Outils pour utilisateurs

Outils du site


jdr:cr:elanndelh:cthulhu_3

Différences

Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.

Lien vers cette vue comparative

Les deux révisions précédentesRévision précédente
Prochaine révision
Révision précédente
jdr:cr:elanndelh:cthulhu_3 [2023/04/08 13:21] – +chap 13 elanndelhjdr:cr:elanndelh:cthulhu_3 [2023/10/04 21:14] (Version actuelle) – modification temporaire du mail de commentaire elanndelh
Ligne 10: Ligne 10:
  
 <WRAP justify> <WRAP justify>
-<WRAP info right 40%>Ce récit divulgâche le scénario "//Les lettres de sang//" du jeu de rôles **L'Appel de Cthulhu**.+<WRAP info right 40%>Ce récit divulgâche le scénario "//[[https://www.tentacules.net/index.php?id=1846|Les lettres de sang]]//" du jeu de rôles **L'Appel de Cthulhu**.
  
 Ce récit survient après celui du [[.:cthulhu_1|premier scénario]], le lire peut vous aider à mieux apprécier celui-ci mais il n'est pas forcément nécessaire. Les deux scénarios sont indépendants mais partagés par le même personnage.</WRAP> Ce récit survient après celui du [[.:cthulhu_1|premier scénario]], le lire peut vous aider à mieux apprécier celui-ci mais il n'est pas forcément nécessaire. Les deux scénarios sont indépendants mais partagés par le même personnage.</WRAP>
Ligne 800: Ligne 800:
 Ça y est, je le sens... Je sens le Mal au sein de cette université. Il est présent sous diverses formes et l'une d'entre elles me dévisage avec un sourire narquois et supérieur en se faisant un peu bousculer par le détective privé.\\ Ça y est, je le sens... Je sens le Mal au sein de cette université. Il est présent sous diverses formes et l'une d'entre elles me dévisage avec un sourire narquois et supérieur en se faisant un peu bousculer par le détective privé.\\
 Au moins, ils ont tous décidé de me suivre. Prochaine direction : l'appartement de Flinders.  Au moins, ils ont tous décidé de me suivre. Prochaine direction : l'appartement de Flinders. 
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 14>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 14 - Seul contre tous =====
 +La traversée de l'université se révèle plus aisée que je ne l'avais craint. L'étudiant nous suit sans faire d'histoires et mes trois comparses semblent encore sous le choc de m'avoir vu sortir une arme et menacer quelqu'un. Nous pénétrons dans la voiture et je veille à ce que Anthony Flinders se retrouve à l'arrière entre Joseph et Moïses. Il est toujours excessivement calme et son sourire ne cesse de me perturber. J'ai envie de lui coller une balle entre les deux yeux, là maintenant mais je me retiens.\\
 +Ce serait pourtant si simple... il suffirait que je me retourne, que je sorte mon revolver et que je tire. À bout portant, impossible de le rater. Certes ça nous éclabousserait tous et ça produirait une détonation assourdissante mais au moins ça en serait fini de lui.\\
 +Et pourtant je me retiens. J'ai la main crispée sur l'arme et un regard de Marco vers celle-ci me force à la lâcher pour essayer de le rassurer. Il est perdu et n'arrive pas à comprendre, je le vois bien. Alors que nous démarrons, je tâche de leur expliquer brièvement ce que je crains, je leur parle de mon livre, de la maison Corbitt, de son habitant qui terrorisait et rendait fou quiconque s'en approchait. Je leur dis et leur répète qu'ils doivent lire mon livre pour se rendre compte mais Joseph a une petite remarque sarcastique qui me fait exploser. Et dans tout cela... non seulement ils continuent de me prendre pour un fou mais je vois la satisfaction briller dans les yeux de Flinders. Il jubile en me regardant fixement à travers le petit miroir. J'ai une soudaine envie de le fermer mais je refuse de lui donner cette satisfaction.
 +
 +Après une quinzaine de minutes, Marco se gare dans une rue bordée d'immeubles. Je redemande l'adresse exacte à Moïses et celui-ci me la donne à contre-coeur. Je n'ai pas le temps de prendre des pincettes bien que cela les rende de plus en plus méfiant à mon encontre. Tant pis, nous n'avons plus ce luxe. La situation est pire que ce que je craignais.\\
 +Flinders me fixe toujours en souriant. Je détourne le regard et sort.\\
 +"//Je vais jeter un coup d’œil. Vous, restez ici pour le surveiller. Et surveillez-le étroitement ! On ne sait pas de quoi il est capable//, préconisé-je.\\
 +-// Ce n'est qu'un gamin//, tempère l'antiquaire Kimbrew.\\
 +-// C'est loin d'être un simple gamin, il possède des connaissances... dangereuses.//\\
 +-// Je t'accompagne, Stephen. Et c'est non-négociable.//"\\
 +Je regarde mon frère dans les yeux et comprend qu'il ne me fait pas complètement confiance non plus. Un regard rapide vers les deux autres me fait comprendre qu'ils n'accepteront pas que j'y aille seul de toute façon. Par conséquent, je hausse les épaules en lâchant un "comme tu voudras". Puis, sans attendre, je ferme la portière de voiture puis me dirige vers la résidence de l'étudiant occulte.
 +
 +Marco me rejoint quelques instants juste quand je pénètre dans l'immeuble. Nous tombons nez-à-nez avec la logeuse qui nous interpelle d'un œil mauvais :\\
 +"//Eh là ! Qui qu'vous êtes, vous encore ?//\\
 +-// Nous sommes sur une enquête, madame//", me devance mon fraternel en montrant sa carte de détective privé. Je dois saluer son intervention car je me voyais bien répondre vertement à la bougresse de s'occuper de ses affaires. Ce qui, en y réfléchissant une seconde, aurait été suffisant pour qu'elle appelle la police.\\
 +Elle se contente de maugréer en nous intimant de ne pas "saloper" son couloir et de "ne rien chourer". Comme s'il y avait vraiment quelque chose de valeur ou de propre dans cet endroit. Je tiens ma langue et monte les escaliers en suivant Marco jusqu'à l'appartement recherché. Alors que je réalise que nous aurions dû récupérer les clés avant de quitter la voiture, je vois mon comparse les sortir d'une des vestes de sa poche. Décidément, je dois me rendre à l'évidence que la présence de mon frère et son esprit pratique, en ces moments de stress, sont bienvenus.
 +
 +La serrure se déverrouille et nous pénétrons dans une chambre d'étudiant... des plus atypiques. En plus du lit et du bureau que l'on peut s'attendre à trouver dans une telle pièce, celle-ci est particulièrement encombrée. Il y a de nombreux vêtements, ouvrages et feuilles volantes mais aussi des dessins à la craie sur le plancher. Je referme derrière nous et nous entreprenons de fouiller consciencieusement.\\
 +Il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que plusieurs de ces livres n'ont rien à voir avec le cursus universitaire de Miskatonic. Nous trouvons d'ailleurs les fameux livres perdus de Leiter. C'était donc bien lui qui les avait récupéré, je les mets dans un sac en utilisant une chemise pour éviter d'y toucher et j'y ajoute toutes les notes qui me semblent avoir un lien de près ou de loin avec l'occulte. Il nous faut une bonne demi-heure pour explorer les onze mètres carrés qui constituent la pièce. Au final, ce n'est pas moins de sept livres et une cinquantaine de pages que nous récupérons en plus des ouvrages volés à l'université.\\
 +Ce qui me glace le sang, c'est que parmi ces bouquins y figure le mien. Autographié. Je reconnais mon paraphe qui me projette trois ans en arrière, à la seule et unique séance d'autographe. Bien que tout soit devenu flou dans mon esprit parce que je n'en garde pas un bon souvenir, je me revois assis à une petite table sur laquelle trônait une vingtaine d'exemplaires neufs de mon livre. Je n'avais pas beaucoup de place car j'étais dans la boutique d'Abigail qui m'avait gracieusement invité. Il ne faisait pas très chaud à cette époque et le temps passait très lentement. J'avais prévu des heures, m'attendant à avoir une main douloureuse à force de signer. La vérité est que finalement il n'y a eu que deux personnes à franchir le seuil pour demander un autographe. Ou trois. Et Anthony Flinders était l'une d'entre elles.\\
 +Ma gorge se serre à cette réalisation. Je comprends que j'ai participé à lancer ce jeune homme dans cette recherche obscure. J'ai participé à ce qu'il est devenu. Le sentiment de devoir prendre mes responsabilités s'inscrit comme au fer blanc dans mon esprit. Je DOIS intervenir et empêcher tout cela. Et si mon livre a perverti Flinders... il est tout à fait possible qu'il ait perverti d'autres personnes ! À cet instant précis, je ressens une horreur m'envahir tout en chassant l'amertume qui me tenaillait depuis de nombreux mois suite à mon échec commercial. Quelle chance que mon ouvrage ait touché si peu de gens ! Mais quelle horreur qu'elle puisse faire naître de telles vocations ! Je n'y avais pas du tout réfléchis à l'époque. À moins que si... mais que j'ai été trop cupide et fier pour le prendre en compte. La honte me submerge et je deviens livide.
 +
 +"//Stephen ? Stephen !// Une fois n'est pas coutume, c'est la voix de Marco qui me tire de mes pensées destructrices.\\
 +-// Quoi ?// réponds-je acerbe.\\
 +-// Est-ce que ça va ? Tu m'as l'air tout pâle.//\\
 +-// Oui, oui, ça va...// et je murmure ensuite pour moi-même :// je sais ce que je dois faire à présent...//\\
 +-// D'accord, tant mieux alors. Est-ce que tu as vu ça ? Ça ne ressemble pas à un des dessins qu'il y avait sur une des feuilles que tu as fourré dans ton sac ?//"\\
 +Le "ça" en question est une suite de traits réalisés à la craie sur le plancher que nous avions vu en entrant. Maintenant que Marco a dégagé les piles de livres et de vêtements, le symbole apparaît bien plus clairement : une sorte de double cercle à l'intérieur desquels se trouvent des écritures et divers symboles. J'en reconnais quelques-uns mais ne prend pas le temps d'étudier plus en détail la chose : à l'aide d'un vêtement et de mon pied je tâche d'effacer la craie. Je sais que mon frère me regarde faire, probablement interloqué, mais je suis convaincu que je dois effacer ce dessin. Il me fait penser aux tracés ritualistes décris par Walter Corbitt et, de ce que j'en avais compris, certains ne font effet que tant qu'ils sont intacts. J'espère au fond de moi que celui-ci en fait partie.\\
 +Une fois satisfait, je souffle : "//Allons nous-en. Nous avons fait ce que nous pouvions ici. Le mieux serait de mettre le feu à l'appartement mais nous n'avons pas le temps.// En captant le regard consterné de mon frère, j'ajoute. //Il n'y en a probablement pas besoin//".
 +
 +Nous quittons donc la pièce et la refermons à clé avant de rejoindre la voiture. Fort heureusement, nous ne croisons pas la logeuse en repartant, je n'aurai pas apprécié une fouille de mon sac devenu subitement bien plus lourd.\\
 +"//On a les livres !// s'exclame victorieux Marco en se réinstallant.\\
 +-// C'était donc bien lui qui les avait//, constate Joseph devenant plus méfiant à l'égard de notre prisonnier.\\
 +-// Très bien et donc maintenant, on retourne à l'université pour les restituer et le dénoncer au doyen ? Qu'est-ce que l'on fait de lui ?// questionne Moïses Kimbrew.\\
 +-// Il nous reste une chose à régler avant. Démarre et dirige toi vers le Nord, Marco.//"\\
 +Ma suggestion interpelle et malgré les protestations de Joseph et Moïses, Marco démarre, me faisant encore suffisamment confiance. Personnellement, j'entends mon cœur battre fort contre mes tempes. Je sens que je transpire et que je suis sous tension. Ma mission est claire à présent mais elle ne me ravit pas. Je crains les conséquences mais beaucoup moins que celles de ma lâcheté. Mes poings se crispent. Je suis résolu. Je tâche de m'apaiser et de bien me concentrer sur la suite des événements.\\
 +Sans répondre pendant la première demi-heure, je me contente de donner des instructions à Marco. Ces instructions nous font sortir de la ville et nous prenons une route nationale qui suit une forêt et, surtout, un marécage.
 +
 +À un moment, alors que nous sommes entourés d'arbres, Joseph m'attrape l'épaule pour me secouer.\\
 +"//Bon, ça suffit les conneries ! Où est-ce que l'on va, Forson ?!//\\
 +-// On va régler le problème Anthony Flinders.//\\
 +-// Comment ça ?! De quoi est-ce que vous parlez ?// questionne Joseph alors que Moïses s'exclame :\\
 +-// Pardon ?!//\\
 +-// Il est hors de question de laisser Flinders repartir vivant. Il est trop dangereux.// À mon heureuse surprise, ma voix est calme et assurée à présent.\\
 +-// Vous voulez... le tuer ?!// s'étouffe Moïses.\\
 +-// Il n'y a pas d'autres solutions mais vous refusez de le comprendre.//\\
 +-// Ce n'est qu'un étudiant ! Et jusqu'à preuve du contraire, il est innocent !//\\
 +-// Tout ça//, dis-je en montrant mon sac et en sortant plusieurs manuscrits pour leur montrer,// sont des preuves plus que suffisantes. Je sais très bien à quoi vont mener ses recherches et ce qui lui sera possible de faire très bientôt s'il continue sur cette voie. J'ai déjà vu ça. J'ai déjà vu les dommages, la folie et les morts. La seule manière d'arrêter cela est de le tuer.//\\
 +-// Vous ne pourrez pas me tuer//, déclare tranquillement le concerné. Son regard est toujours amusé, son sourire narquois. Ce qui me perturbe c'est qu'il a l'air de me prendre au sérieux malgré sa déclaration. Cherche-t-il a instiller le doute dans ma pensée ?\\
 +-// C'est hors de question d'assassiner qui que ce soit de sang froid ! Parce que oui, là, il s'agit d'assassinat, professeur Forson, en avez-vous conscience ?!//\\
 +-// Il s'agit ici d'éradiquer le Mal avant qu'il ne devienne incontrôlable. Vous devriez me comprendre étant donné que vous êtes prêtre.//\\
 +-// Dieu n'a jamais favorisé le meurtre !//\\
 +-// En êtes-vous si certain ? Quoiqu'il en soit, quelle autre solution avons-nous ? Vous souhaitez le déposer à la police maintenant qu'il peut tous nous accuser de l'avoir kidnappé et menacé d'une arme ?// dis-je en pointant de nouveau mon arme sur l'étudiant des pratiques sataniques. Cela ne manque pas d'entraîner une nouvelle vague de protestation à la vue du canon.\\
 +-// Mais c'est vous qui...//\\
 +-// Vous... vous nous avez piégé, Forson !//\\
 +-// Qu'est-ce que tu as fait, Stephen...?// se lamente Marco en prenant la parole pour la première fois.\\
 +-// J'ai fait ce que je devais faire. Et ne vous inquiétez pas, si besoin, j'assumerai l'entièreté de la situation. D'autant que le seul témoin sera mort.//\\
 +-// Vous êtes devenus complètement fou, ma parole !//\\
 +-// Vraiment ? C'est ainsi que vous voyez la chose ? Vous avez un monstre en devenir juste à côté de vous et tout ce que vous voyez c'est son visage angélique ? Vous refusez de comprendre que vous avez avec vous quelque chose de pire qu'un assassin, de pire qu'un kidnappeur ! Dans quelques années, peut-être trois, peut-être dix, il deviendra incontrôlable et doté d'une puissance terrifiante ! Il aura probablement causé la mort de dizaines de personnes, je me tue à vous le dire, MAIS VOUS REFUSEZ DE LE COMPRENDRE ! Et bien soit ! Marco, arrête la voiture ici.// La voiture ralenti puis s'arrête. J'en descends avec le sac. //Faites ce que vous voulez de lui. Si dans deux heures, vous n'avez pas pris de décision, revenez me voir et je règlerai tout. Allez-y ! Trouvez donc une meilleure solution, vous avez l'air d'en avoir !// dis-je sarcastique. //Allez Marco, démarre ! Roule !//"
 +
 +Après quelques protestations, ils finissent par repartir en me laissant seul sur le bas côté. Je les regarde donc partir et m'effondre sur le sol, les jambes ne me tenant plus dès qu'ils disparaissent à un virage.\\
 +Il souriait toujours.
 +</WRAP>
 +
 +<tabbox Ch. 15>
 +<WRAP justify>
 +===== Chapitre 15 - Actes et conséquences =====
 +Sur le sol, je laisse me parcourir les tremblements que je refoulais depuis des heures. Je n'arrive pas à croire ce qu'il se passe. Walter Corbitt n'était pas la seule personne à pratiquer. N'y avait-il pas un certain Thomas aussi qui s'était échappé de prison ? Mon sang se glace. Non seulement, ils sont plus nombreux que je ne le craignais mais en plus ils font de nouveau adeptes. Pourquoi ?! Qu'est-ce qui peut bien motiver des personnes à vouloir se vouer au Mal, ainsi ?! Et dire que j'y ai participé...\\
 +Ma respiration est difficile. Mon cœur bat fort et mon esprit part dans des visions apocalyptiques. Si la tempête n'était qu'un prémisse, qui sait ce qu'il pourrait advenir dans un mois ? Dans une semaine ou même dans un jour ? Et de quoi était-ce un prémisse ? Et cette chose que le professeur Leiter a libéré... De quoi s'agit-il ? Comment s'en débarrasser...?\\
 +Mon regard dévie vers mon sac contenant les fameux livres à l'origine de cette créature mortelle. J'en sors un et observe la couverture. Je le retourne entre mes mains et au moment où je manque de céder à la tentation de l'ouvrir, je le lance sans ménagement dans le sac. J'ai une folle envie de m'en débarrasser, de les cramer mais je crains que la seule façon de conjurer ce monstre se trouve dans ces pages.\\
 +Je soupire de résignation mais ce nouvel objectif me revigore étrangement. J'ai peut-être fait une grossière erreur en écrivant mon livre mais je peux encore essayer de réparer des choses.
 +
 +Je me redresse lentement.\\
 +D'abord et ça ne fait aucun doute, je vais devoir régler le problème Anthony Flinders. Une balle dans la tête ne suffira peut-être pas. L'immolation par le feu peut-être... J'observe les alentours puis ma montre avant de me diriger dans la forêt puisqu'il me reste un peu de temps. Il me semble qu'il y a un marécage non loin, j'aimerai bien le trouver. Ce sera l'un des meilleurs moyen de faire disparaître le corps. Ainsi, même s'il ... je déglutis de malaise à cette idée. Même s'il revient à la vie, il ne pourra pas s'échapper. Avec un peu de chance.
 +
 +Il ne me faut pas plus de dix minutes pour découvrir un endroit qui conviendrait.\\
 +Je reviens ensuite sur mes pas afin d'être sûr de ne pas rater le retour de Marco, car oui, je suis convaincu qu'ils ne trouveront aucune autre solution étant donné qu'il n'y en a aucune. Je compte sur le fait qu'à trois ils devraient ne pas prendre de décisions stupides. Bien que je n'y crois guère en mon fond intérieur, je préfère me focaliser sur cette idée et sur la suite.\\
 +Suite qui est claire : il me faudra trouver un moyen de révoquer cette créature qui hante les miroirs et l'université. Ce qui me demandera probablement des insomnies de lecture, une fois encore. Et vu qu'il n'est pas impossible que je sois recherché par la police, il me faudra un endroit calme et peu fréquenté... Et loin de Miskatonic. Oui... c'est encore une nouvelle vie qui va s'offrir à moi. Mais ai-je vraiment le choix ?
 +
 +Les minutes passent, mes pensées et résolutions se précisent. Un plan commence à se mettre en place dans ma tête.\\
 +Les tremblements ont cessé. Ma démarche s'est quelque peu raidie. Mon cœur et ma respiration se sont apaisés.\\
 +Je me sens prêt.
 +
 +Moins de deux heures après leur départ, j'entends puis je vois la voiture de mon frère se rapprocher de moi. Elle s'arrête sur le bas-côté alors que je plisse les yeux pour essayer de déterminer si Flinders est toujours avec eux. Je m'approche pour le moment de vérité. Il est bien là ! Toujours entre l'antiquaire Moïses Kimbrew et le jeune prêtre Joseph Baker. Il me suit du regard, je le sens.\\
 +Alors que je contourne la voiture à l'arrêt pour m'approcher de la portière de Marco, celui-ci baisse la vitre.\\
 +"//Bien, je vois que vous avez enfin pris la bonne décision.//\\
 +-// Non, pas du tout, professeur Forson ! Nous n'avons pris aucune décision !// s'exclame avec véhémence Moïses, appuyé par un hochement de tête de Joseph et par un élargissement du sourire de Flinders.\\
 +-// Pourtant je vous avais laissé du temps pour réfléchir. Vous aviez même la possibilité de partir avec lui, néanmoins vous êtes revenu. Pourquoi ?//\\
 +-// Parce qu'il est hors de question de commettre un meurtre et que vous nous avez mis dans une belle panade, Forson ! À cause de vous, nous sommes complices d'un kidnapping ! Il est hors de question que ça aille plus loin !//\\
 +-// Quel est ton avis, Marco ?// demandé-je en regardant mon frère.\\
 +-// J'ai envie de te croire, Stephen. J'ai vraiment envie de te croire mais... je ne peux pas commettre un meurtre. C'est ... surréaliste. Ce n'est qu'un étudiant et nous n'avons aucune preuve. Il faudrait d'abord en trouver plus et...//\\
 +-// Nous n'avons pas ce temps//, le coupé-je. //Il y a une autre créature qui menace l'université toute entière, si ce n'est plus. Chaque minute perdue, chaque heure perdue à discuter c'est autant de victimes potentielles qui ne seront pas évitées à cause de votre lâcheté à tous les trois.//\\
 +-// Mais enfin Stephen... on parle de meurtre là, d'un meurtre de sang-froid qui plus est. Je ne te reconnais pas. Stephen, s'il te plaît. Reviens à la raison et aide nous à trouver une solution.//\\
 +-// Tu as raison, Marco. Je vais vous aider et tout régler.//"
 +
 +Le détective n'a cependant pas le temps de soupirer de soulagement que j'ouvre la portière arrière puis je braque mon arme sur la tête de Joseph Baker en retirant la sécurité d'une main ferme.\\
 +"//Stephen ! Mais qu'est-ce que tu fais ?!//\\
 +-// Professeur Forson, vous avez perdu la tête ?!// balbutie le jeune prêtre.\\
 +-// M. Baker. Sortez de la voiture. Lentement. Je n'hésiterai aucunement à vous tirer dessus s'il le faut.//\\
 +-// Mais enfin...//\\
 +-// MAINTENANT !//"\\
 +Visiblement sous le choc, le vingtenaire sort de la voiture en tremblotant. Je désigne du menton la route qui mène à Arkham.\\
 +"//Allez, rentrez. Vous pourrez dire à la police que je vous ai menacé d'une arme et forcé à faire un kidnapping. Toute la faute reposera sur moi et vous serez blanchis. Ou bien dites la vérité si vous le souhaitez, c'est votre vie après tout. Mais maintenant dégagez !//"\\
 +Le jeune homme me regarde et commence à reculer lentement puis plus rapidement. Sous le choc, il n'ajoute rien.\\
 +
 +Une fois à bonne distance, j'en profite pour me pencher dans la voiture et menacer sans faillir les deux autres personnes occupant la banquette arrière.
 +"//M. Kimbrew. Veuillez sortir à votre tour, refermer la portière puis suivre M. Baker. Cette affaire ne vous concerne plus.//\\
 +-// Voyons, Forson, vous ne pouvez pas être sérieux...//\\
 +-// Sortez Kimbrew ! Ou je vous tue sans plus de sommation.//"\\
 +Tout en continuant de maugréer, il sort de la voiture lentement, referme la porte de la voiture comme demandé.\\
 +"//Qu'est-ce vous allez faire de lui, Forson ? Vous n'allez quand même pas le tuer ?//\\
 +-// Cette affaire ne vous concerne plus et l'ignorance jouera en votre faveur. Maintenant partez.//"\\
 +Tout en me traitant de fou furieux, il commence à s'éloigner et, malgré ses regards noirs, sous la menace de mon arme, il s'éloigne.
 +
 +Je reviens alors à la vitre de mon frère, recule d'un pas puis, avec un sourire triste, je le braque.\\
 +"//Toi aussi, mon frère. Je n'aurai jamais dû t'emmener dans cette histoire, j'en suis désolé.//\\
 +-// Stephen...//\\
 +-// Laisse les clés et sors sans faire d'histoire. Tu ne me reconnais peut-être plus mais je t'assure que je tirerai si tu ne me laisses pas le choix. Et tu sais que ça m'affecterait, même si ça ne se voit pas actuellement.// Alors qu'il sort lentement, je continue de lui parler, comme pour essayer de lui faire comprendre mes raisons :// Je fais tout cela pour tout le monde, pour toi, pour l'université, pour Arkham, pour les innocents... Il faut que quelqu'un le fasse. Il le faut. Et j'ai compris que ça ne pouvait qu'être moi. Il est hors de question que je laisse le passé se reproduire.//"\\
 +Dès qu'il se retrouve à l'extérieur, je lui fais signe de suivre les autres. Il hésite mais finit par se résigner. Un débordement intérieur de soulagement me submerge, je tâche cependant de n'en laisser rien paraître. Ils sont partis sans que je n'ai pas eu à tirer. Quel soulagement, mon dieu !\\
 +C'était un pari risqué mais c'était surtout la meilleure solution pour leur éviter les ennuis et régler le problème Flinders à la fois. Je tiens la bride à mon enthousiasme.
 +
 +Dès que les trois hommes sont à plus d'une centaine de mètres, je tourne les clés puis démarre en veillant à tenir en joue tant bien que mal Flinders qui n'a même pas cherché à s'échapper. Il a les yeux écarquillés et un sourire diabolique sur le visage, comme s'il se réjouissait de ce qui allait suivre.\\
 +Refusant de me laisser déstabilisé, je fais demi-tour pour m'éloigner d'Arkham. J'avance à une allure prudente et me satisfait de voir disparaître dans un virage les trois silhouettes de mes anciens comparses. Je suis seul à présent. Seul. Avec le Mal.
 +
 +Je roule une petite demi-heure avant de me garer de nouveau sur le bas-côté.\\
 +Je sors de la voiture et ouvre la portière arrière en menaçant de nouveau Flinders de mon revolver.\\
 +"//Sors sans faire d'histoire !//"\\
 +Il s'exécute lentement, sans gestes brusques. Une fois devant moi et sans cesser de me sourire, il me répète simplement : "//Vous ne pourrez pas me tuer, Stephen F. Forson.//"\\
 +Préférant ne pas répondre, je récupère dans le coffre une lampe à huile ainsi que les quelques cordes qui trainent là puis je verrouille la voiture en espérant qu'elle n'attirera pas trop l'attention. Je fais ensuite avancer l'étudiant démoniaque devant moi pour que l'on s'enfonce dans la forêt avant qu'une autre voiture ne nous remarque.\\
 +Nous avançons un petit quart d'heure avant que je n'estime le lieu adéquat.\\
 +"//Flinders ! C'est ta dernière chance de faire le bien : dis-moi comment arrêter la créature qui a été libéré par Leiter.//\\
 +-// Je n'ai rien à y gagner et je préfère donc m'abstenir, professeur,// dit-il avec un tel calme que j'en ai des frissons dans le dos.\\
 +-// N'as-tu donc aucune conscience ? Même au bord de la mort ?//\\
 +-// Ah oui... la mort... C'est un drôle de concept, n'est-ce pas ? Allons, ne perdons pas plus de temps : tirez ! Vous en mourrez d'envie, n'est-ce pas ? Eh bien alors ? Ce n'est pas le moment de faillir, professeur. Tirez ! Je ne bouge pas d'un pouce, c'est promis. Qu'est-ce qui vous retient ? Serait-ce la peur ? Non... vous n'allez quand même pas échoué si près du but, pas après vos grands discours, pas après avoir menacé votre propre frère. Quelle tristesse ce ser...//"\\
 +PAN !\\
 +La déflagration fait reculer ma main, la balle traverse le crâne de l'arrogant et le reste de son corps s'effondre comme une poupée de chiffon.
  
 +Ma main tremble. Je vois du sang s'écouler de la tête et... je vomis à cette vision.\\
 +J'ai tué.\\
 +Certes un démon en devenir mais il était encore humain. J'ai tué...\\
 +Je n'ai cependant pas le temps de me lamenter, il faut que je me dépêche ! Je déchire tous les livres de Flinders en commençant pas le mien puis en fait un gros tas. J'y ajoute tous ses feuillets pour ne conserver que les ouvrages à l'origine de la mort de Leiter. J'arrose le corps du cadavre de l'huile contenu dans la lampe puis craque une allumette sur le tout.\\
 +Le feu prend rapidement, j'y ajoute des branches sèches pour veiller à ce que le cadavre brûle du mieux possible.
  
- +Après une vingtaine de minutes, il ne reste plus que de la fumée, des cendres et le corps à moitié calciné. J'ai surveillé chaque instant, la main crispée sur mon arme à m'en faire blanchir les phalanges, que le cadavre ne se relève pas. Bien qu'il n'ait pas bougé, je ne suis pas pleinement satisfait. J'entame alors la troisième et dernière étape visant à régler le problème Flinders : je le tire dans le marécage jusqu'à avoir de l'eau vaseuse au niveau des épaules puis l'attache aux plus grosses pierres que je peux trouver afin que son corps reste au fond de l'étang bourbeux.\\ 
 +Je m'en extrais prudemment puis veille encore deux heures, à guetter le moindre signe. La moindre bulle. Le moindre clapotis.\\ 
 +Mais rien ne se passe.
  
 +Je finis par retourner jusqu'à la voiture, complètement trempé et sale. Je démarre puis m'éloigne de ce lieu et d'Arkham. De l'université, de ma boutique et de mon frère...\\
 +Je suis dans un état second. À la fois soulagé, parce que j'ai l'impression d'avoir réglé définitivement la menace que représentait le jeune Anthony Flinders, mais aussi terrifié par ce que je suis à présent capable de faire. Où est donc passé le professeur froussard qui laissait les autres agir et prendre les risques ?\\
 +Qui suis-je devenu...?
 </WRAP> </WRAP>
 </tabbox> </tabbox>
Ligne 809: Ligne 960:
  
 <form> <form>
-Action mail elanndelh@klaewyss.fr+Action mail elanndelh@protonmail.com
 Thanks "Merci d'avoir lu et pour ce retour ! Celui-ci a bien été transmis à l'auteur" Thanks "Merci d'avoir lu et pour ce retour ! Celui-ci a bien été transmis à l'auteur"
  
jdr/cr/elanndelh/cthulhu_3.1680952911.txt.gz · Dernière modification : 2023/04/08 13:21 de elanndelh