compte mais Joseph a une petite remarque sarcastique qui me fait exploser. Et dans tout cela... non seulement ils continuent de me prendre pour un fou mais je vois la satisfaction briller dans les yeux de Flinders. Il jubile en me regardant fixement à travers le petit miroir. J'ai une soudaine envie de le fermer mais je refuse de lui donner cette satisfaction.
 +
 +Après une quinzaine de minutes, Marco se gare dans une rue bordée d'immeubles. Je redemande l'adresse exacte à Moïses et celui-ci me la donne à contre-coeur. Je n'ai pas le temps de prendre des pincettes bien que cela les rende de plus en plus méfiant à mon encontre. Tant pis, nous n'avons plus ce luxe. La situation est pire que ce que je craignais.\\
 +Flinders me fixe toujours en souriant. Je détourne le regard et sort.\\
 +"//Je vais jeter un coup d’œil. Vous, restez ici pour le surveiller. Et surveillez-le étroitement ! On ne sait pas de quoi il est capable//, préconisé-je.\\
 +-// Ce n'est qu'un gamin//, tempère l'antiquaire Kimbrew.\\
 +-// C'est loin d'être un simple gamin, il possède des connaissances... dangereuses.//\\
 +-// Je t'accompagne, Stephen. Et c'est non-négociable.//"\\
 +Je regarde mon frère dans les yeux et comprend qu'il ne me fait pas complètement confiance non plus. Un regard rapide vers les deux autres me fait comprendre qu'ils n'accepteront pas que j'y aille seul de toute façon. Par conséquent, je hausse les épaules en lâchant un "comme tu voudras". Puis, sans attendre, je ferme la portière de voiture puis me dirige vers la résidence de l'étudiant occulte.
 +
 +Marco me rejoint quelques instants juste quand je pénètre dans l'immeuble. Nous tombons nez-à-nez avec la logeuse qui nous interpelle d'un œil mauvais :\\
 +"//Eh là ! Qui qu'vous êtes, vous encore ?//\\
 +-// Nous sommes sur une enquête, madame//", me devance mon fraternel en montrant sa carte de détective privé. Je dois saluer son intervention car je me voyais bien répondre vertement à la bougresse de s'occuper de ses affaires. Ce qui, en y réfléchissant une seconde, aurait été suffisant pour qu'elle appelle la police.\\
 +Elle se contente de maugréer en nous intimant de ne pas "saloper" son couloir et de "ne rien chourer". Comme s'il y avait vraiment quelque chose de valeur ou de propre dans cet endroit. Je tiens ma langue et monte les escaliers en suivant Marco jusqu'à l'appartement recherché. Alors que je réalise que nous aurions dû récupérer les clés avant de quitter la voiture, je vois mon comparse les sortir d'une des vestes de sa poche. Décidément, je dois me rendre à l'évidence que la présence de mon frère et son esprit pratique, en ces moments de stress, sont bienvenus.
 +
 +La serrure se déverrouille et nous pénétrons dans une chambre d'étudiant... des plus atypiques. En plus du lit et du bureau que l'on peut s'attendre à trouver dans une telle pièce, celle-ci est particulièrement encombrée. Il y a de nombreux vêtements, ouvrages et feuilles volantes mais aussi des dessins à la craie sur le plancher. Je referme derrière nous et nous entreprenons de fouiller consciencieusement.\\
 +Il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que plusieurs de ces livres n'ont rien à voir avec le cursus universitaire de Miskatonic. Nous trouvons d'ailleurs les fameux livres perdus de Leiter. C'était donc bien lui qui les avait récupéré, je les mets dans un sac en utilisant une chemise pour éviter d'y toucher et j'y ajoute toutes les notes qui me semblent avoir un lien de près ou de loin avec l'occulte. Il nous faut une bonne demi-heure pour explorer les onze mètres carrés qui constituent la pièce. Au final, ce n'est pas moins de sept livres et une cinquantaine de pages que nous récupérons en plus des ouvrages volés à l'université.\\
 +Ce qui me glace le sang, c'est que parmi ces bouquins y figure le mien. Autographié. Je reconnais mon paraphe qui me projette trois ans en arrière, à la seule et unique séance d'autographe. Bien que tout soit devenu flou dans mon esprit parce que je n'en garde pas un bon souvenir, je me revois assis à une petite table sur laquelle trônait une vingtaine d'exemplaires neufs de mon livre. Je n'avais pas beaucoup de place car j'étais dans la boutique d'Abigail qui m'avait gracieusement invité. Il ne faisait pas très chaud à cette époque et le temps passait très lentement. J'avais prévu des heures, m'attendant à avoir une main douloureuse à force de signer. La vérité est que finalement il n'y a eu que deux personnes à franchir le seuil pour demander un autographe. Ou trois. Et Anthony Flinders était l'une d'entre elles.\\
 +Ma gorge se serre à cette réalisation. Je comprends que j'ai participé à lancer ce jeune homme dans cette recherche obscure. J'ai participé à ce qu'il est devenu. Le sentiment de devoir prendre mes responsabilités s'inscrit comme au fer blanc dans mon esprit. Je DOIS intervenir et empêcher tout cela. Et si mon livre a perverti Flinders... il est tout à fait possible qu'il ait perverti d'autres personnes ! À cet instant précis, je ressens une horreur m'envahir tout en chassant l'amertume qui me tenaillait depuis de nombreux mois suite à mon échec commercial. Quelle chance que mon ouvrage ait touché si peu de gens ! Mais quelle horreur qu'elle puisse faire naître de telles vocations ! Je n'y avais pas du tout réfléchis à l'époque. À moins que si... mais que j'ai été trop cupide et fier pour le prendre en compte. La honte me submerge et je deviens livide.
 +
 +"//Stephen ? Stephen !// Une fois n'est pas coutume, c'est la voix de Marco qui me tire de mes pensées destructrices.\\
 +-// Quoi ?// réponds-je acerbe.\\
 +-// Est-ce que ça va ? Tu m'as l'air tout pâle.//\\
 +-// Oui, oui, ça va...// et je murmure ensuite pour moi-même :// je sais ce que je dois faire à présent...//\\
 +-// D'accord, tant mieux alors. Est-ce que tu as vu ça ? Ça ne ressemble pas à un des dessins qu'il y avait sur une des feuilles que tu as fourré dans ton sac ?//"\\
 +Le "ça" en question est une suite de traits réalisés à la craie sur le plancher que nous avions vu en entrant. Maintenant que Marco a dégagé les piles de livres et de vêtements, le symbole apparaît bien plus clairement : une sorte de double cercle à l'intérieur desquels se trouvent des écritures et divers symboles. J'en reconnais quelques-uns mais ne prend pas le temps d'étudier plus en détail la chose : à l'aide d'un vêtement et de mon pied je tâche d'effacer la craie. Je sais que mon frère me regarde faire, probablement interloqué, mais je suis convaincu que je dois effacer ce dessin. Il me fait penser aux tracés ritualistes décris par Walter Corbitt et, de ce que j'en avais compris, certains ne font effet que tant qu'ils sont intacts. J'espère au fond de moi que celui-ci en fait partie.\\
 +Une fois satisfait, je souffle : "//Allons nous-en. Nous avons fait ce que nous pouvions ici. Le mieux serait de mettre le feu à l'appartement mais nous n'avons pas le temps.// En captant le regard consterné de mon frère, j'ajoute. //Il n'y en a probablement pas besoin//".
 +
 +Nous quittons donc la pièce et la refermons à clé avant de rejoindre la voiture. Fort heureusement, nous ne croisons pas la logeuse en repartant, je n'aurai pas apprécié une fouille de mon sac devenu subitement bien plus lourd.\\
 +"//On a les livres !// s'exclame victorieux Marco en se réinstallant.\\
 +-// C'était donc bien lui qui les avait//, constate Joseph devenant plus méfiant à l'égard de notre prisonnier.\\
 +-// Très bien et donc maintenant, on retourne à l'université pour les restituer et le dénoncer au doyen ? Qu'est-ce que l'on fait de lui ?// questionne Moïses Kimbrew.\\
 +-// Il nous reste une chose à régler avant. Démarre et dirige toi vers le Nord, Marco.//"\\
 +Ma suggestion interpelle et malgré les protestations de Joseph et Moïses, Marco démarre, me faisant encore suffisamment confiance. Personnellement, j'entends mon cœur battre fort contre mes tempes. Je sens que je transpire et que je suis sous tension. Ma mission est claire à présent mais elle ne me ravit pas. Je crains les conséquences mais beaucoup moins que celles de ma lâcheté. Mes poings se crispent. Je suis résolu. Je tâche de m'apaiser et de bien me concentrer sur la suite des événements.\\
 +Sans répondre pendant la première demi-heure, je me contente de donner des instructions à Marco. Ces instructions nous font sortir de la ville et nous prenons une route nationale qui suit une forêt et, surtout, un marécage.
 +
 +À un moment, alors que nous sommes entourés d'arbres, Joseph m'attrape l'épaule pour me secouer.\\
 +"//Bon, ça suffit les conneries ! Où est-ce que l'on va, Forson ?!//\\
 +-// On va régler le problème Anthony Flinders.//\\
 +-// Comment ça ?! De quoi est-ce que vous parlez ?// questionne Joseph alors que Moïses s'exclame :\\
 +-// Pardon ?!//\\
 +-// Il est hors de question de laisser Flinders repartir vivant. Il est trop dangereux.// À mon heureuse surprise, ma voix est calme et assurée à présent.\\
 +-// Vous voulez... le tuer ?!// s'étouffe Moïses.\\
 +-// Il n'y a pas d'autres solutions mais vous refusez de le comprendre.//\\
 +-// Ce n'est qu'un étudiant ! Et jusqu'à preuve du contraire, il est innocent !//\\
 +-// Tout ça//, dis-je en montrant mon sac et en sortant plusieurs manuscrits pour leur montrer,// sont des preuves plus que suffisantes. Je sais très bien à quoi vont mener ses recherches et ce qui lui sera possible de faire très bientôt s'il continue sur cette voie. J'ai déjà vu ça. J'ai déjà vu les dommages, la folie et les morts. La seule manière d'arrêter cela est de le tuer.//\\
 +-// Vous ne pourrez pas me tuer//, déclare tranquillement le concerné. Son regard est toujours amusé, son sourire narquois. Ce qui me perturbe c'est qu'il a l'air de me prendre au sérieux malgré sa déclaration. Cherche-t-il a instiller le doute dans ma pensée ?\\
 +-// C'est hors de question d'assassiner qui que ce soit de sang froid ! Parce que oui, là, il s'agit d'assassinat, professeur Forson, en avez-vous conscience ?!//\\
 +-// Il s'agit ici d'éradiquer le Mal avant qu'il ne devienne incontrôlable. Vous devriez me comprendre étant donné que vous êtes prêtre.//\\
 +-// Dieu n'a jamais favorisé le meurtre !//\\
 +-// En êtes-vous si certain ? Quoiqu'il en soit, quelle autre solution avons-nous ? Vous souhaitez le déposer à la police maintenant qu'il peut tous nous accuser de l'avoir kidnappé et menacé d'une arme ?// dis-je en pointant de nouveau mon arme sur l'étudiant des pratiques sataniques. Cela ne manque pas d'entraîner une nouvelle vague de protestation à la vue du canon.\\
 +-// Mais c'est vous qui...//\\
 +-// Vous... vous nous avez piégé, Forson !//\\
 +-// Qu'est-ce que tu as fait, Stephen...?// se lamente Marco en prenant la parole pour la première fois.\\
 +-// J'ai fait ce que je devais faire. Et ne vous inquiétez pas, si besoin, j'assumerai l'entièreté de la situation. D'autant que le seul témoin sera mort.//\\
 +-// Vous êtes devenus complètement fou, ma parole !//\\
 +-// Vraiment ? C'est ainsi que vous voyez la chose ? Vous avez un monstre en devenir juste à côté de vous et tout ce que vous voyez c'est son visage angélique ? Vous refusez de comprendre que vous avez avec vous quelque chose de pire qu'un assassin, de pire qu'un kidnappeur ! Dans quelques années, peut-être trois, peut-être dix, il deviendra incontrôlable et doté d'une puissance terrifiante ! Il aura probablement causé la mort de dizaines de personnes, je me tue à vous le dire, MAIS VOUS REFUSEZ DE LE COMPRENDRE ! Et bien soit ! Marco, arrête la voiture ici.// La voiture ralenti puis s'arrête. J'en descends avec le sac. //Faites ce que vous voulez de lui. Si dans deux heures, vous n'avez pas pris de décision, revenez me voir et je règlerai tout. Allez-y ! Trouvez donc une meilleure solution, vous avez l'air d'en avoir !// dis-je sarcastique. //Allez Marco, démarre ! Roule !//"
 +
 +Après quelques protestations, ils finissent par repartir en me laissant seul sur le bas côté. Je les regarde donc partir et m'effondre sur le sol, les jambes ne me tenant plus dès qu'ils disparaissent à un virage.\\
 +Il souriait toujours.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 15>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 15 - Actes et conséquences =====
 +Sur le sol, je laisse me parcourir les tremblements que je refoulais depuis des heures. Je n'arrive pas à croire ce qu'il se passe. Walter Corbitt n'était pas la seule personne à pratiquer. N'y avait-il pas un certain Thomas aussi qui s'était échappé de prison ? Mon sang se glace. Non seulement, ils sont plus nombreux que je ne le craignais mais en plus ils font de nouveau adeptes. Pourquoi ?! Qu'est-ce qui peut bien motiver des personnes à vouloir se vouer au Mal, ainsi ?! Et dire que j'y ai participé...\\
 +Ma respiration est difficile. Mon cœur bat fort et mon esprit part dans des visions apocalyptiques. Si la tempête n'était qu'un prémisse, qui sait ce qu'il pourrait advenir dans un mois ? Dans une semaine ou même dans un jour ? Et de quoi était-ce un prémisse ? Et cette chose que le professeur Leiter a libéré... De quoi s'agit-il ? Comment s'en débarrasser...?\\
 +Mon regard dévie vers mon sac contenant les fameux livres à l'origine de cette créature mortelle. J'en sors un et observe la couverture. Je le retourne entre mes mains et au moment où je manque de céder à la tentation de l'ouvrir, je le lance sans ménagement dans le sac. J'ai une folle envie de m'en débarrasser, de les cramer mais je crains que la seule façon de conjurer ce monstre se trouve dans ces pages.\\
 +Je soupire de résignation mais ce nouvel objectif me revigore étrangement. J'ai peut-être fait une grossière erreur en écrivant mon livre mais je peux encore essayer de réparer des choses.
 +
 +Je me redresse lentement.\\
 +D'abord et ça ne fait aucun doute, je vais devoir régler le problème Anthony Flinders. Une balle dans la tête ne suffira peut-être pas. L'immolation par le feu peut-être... J'observe les alentours puis ma montre avant de me diriger dans la forêt puisqu'il me reste un peu de temps. Il me semble qu'il y a un marécage non loin, j'aimerai bien le trouver. Ce sera l'un des meilleurs moyen de faire disparaître le corps. Ainsi, même s'il ... je déglutis de malaise à cette idée. Même s'il revient à la vie, il ne pourra pas s'échapper. Avec un peu de chance.
 +
 +Il ne me faut pas plus de dix minutes pour découvrir un endroit qui conviendrait.\\
 +Je reviens ensuite sur mes pas afin d'être sûr de ne pas rater le retour de Marco, car oui, je suis convaincu qu'ils ne trouveront aucune autre solution étant donné qu'il n'y en a aucune. Je compte sur le fait qu'à trois ils devraient ne pas prendre de décisions stupides. Bien que je n'y crois guère en mon fond intérieur, je préfère me focaliser sur cette idée et sur la suite.\\
 +Suite qui est claire : il me faudra trouver un moyen de révoquer cette créature qui hante les miroirs et l'université. Ce qui me demandera probablement des insomnies de lecture, une fois encore. Et vu qu'il n'est pas impossible que je sois recherché par la police, il me faudra un endroit calme et peu fréquenté... Et loin de Miskatonic. Oui... c'est encore une nouvelle vie qui va s'offrir à moi. Mais ai-je vraiment le choix ?
 +
 +Les minutes passent, mes pensées et résolutions se précisent. Un plan commence à se mettre en place dans ma tête.\\
 +Les tremblements ont cessé. Ma démarche s'est quelque peu raidie. Mon cœur et ma respiration se sont apaisés.\\
 +Je me sens prêt.
 +
 +Moins de deux heures après leur départ, j'entends puis je vois la voiture de mon frère se rapprocher de moi. Elle s'arrête sur le bas-côté alors que je plisse les yeux pour essayer de déterminer si Flinders est toujours avec eux. Je m'approche pour le moment de vérité. Il est bien là ! Toujours entre l'antiquaire Moïses Kimbrew et le jeune prêtre Joseph Baker. Il me suit du regard, je le sens.\\
 +Alors que je contourne la voiture à l'arrêt pour m'approcher de la portière de Marco, celui-ci baisse la vitre.\\
 +"//Bien, je vois que vous avez enfin pris la bonne décision.//\\
 +-// Non, pas du tout, professeur Forson ! Nous n'avons pris aucune décision !// s'exclame avec véhémence Moïses, appuyé par un hochement de tête de Joseph et par un élargissement du sourire de Flinders.\\
 +-// Pourtant je vous avais laissé du temps pour réfléchir. Vous aviez même la possibilité de partir avec lui, néanmoins vous êtes revenu. Pourquoi ?//\\
 +-// Parce qu'il est hors de question de commettre un meurtre et que vous nous avez mis dans une belle panade, Forson ! À cause de vous, nous sommes complices d'un kidnapping ! Il est hors de question que ça aille plus loin !//\\
 +-// Quel est ton avis, Marco ?// demandé-je en regardant mon frère.\\
 +-// J'ai envie de te croire, Stephen. J'ai vraiment envie de te croire mais... je ne peux pas commettre un meurtre. C'est ... surréaliste. Ce n'est qu'un étudiant et nous n'avons aucune preuve. Il faudrait d'abord en trouver plus et...//\\
 +-// Nous n'avons pas ce temps//, le coupé-je. //Il y a une autre créature qui menace l'université toute entière, si ce n'est plus. Chaque minute perdue, chaque heure perdue à discuter c'est autant de victimes potentielles qui ne seront pas évitées à cause de votre lâcheté à tous les trois.//\\
 +-// Mais enfin Stephen... on parle de meurtre là, d'un meurtre de sang-froid qui plus est. Je ne te reconnais pas. Stephen, s'il te plaît. Reviens à la raison et aide nous à trouver une solution.//\\
 +-// Tu as raison, Marco. Je vais vous aider et tout régler.//"
 +
 +Le détective n'a cependant pas le temps de soupirer de soulagement que j'ouvre la portière arrière puis je braque mon arme sur la tête de Joseph Baker en retirant la sécurité d'une main ferme.\\
 +"//Stephen ! Mais qu'est-ce que tu fais ?!//\\
 +-// Professeur Forson, vous avez perdu la tête ?!// balbutie le jeune prêtre.\\
 +-// M. Baker. Sortez de la voiture. Lentement. Je n'hésiterai aucunement à vous tirer dessus s'il le faut.//\\
 +-// Mais enfin...//\\
 +-// MAINTENANT !//"\\
 +Visiblement sous le choc, le vingtenaire sort de la voiture en tremblotant. Je désigne du menton la route qui mène à Arkham.\\
 +"//Allez, rentrez. Vous pourrez dire à la police que je vous ai menacé d'une arme et forcé à faire un kidnapping. Toute la faute reposera sur moi et vous serez blanchis. Ou bien dites la vérité si vous le souhaitez, c'est votre vie après tout. Mais maintenant dégagez !//"\\
 +Le jeune homme me regarde et commence à reculer lentement puis plus rapidement. Sous le choc, il n'ajoute rien.\\
 +
 +Une fois à bonne distance, j'en profite pour me pencher dans la voiture et menacer sans faillir les deux autres personnes occupant la banquette arrière.
 +"//M. Kimbrew. Veuillez sortir à votre tour, refermer la portière puis suivre M. Baker. Cette affaire ne vous concerne plus.//\\
 +-// Voyons, Forson, vous ne pouvez pas être sérieux...//\\
 +-// Sortez Kimbrew ! Ou je vous tue sans plus de sommation.//"\\
 +Tout en continuant de maugréer, il sort de la voiture lentement, referme la porte de la voiture comme demandé.\\
 +"//Qu'est-ce vous allez faire de lui, Forson ? Vous n'allez quand même pas le tuer ?//\\
 +-// Cette affaire ne vous concerne plus et l'ignorance jouera en votre faveur. Maintenant partez.//"\\
 +Tout en me traitant de fou furieux, il commence à s'éloigner et, malgré ses regards noirs, sous la menace de mon arme, il s'éloigne.
 +
 +Je reviens alors à la vitre de mon frère, recule d'un pas puis, avec un sourire triste, je le braque.\\
 +"//Toi aussi, mon frère. Je n'aurai jamais dû t'emmener dans cette histoire, j'en suis désolé.//\\
 +-// Stephen...//\\
 +-// Laisse les clés et sors sans faire d'histoire. Tu ne me reconnais peut-être plus mais je t'assure que je tirerai si tu ne me laisses pas le choix. Et tu sais que ça m'affecterait, même si ça ne se voit pas actuellement.// Alors qu'il sort lentement, je continue de lui parler, comme pour essayer de lui faire comprendre mes raisons :// Je fais tout cela pour tout le monde, pour toi, pour l'université, pour Arkham, pour les innocents... Il faut que quelqu'un le fasse. Il le faut. Et j'ai compris que ça ne pouvait qu'être moi. Il est hors de question que je laisse le passé se reproduire.//"\\
 +Dès qu'il se retrouve à l'extérieur, je lui fais signe de suivre les autres. Il hésite mais finit par se résigner. Un débordement intérieur de soulagement me submerge, je tâche cependant de n'en laisser rien paraître. Ils sont partis sans que je n'ai pas eu à tirer. Quel soulagement, mon dieu !\\
 +C'était un pari risqué mais c'était surtout la meilleure solution pour leur éviter les ennuis et régler le problème Flinders à la fois. Je tiens la bride à mon enthousiasme.
 +
 +Dès que les trois hommes sont à plus d'une centaine de mètres, je tourne les clés puis démarre en veillant à tenir en joue tant bien que mal Flinders qui n'a même pas cherché à s'échapper. Il a les yeux écarquillés et un sourire diabolique sur le visage, comme s'il se réjouissait de ce qui allait suivre.\\
 +Refusant de me laisser déstabilisé, je fais demi-tour pour m'éloigner d'Arkham. J'avance à une allure prudente et me satisfait de voir disparaître dans un virage les trois silhouettes de mes anciens comparses. Je suis seul à présent. Seul. Avec le Mal.
 +
 +Je roule une petite demi-heure avant de me garer de nouveau sur le bas-côté.\\
 +Je sors de la voiture et ouvre la portière arrière en menaçant de nouveau Flinders de mon revolver.\\
 +"//Sors sans faire d'histoire !//"\\
 +Il s'exécute lentement, sans gestes brusques. Une fois devant moi et sans cesser de me sourire, il me répète simplement : "//Vous ne pourrez pas me tuer, Stephen F. Forson.//"\\
 +Préférant ne pas répondre, je récupère dans le coffre une lampe à huile ainsi que les quelques cordes qui trainent là puis je verrouille la voiture en espérant qu'elle n'attirera pas trop l'attention. Je fais ensuite avancer l'étudiant démoniaque devant moi pour que l'on s'enfonce dans la forêt avant qu'une autre voiture ne nous remarque.\\
 +Nous avançons un petit quart d'heure avant que je n'estime le lieu adéquat.\\
 +"//Flinders ! C'est ta dernière chance de faire le bien : dis-moi comment arrêter la créature qui a été libéré par Leiter.//\\
 +-// Je n'ai rien à y gagner et je préfère donc m'abstenir, professeur,// dit-il avec un tel calme que j'en ai des frissons dans le dos.\\
 +-// N'as-tu donc aucune conscience ? Même au bord de la mort ?//\\
 +-// Ah oui... la mort... C'est un drôle de concept, n'est-ce pas ? Allons, ne perdons pas plus de temps : tirez ! Vous en mourrez d'envie, n'est-ce pas ? Eh bien alors ? Ce n'est pas le moment de faillir, professeur. Tirez ! Je ne bouge pas d'un pouce, c'est promis. Qu'est-ce qui vous retient ? Serait-ce la peur ? Non... vous n'allez quand même pas échoué si près du but, pas après vos grands discours, pas après avoir menacé votre propre frère. Quelle tristesse ce ser...//"\\
 +PAN !\\
 +La déflagration fait reculer ma main, la balle traverse le crâne de l'arrogant et le reste de son corps s'effondre comme une poupée de chiffon.
 +
 +Ma main tremble. Je vois du sang s'écouler de la tête et... je vomis à cette vision.\\
 +J'ai tué.\\
 +Certes un démon en devenir mais il était encore humain. J'ai tué...\\
 +Je n'ai cependant pas le temps de me lamenter, il faut que je me dépêche ! Je déchire tous les livres de Flinders en commençant pas le mien puis en fait un gros tas. J'y ajoute tous ses feuillets pour ne conserver que les ouvrages à l'origine de la mort de Leiter. J'arrose le corps du cadavre de l'huile contenu dans la lampe puis craque une allumette sur le tout.\\
 +Le feu prend rapidement, j'y ajoute des branches sèches pour veiller à ce que le cadavre brûle du mieux possible.
 +
 +Après une vingtaine de minutes, il ne reste plus que de la fumée, des cendres et le corps à moitié calciné. J'ai surveillé chaque instant, la main crispée sur mon arme à m'en faire blanchir les phalanges, que le cadavre ne se relève pas. Bien qu'il n'ait pas bougé, je ne suis pas pleinement satisfait. J'entame alors la troisième et dernière étape visant à régler le problème Flinders : je le tire dans le marécage jusqu'à avoir de l'eau vaseuse au niveau des épaules puis l'attache aux plus grosses pierres que je peux trouver afin que son corps reste au fond de l'étang bourbeux.\\
 +Je m'en extrais prudemment puis veille encore deux heures, à guetter le moindre signe. La moindre bulle. Le moindre clapotis.\\
 +Mais rien ne se passe.
 +
 +Je finis par retourner jusqu'à la voiture, complètement trempé et sale. Je démarre puis m'éloigne de ce lieu et d'Arkham. De l'université, de ma boutique et de mon frère...\\
 +Je suis dans un état second. À la fois soulagé, parce que j'ai l'impression d'avoir réglé définitivement la menace que représentait le jeune Anthony Flinders, mais aussi terrifié par ce que je suis à présent capable de faire. Où est donc passé le professeur froussard qui laissait les autres agir et prendre les risques ?\\
 +Qui suis-je devenu...?
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-Action mail elanndelh@klaewyss.fr+Action mail elanndelh@protonmail.com
 Thanks "Merci d'avoir lu et pour ce retour ! Celui-ci a bien été transmis à l'auteur" Thanks "Merci d'avoir lu et pour ce retour ! Celui-ci a bien été transmis à l'auteur"
  
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