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Ce récit divulgâche le scénario “Les lettres de sang” du jeu de rôles L'Appel de Cthulhu.
Ce récit survient après celui du premier scénario, le lire peut vous aider à mieux apprécier celui-ci mais il n'est pas forcément nécessaire. Les deux scénarios sont indépendants mais partagés par le même personnage.
Système et univers : L'Appel de Cthulhu classique 1920
MJ : Naeleh
Personnage interprété : Stephen F. Forson, professeur, 57 ans.
Accompagné par :
- Marco W. Forson, détective privé, frère de Stephen, 54 ans
- Joseph Baker, membre du clergé, 25 ans
- Moïses Kimbrew, antiquaire, 36 ans
Date : 11 Novembre 2022
Durée de jeu : 5h
Le livre que j'ai sorti à propos de mon expérience “Corbitt” n'a finalement pas du tout eu le succès escompté. Pire ! j'y ai laissé de nombreuses plumes.
Mais revenons à la base, il y a trois ans, j'ai vécu une expérience très singulière. J'avais été convié à enquêter sur une maison pour savoir si elle était louable de nouveau ou non. J'étais accompagné par une médecine, un antiquaire et un journaliste dans cette affaire. L'homme qui nous avait engagé avait de l'argent (et de l'alcool).
Dès le premier jour, dans cette fameuse maison, j'avais senti que quelque chose n'était pas normal, qu'il y avait quelque chose ou quelqu'un de dangereux. Après quelques jours d'enquête, il s'est avéré que l'ancien propriétaire était responsable de tout ça. D'une façon… pas du tout rationnelle. Magique, ai-je envie de dire mais “occulte” est le terme qui convient. En effet, il avait pratiqué un rituel complexe de magie noire qui l'avait rendu en quelque sorte immortel tout en lui conférant des pouvoirs étranges comme le fait de pouvoir déplacer des objets ou de faire apparaître du sang de nulle part.
Ce fut une expérience très difficile pour moi et seule Abigail crût en moi et parvint à me faire prendre conscience d'une chose importante : il était de mon destin de résoudre ce mystère et de purifier cette maison. Je n'avais pas passé toutes ces années à dénicher des textes et vieilles légendes mystérieuses pour rien, tout cela était destiné à me donner les outils pour résoudre cette situation. Et je l'ai fait ! Avec l'aide de mes compagnons, certes, avec beaucoup d'appréhensions et d'angoisses, certes aussi, mais je l'ai fait. Nous avons détruit cette… créature et la maison est redevenue plus… normale, si je puis dire.
J'en fut très satisfait sur le moment. J'avais été payé pour ma tâche et surtout, j'avais enfin eu la preuve que toutes les histoires occultes que j'avais étudié pendant des années avaient un fond de vérité. J'ai donc naturellement pensé qu'il fallait en faire un livre et raconter toute mon histoire, étayé de preuves et d'astuces importantes. J'étais certain de devenir riche et célèbre pour avoir lever le voile sur un tel mystère. C'était quand même quelque chose !
Et pourtant…
À mesure que je rédigeais et que je récoltais des avis de mes collègues, j'ai senti les difficultés s'accumuler. D'abord ils crûrent à une blague. Puis ils comprirent et cherchèrent à me dissuader de continuer mon écriture. J'avais pourtant toutes les preuves, j'avais tout vécu ! Ils me firent comprendre que cet ouvrage risquait de nuire à ma carrière, quelle bande de jaloux !
Et pourtant…
Ils avaient raison. J'ai passé tellement d'heures sur cet ouvrage, à faire des recherches supplémentaires avec l'aide d'Abigail que j'ai dû annuler quelques cours. Bon… peut-être plus que quelques-uns car j'avais parfois perdu la notion du temps. Cela fût mal perçu et faillit me coûter mon poste à l'université de Boston.
Lorsqu'il fallût faire éditer mon livre, je pensais que ce serait facile avec un sujet si original, criant de vérité et novateur. Il s'est pourtant avéré que personne ne voulait éditer un tel ouvrage… J'ai bataillé pendant des semaines pour ne tirer qu'une première édition à une centaine d'ouvrage chez un éditeur que je ne connaissais même pas avant mes recherches tant il est risible dans le monde de l'édition. Seulement une centaine de livres. Je n'ai d'ailleurs fait qu'une séance de dédicace dans la boutique d'Abigail où il n'y eut que… deux personnes, je crois. Risible.
C'est aussi à ce moment-ci que j'ai définitivement perdu mon poste et une grande partie de ma crédibilité auprès de mes pairs. Le doyen et plusieurs universitaires lurent mon livre (probablement pas jusqu'à la fin) et décidèrent qu'il était temps pour moi de “m'orienter vers un autre poste plus en adéquation avec mes recherches”. Une jolie formule pour me demander de prendre la porte.
La plupart de mes contacts cessèrent de me répondre, mes étudiants choisirent d'autres maîtres de thèse, bref… j'ai été mis au rebut.
Après quelques mois à brouiller du noir, j'ai finalement réussi à obtenir un poste de quelques heures par semaine au Miskatonic, la prestigieuse université d'Arkham, dans le but de poursuivre mes recherches et donner des cours à propos de l'évolution des croyances occultes au cours de l'Histoire. C'est un travail qui me convenait tout à fait. Qui me convient toujours d'ailleurs, puisque je l’exerce encore, mais qui n'est pas suffisant pour vivre. J'ai donc dû ouvrir ma propre échoppe ésotérique dans laquelle je chine de vieux ouvrages et objets et que je revends après m'être assuré qu'ils n'apportent rien de mauvais au monde. Après tout : ma destinée est de protéger le monde du mal. D'un autre Corbitt. Car oui, je suis certain qu'il y en a d'autres. Plein d'autres et probablement des pires ! C'est ce que m'ont appris mes mois de recherche et d'étude.
S'il y a bien une chose certaine, c'est que je n'ai fait que voir la surface du mal.
Et c'est après des mois, des années, à supporter les quolibets de mes collègues, le mépris de mes étudiants et de mes pairs, à éplucher jour et nuit des ouvrages aussi peu édités que le mien qu'enfin mon instant de vérité se matérialise en une lettre du doyen de Miskatonic qui m'est spécifiquement adressée. Enfin !
Nous sommes le 30 Septembre 1923.
1er Octobre 1923
Nous sommes le lendemain de cette fameuse lettre du doyen de Miskatonic, Bryce Fallon. Je dois reconnaître qu'elle m'a surpris. Très agréablement surpris. La lettre précédente que j'avais reçu de sa part était plutôt chargée de remontrances déplacées à l'égard de mon attitude envers mes collègues. Ce n'est qu'ineptie quand on sait comment tous me regardent et me traitent avec supériorité ici. Quoiqu'il en soit, cette lettre-ci me conviait, une nouvelle fois, dans son bureau mais avec un ton clairement… différent. Je n'ai distingué aucun signe d'agacement, même subtil, mais plutôt des traces de… requête. Cela m'a intrigué. Le fait qu'elle m'informe de leur transmettre le contact de mon frère en plus m'a convaincu que quelque chose d'étrange se passait. Or, je suis l'homme des situations étranges.
Quant à lui, M. Fallon est un homme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux blancs coupés courts, aux lunettes rondes et à la droiture exemplaire. Au sein de l'université, et du monde universitaire américain, il est indéniablement reconnu comme quelqu'un de droit et d'intègre. À son crédit, c'est d'ailleurs lui qui m'a offert l'opportunité de travailler de nouveau en université et sur des sujets qui m'intéressent. Il ne serait pas impossible qu'il ait ouvert ce poste sur l'étude du mysticisme et de l'occulte à travers l'Histoire, sur mesure pour moi. Je suppose qu'il y avait de la demande mais… tout de même.
Quoiqu'il en soit, le rendez-vous était à 9h et je suis légèrement en retard.
Les aiguilles de ma montre indiquent 9h45 quand j'arrive dans le bureau de sa secrétaire. Honnêtement, les bus et les transports en règle générale sont fichtrement capricieux parfois. Je n'y suis pour rien, à l'exception, peut-être, d'un petit retard pris lorsque j'ai tâché malgré moi ma tenue du jour avec du café. Et peut-être aussi quand j'ai pris le mauvais bus lors d'une correspondance… Ils se ressemblent tous, que diable !
Mademoiselle Pickner a un petit sourire en me voyant. Pourquoi donc et que signifie-t-il ? l'instant suivant, il a disparu. Je n'ai pourtant pas rêvé, si ? Qu'est-ce qu'ils ont tous à se moquer de moi, franchement ?! S'ils savaient… Que diable, s'ils savaient que je ne fais que dire la vérité, ils cesseraient de me ridiculiser ! C'est agaçant à la fin.
Il est cependant aussi possible que ce ne soit qu'un jeu d'ombre sur son visage et je ne sois un peu trop paranoïaque… Ça m'arrive parfois. Bon. À raison, certes. Mais admettons.
“Bonjour mademoiselle Pickner, j'ai rendez-vous avec le doyen !
- Bonjour professeur Forson. En effet, vous avez rendez-vous avec le doyen Fallon, il ne devrait pas tarder. Vous pouvez vous installer ici en attendant.
- Excusez-moi, qu'avez-vous dit ? En attendant ? Il est 9h passées pourtant, je suis certain qu'il m'attend.
- Professeur Forson, votre rendez-vous est indiqué pour 10h.”
10h ? Je regarde ma montre : 9h47. 10h…? Je suis pourtant certain d'avoir lu “9h” écrit noir sur blanc dans la missive. Qu'est-ce que cela signifie ? Je suis perplexe et je sors la lettre de ma besace pour la tendre à la secrétaire.
“Miss Pickner, vous voyez bien que c'est écrit 9h, le 1er Octobre de cette année. Vous savez pourtant lire, il me semble.
- Tout à fait, professeur. - Je sens que son ton devient plus sec. - Mais votre réputation vous précède et c'est pourquoi nous avons donné un horaire avancé d'une heure afin que vous puissiez être à l'heure pour une fois.
- Pour une fois ? explosé-je. Mais enfin, c'est ridicule ! Certes, la dernière fois, j'avais un peu de retard mais ce…
- Il s'agit d'une heure et vingt minutes, me coupe-t-elle avec insolence.
- Je vous ai déjà dit qu'il y avait eu un problème avec le conducteur de bus !
- Oui, oui. Toujours de bonnes excuses. Toujours est-il qu'aujourd'hui, vous êtes à l'heure. En avance même, n'est-ce pas fantastique ?
- Mais pas du tout ! Je déteste attendre !
- Ainsi, vous savez ce que cela fait de vous attendre.
- Non mais je ne vous permets pas de…!!!
- Stephen ? Que se passe-t-il donc ?”
La voix de mon frère, Marco W. Forson, me coupe dans mon élan. J'avais presque oublié que je l'avais convié à nous rejoindre dans cette enquête.
Marco a 54 ans, c'est un homme imberbe mais toujours vêtu de son imperméable sombre et de son chapeau et ce, même lorsqu'il ne pleut pas. Mon avis est que c'est pour marquer les esprits et rappeler à tout le monde qu'il est détective privé. C'est d'ailleurs pour sa profession que le doyen m'a demandé de le convier. Il semblerait que ses talents soient requis ici mais je n'en sais pas plus pour le moment.
Je reviens donc à mon indignation.
“Ah ! Marco ! Toi aussi on t'a induit en erreur et donné une mauvaise heure ? Figure toi que le rendez-vous était à 10h !
- Je sais bien. C'est l'heure que l'on m'a indiqué, je suis simplement en avance.
- Mais… enfin ! C'est incroyable ça ! Je suis donc le seul que l'on a induit en erreur pour un malheur retard ?
- Hum… Stephen. Tu es quand même souvent en retard, tu ne peux pas leur en vouloir pour ça. Et puis ça va bientôt être l'heure de toute façon.
- Moi ? Souvent ? Mais je…“
Je m'interromps en voyant un homme bien habillé, coiffé de près et aux petites lunettes faire son apparition dans le bureau.
- Bonjour messieurs, madame. Je me prénomme Joseph Baker et j'ai rendez-vous avec le doyen Fallon.
- Bonjour monsieur… père ? Baker. Le doyen ne devrait pas tarder, vous pouvez patienter avec ces messieurs qui ont eux aussi rendez-vous avec M. Fallon.“
Pendant que Miss Pickner accueille le nouveau venu, je le dévisage de pied en cap. Il m'a l'air bien jeune, à peine vingt ans. Ou peut-être trente. L'hésitation de la secrétaire confirme mes doutes : il semblerait que nous avons affaire à un prêtre ou en tout cas, à quelqu'un qui suit les préceptes de l'Église.
”C'est assez étonnant de faire appel à un homme de foi dans un lieu de sciences, ne trouvez-vous pas ? lancé-je, légèrement dédaigneux.
- Peut-être bien mais avant d'être homme de Dieu, j'étais étudiant ici même. J'étudiais l'Histoire, notamment avec le professeur Willonson.
- Ah ! Vous n'avez pas dû apprendre grand chose avec lui, je présume.
- Mais enfin, si. Pourquoi dites-vous cela ?
- Pour rien, mon garçon. Quoiqu'il en soit, je comprends que vous ayez choisi de changer de voie.
- Mais cela n'a rien à voir avec le professeur Willonson, voyons.
- Oui, oui, certainement.“
L'ancien élève n'a pas le temps d'argumenter qu'un nouvel homme franchit le seuil de la porte. Et, à mon grand dam, il ne s'agit toujours pas du doyen. Il est 9h57 pourtant !
Le nouvel arrivant, d'une bonne trentaine d'année, voire quarantaine, est accueilli avec chaleur par la secrétaire. Il n'est pourtant certainement pas connu. Le fait qu'il se présente comme “ami du doyen Fallon” explique tout…
Lorsque mon frère l'interroge sur sa profession, celui-ci répond qu'il est antiquaire. Tiens donc. Son nom, Moïses Kimbrew, me revient et c'est effectivement un nom que j'ai déjà lu ou entendu lorsque je fais mes recherches. Je ne crois pas qu'il ait beaucoup d'influence ni une grande collection, il est certain que je serai certainement déjà allé le voir sinon.
Ses habits et son chapeau melon laissent penser qu'il vit bien mieux que moi de la vente de ses œuvres. Très certainement parce qu'il s'abaisse à vendre tout et n'importe quelle vieillerie à n'importe quel consumériste toqué. Ces antiquaires m'horripilent et n'ont souvent rien d'intéressant à offrir. Je me demande pourquoi le doyen a fait appel à lui alors qu'il m'avait déjà moi. Peut-être simplement parce qu'ils sont amis. Peut-être.
L'homme d'apparence quelconque me salue et je lui serre la main, par politesse. Plutôt que de reconnaître ma personne et mon travail, il fait simplement une remarque sur le fait que je partage le même patronyme que Marco. Il m'est difficile de savoir s'il s'agit d'une bonne chose parce que ça signifie que je ne subirais pas les moqueries sempiternelles de mes pairs ou une mauvaise chose que je sois aussi peu connu dans le milieu.
Ma réflexion s'interrompt avant sa conclusion quand un homme relativement grand et se tenant bien droit entre dans la pièce à son tour.
”Messieurs, si vous voulez bien me suivre dans mon bureau. Je suis le doyen Bryce Fallon. Je suis heureux de voir que vous êtes tous arrivés, l'heure presse.“
Il est 10h pile.
Je suis certain que la pique de l'ancien professeur de mathématiques concernant l'heure s'adressait spécifiquement à moi. J'ai à peine le temps de m'insurger que la main de Marco s'appose sur mon épaule. Je le regarde et laisse retomber ma colère.
Nous suivons donc M. Fallon dans son bureau.
Sans m'encombrer de plus de protocole, je m'assieds sur l'une des chaises disponibles puis patiente le temps que la porte se referme sur nous et que le doyen daigne prendre la parole.
”Tout d'abord, je remercie chacun d'entre vous d'être venu. J'ai conscience que le délai était court mais il s'agit ici d'une affaire urgente et… je pense que vous êtes les personnes les plus à même d'aider l'université. Avant de commencer, je vous demande de garder tout ce qui se dira dans ce bureau secret, est-ce envisageable ? La réputation de l'université est en jeu.“
Après quelques secondes à enregistrer ses mots puis à peser le pour et le contre, j'acquiesce simplement.
Je suppose que les autres hommes ont fait de même puisque l'homme aux cheveux blancs reprend :
”Sans tergiverser plus longtemps, voici les faits. Le premier est que nous avons retrouvé mort le professeur Charles Leiter, dans son bureau. - Allons bon, voici que ce vieil imbécile a cassé sa pipe. Est-ce étonnant ? Est-ce que cela m'attriste ? J'en doute. - C'est son assistante et le gardien qui l'ont trouvé hier matin. Ce qui est étrange c'est qu'il était seul dans son bureau et que celui-ci était fermé à clé de l'intérieur.
- C'est effectivement atypique comme situation, déclare Marco. Est-ce qu'il y aurait d'autres accès, une fenêtre, quelque chose ?
- Effectivement, il y a une fenêtre mais elle donne sur la cour et le bureau est situé au premier étage. Il aurait donc fallu une échelle pour l'atteindre et ceci ne serait pas passer inaperçu. Sans compter que la fenêtre ne semble pas avoir été forcé, j'ai déjà vérifié.
- Hum… Pourriez-vous nous donner quelque détails supplémentaires ?, demande le dénommé Moïses.
- Je n'en ai pas beaucoup plus à vous apprendre, hélas. En revanche, son assistante, mademoiselle Court et le gardien William pourraient vous en dire plus. A priori, la porte était fermée quand mademoiselle Court a essayé d'entrer. C'est pourquoi elle a fait appel au gardien pour lui ouvrir. Lorsqu'ils se sont rendus compte de la situation, j'ai été prévenu. Officiellement, le professeur Leiter est mort d'une crise cardiaque.
- Et officieusement ? demandé-je, curieux.
- Officieusement nous n'en savons encore rien. Le docteur Wheatcroft a pris en charge le corps et ne devrait pas tarder à l’ausculter. Je présume que nous en apprendrons plus à ce moment. Cependant, ses premières conclusions ne coïncidaient pas avec la thèse de l'arrêt cardiaque.
- Je vois.“
Cette affaire commence à m'intriguer, quelque chose me dit qu'il y a autre chose. J'ai du mal à mettre le doigt dessus mais j'ai un mauvais pressentiment. Je sors donc mon carnet et commence à prendre des notes à mesure que les informations affluent.
”Vous évoquiez qu'il y aurait autre chose ? questionne avec pertinence le jeune prêtre.
- En effet et là-dessus il est impératif que cette affaire ne s'ébruite pas. Il y a quelques mois, notre université a reçu une donation inestimable de documents, de la famille Hobbhouse, afin que nous puissions les archiver. C'est le professeur Leiter qui en a eu la charge et qui s'en est occupé avec l'aide de son assistante. Ils devaient en faire l'inventaire. Le soucis… c'est qu'une partie des documents a disparu.
- Vous pensez donc à un vol ? Pourquoi ne pas faire appel à la police ? questionne mon frère, très terre-à-terre.
- Il ne faut surtout pas rendre publique cette affaire ! Nous souhaitons de la discrétion et c'est pourquoi nous n'avons pas fait appel à la police.
- Pensez-vous que les deux affaires puissent être liées ? Qu'il pourrait s'agir d'un meurtre ? demande l'antiquaire, visiblement intéressé autant que moi par les documents mentionnés.
- Nous n'en avons aucune idée. Je n'en ai aucune idée. Ce qui est certain c'est qu'il est impératif de retrouver ces documents et d'étouffer rapidement l'affaire. Si cela venait à se savoir, la réputation de notre université serait durement impactée. J'imagine que vous comprenez…“
Cette affaire m'intrigue de plus en plus. Un cadavre dans une pièce fermée, des documents anciens qui disparaissent. Quelques frissons parcourent mon échine, comme s'il s'agissait exactement de ce que je recherche depuis trois ans. Je me sens fébrile mais tâche de ne pas me laisser déconcentrer alors que la discussion continue.
”De quelles sortes de documents parlons-nous ?
- Il s'agit principalement d'écrits, de procès pour sorcellerie, de carnets mais aussi d’œuvres d'art et de journaux.
- C'est assez vaste, en effet.“
Lorsque j'entends “Procès pour sorcellerie”, je me raidis sur ma chaise. Mon intuition devient plus palpable. Il s'agit de quelque chose d'extrêmement sérieux, j'en suis sûr. J'entends une respiration courte, signe d'intérêt, provenir de derrière moi. Tournant légèrement la tête, je reconnais l'ancien étudiant versé dans la prêtrise. J'imagine que le terme ne lui a pas échappé non plus.
”Nous avons déjà fouillé chez lui avec le professeur Roach et…
- Eurk… Roach… coupé-je sans pouvoir m'en empêcher tant cet individu m’exècre.
- Qui est le professeur Roach ? demande alors Marco en me regardant, légèrement surpris de ma réaction.
- C'est un professeur d'histoire médiocre qui se croit supérieur aux autres et qui avait Leiter en horreur. Voilà un suspect tout désigné.
- Voyons, professeur Forson, n'allons pas trop vite aux conclusions. J'ai pleine confiance dans le professeur Roach qui, soit-dit en passant, est bien plus qualifié que vous le dépeignez. Bien que vous ayez une opinion assez tranchée à son propos et des démêlés avec lui, je vous prierais de faire preuve d'ouverture d'esprit pour cette enquête.
- Bien… je ne peux rien promettre mais ferai de mon mieux.
- Fort bien.
- Et donc, vous disiez que vous aviez fouillé les appartements du professeur Leiter ? relance Moïses.
- En effet, oui. Nous avons récupéré ses clés et entreprit de retrouver les documents chez lui mais il n'y avait rien. Vous pouvez aller l'inspecter aussi si vous le désirez, au cas où quelque chose nous aurait échappé. Tenez, voici ses clés.
- C'est fort probable.“
Je dis cela en récupérant le trousseau de clés sans tarder. Je ne connais pas les deux autres personnes qui vont nous accompagner et je préfère m'assurer qu'ils ne fassent pas n'importe quoi. Je doute qu'ils aient la moindre idée de ce qui nous attend… En admettant que mes craintes soient fondées.
Quoiqu'il en soit, qu'elles soient fondées ou non, je préfère ne prendre aucun risque. J'ai trop conscience de ce qui peut être et qu'il ne faut pas minimiser cela. Les paroles d'Abigaïl me reviennent à ce moment-là dans mon esprit. ”C'est ton destin.” Oui… Oui, c'est clairement ma destinée de m'occuper de ce mal. Enfin… si mal il y a. Je dois en avoir le cœur net.
Sans attendre, alors que les discussions continuent, je me redresse et les coupe en déclarant :
”Bien, voici le plan que je propose. Tout d'abord nous allons voir le corps car c'est organique et chaque instant le dégrade un peu plus. Puis nous irons observer la pièce et essayer de trouver des indices, ensuite nous interrogerons Miss Court et le gardien pour enfin finir avec la maison du professeur Leiter. Avec cela, nous devrions déjà avoir une meilleure vision du tableau global.“
Le doyen reste assis sans rien dire mais les deux inconnus questionnent quelque peu mes choix avec des arguments insipides que j'évacue d'un revers de main : ”Pourquoi pas d'abord le corps ? - Parce qu'il ne va pas bouger.“; ”Pourquoi ne pas aller voir le professeur Roach aussi ? - Parce que cette morue ne va rien nous apprendre.“; etc.
”Bien, donc c'est réglé ? Doyen, auriez-vous les clés de son bureau ? Je suppose que vous l'avez verrouillé.
-Tout à fait, les voici.“
Je les récupère aussi vite que les précédentes et sors de la pièce, concentré sur toutes les informations que l'on nous a donné. Je suppose sans douter que les autres me suivront.
Les battements de mon cœur s’accélèrent. Je me rappelle de cette maison maudite, j'ai l'impression de revivre cet épisode en un autre lieu, en un autre temps. Il faut que je sois fixé. Et vite. Je presse le pas, sans attendre.
Sans réfléchir plus à ma destination, je navigue à travers les bâtiments et les couloirs jusqu'à atteindre le bureau du docteur John Wheatcroft. J'apprécie cet homme mais il m'est difficile de dire pourquoi. Peut-être est-ce parce qu'il fait partie des rares individus à ne pas me juger.
Je m'arrête devant la porte et prend brièvement le temps de me retourner afin de vérifier que je n'ai semé personne sur le chemin. Marco est présent, le jeune et l'antiquaire aussi. Bien. Je toque donc.
Des pas lourds précédés d'un ”J'arrive.“ se font entendre avant que la porte ne s'ouvre sur un homme d'une quarantaine bien entamée. Ses cheveux sont peignés de façon à mettre en évidence une raie impeccable qui va de pair avec sa moustache soignée. Son regard calme se pose sur nous et il semble mettre quelques secondes à me reconnaître.
”Oh. Professeur Forson. Quel plaisir me vaut donc votre présence en ces lieux ? À vous et vos amis ?“
Sa voix est lente et chaque mot arrive l'un après l'autre comme murement réfléchit. Ce flegme contraste grandement avec mon impatience et je me souviens que ce n'est clairement pas pour son débit vocal que je l'apprécie. Au contraire.
”Docteur Wheatcroft, voici Marco Forson, mon frère, ainsi que deux autres personnes envoyées par le doyen.
- Ah oui ?
- Je suis Moïses Kimbrew, enchanté docteur, coupe l'antiquaire, visiblement pressé de se présenter en tendant sa main.
- Et je suis Joseph Baker, enchanté docteur Wheatcroft, s'empresse à son tour de signaler le jeune prêtre alors que John tend seulement la main pour serrer celle de Kimbrew.
- Oui, bon, ça va aller pour les présentations, dis-je en empêchant un deuxième serrage de main. Nous sommes là pour une affaire pressante : Leiter. Avez-vous eu le temps d'ausculter le corps ?
- Oh et bien justement… non. Je n'allais pas tarder à aller le voir, souhaitez-vous m'y accompagner ? Je sais que ça peut sembler un peu glauque mais après tout, ce n'est qu'un corps rigidifié par la mort. Il n'y a rien d'effrayant, sauf peut-être son visage. Non, je vous assure, ça aurait pu être bien pire. Je pense notamment à Hellenston Whitebridge, ah oui, c'était quelque chose, vous auriez vu cela…
- Docteur, si nous pouvions en discuter en chemin, cela nous ferait gagner un temps précieux, dis-je en serrant des dents.
- Oh oui, bien sûr, bien sûr. Laissez moi simplement le temps de retrouver mes clés.
- Prenez votre temps“, dis-je dans l'illusion de reprendre le contrôle sur ce gouffre à minutes.
Il est important d'être patient avec ce docteur moustachu car, comme tout le monde le sait sur ce campus, ce n'est pas un pressé. Loin s'en faut. Et quoique l'on fasse, que l'on s'énerve ou non, il ne se pressera jamais. Rompu à cet exercice, je tâche de réfréner mon envie de le bousculer en le laissant raconter des inepties tout en cherchant ses clés.
” Je les avais laissé là, sur le bureau. Allons bon, fichtre, où sont-elles donc ? J'étais certain que… non, pas ici. Hummm… Oh ! Elles sont là, quelle tête en l'air je suis parfois. Bon, allons-y messieurs. Je vous suis.
- Euhm… Nous vous suivons plutôt, intervient Joseph.
- Comme vous voulez, suivez-moi donc c'est par ici. Le chemin de la morgue n'est pas très loin. Vous savez, durant mes années de médecines, je devais…“
Le trajet se révèle parsemé de commentaires sur la vie sans intérêt de Wheatcroft, de ses années de médecines à son passé de médecin légiste, le tout prononcé avec un débit particulièrement agaçant de lenteurs.
Nous parvenons, après quelques interminables minutes, à atteindre les escaliers qui mènent à la morgue. Dès les premières marches, l'odeur nous prend au nez et seul John Wheatcroft y semble insensible. Cette odeur des produits antiseptiques mêlée à l'humidité ambiante est déplaisante. La fraîcheur de l'air hérisse les poils sous ma chemise. La mort nous environne et nous nous en rapprochons.
Le docteur nous mène jusqu'à une salle au milieu de laquelle trône une table sur laquelle est allongé un corps recouvert d'un drap blanc. L'expert prend le temps de mettre des gants en latex puis rapproche une table métallique sur roulette qui fait un bruit effroyable tant elle grince et cliquète à chaque mouvement. Sur cette table se trouvent divers objets dont je ne parviens à identifier que la moitié.
L'ancien légiste nous dit avec flegmatisme ”Voici donc le professeur Leiter. Il a certainement beaucoup souffert.“. Lorsqu'il retire le drap, nous découvrons le visage figé d'horreur du professeur d'histoire. Son visage me ramène à celui de Walter Corbitt, trois ans en arrière, lorsqu'il était étendu devant moi dans une salle sombre éclairée uniquement d'une lanterne. Le corps allongé sur la table. Le visage terrifiant…
Je reviens à la réalité alors qu'une discussion s'est entamé entre les quatre hommes. Je déglutis en essayant de me débarrasser de cette vision du passé. Le souhait étrange de Joseph m'y aide :
”Je pourrais peut-être donner les derniers sacrements à ce pauvre homme.
- Oh mais bien sûr, faites donc, je vous en prie. Je vous laisse ma place, venez donc, propose le docteur en s'écartant.
- Avons-nous réellement du temps à perdre avec de telles inepties ? Il me semble qu'il y a plus urgent, rouspété-je.
- L'âme de cet homme erre dans l'attente de son rappel à Dieu, ça ne sera pas long, vous verrez.
- Soit, soit, dépêchez-vous dans ce cas !“
L'ancien élève de science se lance donc dans une drôle de litanie qui ne retient nullement mon attention. Celle-ci est plutôt concentrée sur l'expression d'horreur qui fut la dernière réaction de l'homme avant de mourir. C'est comme s'il avait vu quelque chose d'horrible. Ou qu'il avait subi le martyr. Des frissons parcourt mon échine. Je ne m'y connais guère en cadavre mais j'ai la ferme intuition que le mal y est pour quelque chose. Je le sens.
Mon regard se lève et je croise celui de Marco. Ce grand gaillard ne semble pas dans son assiette, il semble à deux doigts de vomir. Moi qui allait proposer de le laisser pour assister à l'autopsie, me voilà déçu. Je suis doublement déçu que je le pensais plus endurci que cela depuis le temps, avec son métier. Peut-être l'ai-je surestimé ?
Moïses se rend compte de la situation et engage la conversation avec mon frère comme pour lui changer les idées. Je lui en suis reconnaissant et, après quelques secondes d'écoute et en voyant Marco répondre aux questions, je considère le problème comme réglé.
Le prêtre s'étant tu, John remercie Baker avant de nous demander si nous restons pour assister à l'autopsie qui, selon lui, pourrait se révéler très instructive et étonnante parce que, je le cite, ”Chaque autopsie est comme une surprise, on ne sait jamais à quoi s'attendre.“. Cette déclaration achève de nous convaincre et nous choisissons de le laisser procéder.
Sur une promesse de revenir dans une heure pour noter ses conclusions, nous empruntons le chemin inverse dans cette même atmosphère d'éther et de moisissures pour quitter la morgue.
L'air frais du mois d'Octobre contraste avec celui que nous venons de quitter. Bien qu'aussi frisquet, il est nettement plus pur à mon nez et semble nettoyer ma peau. Je ne prends le temps de respirer que quelques instants avant de reprendre la marche. Joseph Baker demande alors ce que l'on fait ensuite, je me contente de lui répondre :
”Maintenant, nous allons étudier le bureau du professeur Leiter. Il est probable que des indices puissent expliquer son décès.
- Ce qui est certain c'est que c'est une mort inhabituelle. Vous avez vu son expression ? questionne Moïses Kimbrew.
- On aurait dit qu'il était terrorisé. Ce pourrait-il qu'il soit mort de terreur ? interroge le jeune prêtre.
- J'ai déjà entendu parler de tels cas mais je n'en ai jamais vu, déclare Marco.
- Je doute que ce soit aussi simple et même en admettant que ce soit cela, il aurait fallu un sacré choc pour que ça le tue de cette façon, dis-je, sceptique.
- Vous semblez avoir une autre idée en tête, monsieur Forson, mentionne Joseph.
- Professeur Forson.
- Professeur Forson, oui, veuillez m'excuser.
- J'ai effectivement autre chose en tête, mais il nous faut des preuves.“
Le reste du chemin se fait plus en silence, les autres suivant simplement mon rythme. Nous déambulons dans les couloirs que je connais bien pour finalement nous retrouver devant une porte sur laquelle une plaque mentionne “Pr. Charles Leiter”. Je sors alors la clé confiée par le doyen et déverrouille la serrure.
La scène qui s'offre à nos yeux fait transparaître le bordélisme du professeur. Il y a des papiers partout, certains en pile sur le bureau, d'autres par terre en petit tas et de nombreux autres éparpillés sur le sol. L'étagère à documents déborde tout en étant mal fermée. Même pour lui, c'est étonnant, cela donne l'impression qu'il cherchait quelque chose en particulier à tout vitesse. Un papier, très probablement. Les documents qui auraient disparu ?
Marco s'avance dans la pièce et commence à mettre son nez un peu partout, ne déplaçant un document que le temps de le parcourir avant de le remettre à sa place, comme s'il se trouvait sur une “scène de crime”. La voix de M. Kimbrew suggère :
”Je ne suis pas sûr que l'on soit très efficace à quatre dans cette petite pièce. Je me propose d'aller interroger mademoiselle Court, l'assistante et William le gardien.“
- C'est une excellente proposition, M. Kimbrew ! Je vous accompagne, déclarè-je convaincu et de la remarque de l'antiquaire et du fait que les deux témoins pourraient nous en apprendre plus les documents éparpillés de Leiter.
- Eh bien, je vais aider à trouver des indices, annonce Joseph.
- Très bien, je vous enjoins à procéder de la même manière que mon frère.
- Parce qu'il fait partie de votre famille, je présume ? me raille l'espèce de gamin de vingt-cinq ans.
- Non, c'est simplement parce que c'est son métier, jeune homme. Donc apprenez et essayez de ne pas faire n'importe quoi. Bien. Maintenant que c'est réglé, allons-y, Kimbrew.“
Clôturant la discussion, je délaisse donc le bureau pour me diriger vers l'administration.
”Je suppose que mademoiselle Court doit avoir cours quelque part mais j'ignore où. L'administration sera certainement capable de nous en apprendre plus.
- C'est pertinent en effet. Ils pourront peut-être nous dire où trouver le gardien.
- Le gardien ? Ah oui, en effet, en effet, c'est possible.“
J'avais quelque peu oublié que le gardien aussi avait vu des choses. Je mise plutôt sur le fait que la jeune femme en étude supérieure nous apprendra des choses intéressantes plutôt que sur un homme chargé du jardinage. Je présume cependant qu'aucune piste ne doit être écartée.
Nous sommes accueillis au bureau administratif de l'école par une femme au nom oubliable.
”Oui, que puis-je pour vous messieurs ?
- Je suis professeur, vous devriez le savoir depuis le temps.
- Veuillez m'excuser professeur, je suis navrée. Je… Que puis-je pour vous ?
- J'aimerai savoir où a cours mademoiselle Court, c'est important !
- Mademoiselle Court…? Donnez moi un instant. Je vais voir.
- Bien mais dépêchez-vous.
- Hum… Professeur Forson ? m'interpelle Moïses pendant l'absence de la secrétaire.
- Quoi donc ?
- Peut-être devriez-vous faire preuve d'un peu plus de politesse avec les autres.
- Pardon ? Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, nous sommes pressés M. Kimbrew. Nous n'avons pas le temps de faire des pieds et des mains pour obtenir des informations.”
La discussion se termine là-dessus puisque la secrétaire revient avec un morceau de papier et l'information. À la demande de l'antiquaire bien habillé, elle nous décrit aussi l'endroit où nous devrions pouvoir retrouver le fameux William. Je la remercie sèchement puis repart en direction de l'amphithéâtre F. Mon compagnon prend le temps de s'excuser en plus de la remercier puis me rejoint en trottinant. Il n'a visiblement pas compris l'urgence de la situation. Et s'il n'a pas compris cela… je suppose qu'il n'a aucune conscience des dangers potentiels. Je n'ai pas encore de preuve, certes. Pas assez du moins. Mais je le sens bien. C'est MON moment, je le sens.
“Il lui reste un quart d'heure avant la sortie du cours, nous l'attendons ici ou… commence Kimbrew.
- L'attendre ? Non, nous allons aller la chercher maintenant. C'est maintenant que nous avons besoin d'elle.
- Bien… Je m'attendais à une telle réponse de votre part, c'est pourquoi je vous propose d'y aller pendant que je m'occupe de retrouver le gardien.
- C'est une excellente idée, M. Kimbrew ! Retrouvons-nous dans cette cour, juste ici dès que nous sommes prêts. Nous gagnerons encore du temps.”
Suite à cela, je regarde partir l'homme puis revient à la porte de l'amphithéâtre. J'inspire, me redresse puis débarque dans une vaste salle de cours où un tiers des chaises semblent occupées. Le bruit de l'ouverture grinçante interrompt le professeur Pondestoum et attire de nombreux regards d'étudiants.
Faisant fi des interrogations et des murmures, je descends plusieurs marches jusqu'à me retrouver au milieu des escaliers. L'interrompu se met à bafouiller :
“Mais… mais enfin, professeur Forson, nous sommes… sommes en plein cours, est-ce que tout va bien ?
- Navré d'interrompre votre cours, professeur Pondestoum, mais j'ai besoin de mademoiselle Court.
- Euh mais, je… elle…
- Est-elle là, oui, ou non ?
- Oui, oui, elle est là, euhm… Mademoiselle Court ? Oui ? Mademoiselle Court ? Lev…
- Levez-vous, prenez vos affaires et suivez moi. Maintenant ! interrompé-je mon collègue qui ne sait où se mettre à présent. J'éprouve un léger remord puis me souvient l'avoir entendu rire à une plaisanterie dont j'étais l'objet, il y a trois semaines. Mon remord disparaît bien vite. Allons, dépêchez ! -Je me tourne vers l'homme déstabilisé qui remet machinalement en place ses lunettes comme pour se redonner une contenance- Professeur Pondestoum, je vous laisse à votre cours. Navré de vous avoir interrompu.“
Je n'en pense pas un mot et ressors suivi d'une jeune femme de 22 ans, aux cheveux coupés courts, au visage visiblement peu rassuré et qui serre ses affaires contre sa poitrine.
À peine sommes-nous sortis de l'amphithéâtre que celle-ci ne peut s'empêcher de me questionner :
”Euhm… professeur…? Pourquoi est-ce que…? commence-t-elle avant que je ne la coupe en levant une main.
- Pas maintenant, jeune fille, pas ici. Suivez-moi et taisez-vous.
- Mais…
- Pas de “mais” !“
Mon ton sec parvient à la raisonner car elle renonce à sa question. Nous rejoignons donc dans la cour Moïses Kimbrew qui semble avoir trouvé notre homme jardinier.
”Parfait, vous êtes là. Allons dans le bureau pour discuter en toute discrétion.
- Bonjour professeur Forson, me salue le gardien dont j'ai oublié le nom. Je suis surpris qu'il se souvienne de mon nom mais en y réfléchissant bien, ce n'est pas impossible que ma réputation ait atteint toutes les oreilles indiscrètes de ce campus.
- Bonjour à vous. Nous n'avons pas de temps à perdre donc pressons le pas.
- Comme vous voulez professeur mais c'est pour parler du professeur Leiter que nous s… commence-t-il avant que je ne le coupe d'un bruit de bouche sifflant et d'un geste de la main.
- Chaque chose en son temps. Veuillez vous taire et nous suivre.“
Le regard que me lance Moïses à ma droite m'exaspère. Il semble me réprimander et je déteste ça. Qui est-il donc pour me donner des leçons de vie ?
De nouveau devant la porte du bureau de Leiter, je prends le temps de jeter un regard dans le couloir puis, satisfait de n'y voir personne, j'ouvre la porte et fait rentrer nos deux témoins. Kimbrew entre à leur suite et je me glisse derrière lui avant de refermer vivement le battant. Nous nous retrouvons à six dans une pièce quelque peu exiguë mais suffisante pour l'interrogatoire que j'envisage. Alors que je me tourne vers nos deux témoins, je remarque que le bureau est en fait séparé en deux par une arche. Je comprends qu'il y a donc le bureau du professeur décédé d'un côté et celui de son assistante de l'autre. Celui-ci est, au demeurant, sacrément mieux rangé.
Marco et le prêtre nous regardent. Le premier semble un peu perplexe alors que le second semble un peu pâle. Serait-il claustrophobe ? Je reviens à nos invités et m'adresse à eux de façon directe, mon regard principalement porté sur l'étudiante :
”Nous sommes chargés par le doyen d'enquêter sur la mort du professeur Leiter. Vous avez été les deux premiers à découvrir son corps, j'aimerai donc que vous nous en disiez plus. Commencez par le début.“
Il y a un instant de flottement durant lequel je vois les yeux de la jeune femme s'embrumer au souvenir que je ressasse. Elle essaye de parler avant de mettre son poing devant sa bouche, nerveuse. Je souffle du nez, dépité. Heureusement, l'autre témoin se montre plus loquace.
”Eh bien, professeur, j'ai été fait mandé par quelqu'un parce qu'une porte était verrouillée. Donc ben j'y suis allé et c'est cette demoiselle là qui attendait devant la porte. J'ai juste ouvert la porte avec mon passe et c'est là qu'on a vu le corps du … enfin, il était allongé par terre et le bureau était comme ça. J'me suis pas trop inquiété parce que c'est pas le premier bureau en foutoir que j'vois, y a même des consignes pour ne surtout pas “déranger” certains et…
- Monsieur William, comment était le corps ? Dans quelle position était-il ? Où était dirigée sa tête ? le coupe le détective privé.
- Ben, il était là, comme ça. Sa tête était là, j'm'en souviens bien, ses pieds étaient juste devant le miroir.“
En parlant, le gardien montre avec ses bras où était disposé le corps à sa découverte. Lorsqu'il parle du miroir, je vois Marco se déplacer d'un pas et le révéler. Un grand miroir de simple facture. Ce que j'en comprends me fait penser qu'il regardait le miroir lorsqu'il est mort. Ou qu'il a été déplacé ainsi. Marco me confirme cependant n'avoir observé aucune trace qui pouvait laisser penser qu'on l'aurait trainé ici.
Je reprends alors la discussion en essayant d'en apprendre plus sur les études de Miss Court et sur les raisons qui l'ont poussé à briguer ce poste auprès de Leiter. Elle m'apprend qu'elle étudie aussi l'histoire et les vieux documents, que cela l'a toujours intéressée. Parler de ses études semble la détendre un peu. Nous continuons un peu la discussion et de façon assez subtile, j'oriente ses prochaines recherches sur quelques pistes qui me sont encore obscures mais qui pourraient aider mes propres recherches. N'y voyant que le conseil d'un mentor, elle me remercie chaleureusement. Emily Court sera donc un contact à conserver au sein de ce campus.
Moïses et Joseph réorientent la discussion sur notre enquête et la questionnent notamment sur le comportement de Charles Leiter ces dernières semaines.
”Il était de plus en plus agité, c'était très étonnant. J'ai l'impression qu'il devenait même paranoïaque.
- Paranoïaque ? C'est ce qui expliquerait selon vous l'installation de ces verrous sur la porte ? questionne mon frère en pointant les verrous que je découvre derrière moi.
- Oui, en effet. Il les a fait mettre la semaine dernière, si je me souviens bien.
- Avait-il des raisons d'être inquiet ? Avait-il reçu des menaces ? demande Joseph.
- Pas à ma connaissance, non. Il était apprécié de tout le monde. -Je manque de m'étouffer en entendant une telle ineptie- Enfin presque.
- Pour en revenir aux documents que vous avez reçu à étudier, pensez-vous que cela pourrait avoir un lien ? Quand les avez-vous reçu ? Quand est-il devenu paranoïaque ? réoriente l'antiquaire.
- Eh bien… Je sais qu'il a reçu les documents début Juin mais je n'ai commencé qu'en Août et tout semblait bien aller pour lui. Il était normal. Ça doit faire… trois semaines, peut-être, qu'il s'est mis à se comporter bizarrement et de façon plus paranoïaque.
- Vous a-t-il dit de quoi il avait peur ? demandé-je à mon tour.
- Non, pas vraiment. Mais il regardait de plus en plus fréquemment vers le miroir. Je crois même l'avoir vu une fois le fixer pendant deux heures entières. Je pensais qu'il était dans ses réflexions mais c'est bizarre vous ne trouvez pas ? Son regard dévie vers moi en quête d'une confirmation.
- C'est bizarre, en effet… dis-je en regardant ledit miroir.
- En fait… Justement Stephen, en parlant du miroir… commence Marco, incertain. Joseph semble avoir vu quelque chose d'étrange dedans. Mon regard se tourne vers le prêtre et je le vois baisser la tête.
- Eh bien ? Parlez ! Qu'est-ce que vous avez vu ?
- Je n'en suis pas sûr mais… j'observais juste le miroir et son cadre abimé quand j'ai eu l'impression de voir quelque chose de flou qui a attiré mon regard. Et… Et bien, ensuite j'ai eu l'impression de voir quelque chose, comme si quelqu'un se tenait derrière moi. Mais je me suis retourné et il n'y avait rien donc et bien… je… sa voix se perd et Marco prend sa suite.
- J'ai regardé aussi et j'ai rien vu mais bon, vu qu'on parlait de miroir.“
Cette révélation me glace le sang. Un phénomène étrange. C'est ainsi que ça a commencé la dernière fois. D'abord un son, des meubles qui grincent à l'étage et ensuite… c'est de pire en pire. Il me faut savoir. Peut-être qu'il ne s'agit que de catoptrophobie mais il est tout de même peu probable que Joseph et Charles Leiter souffrent de la même phobie des miroirs.
Je vois Moïses qui se déplace pour aller observer de plus près le miroir et je réagis alors précipitamment en ouvrant la porte.
”Miss Court, monsieur, veuillez patienter dans le couloir que l'on ait terminé notre discussion. Nous reviendrons vers vous donc ne vous éloignez pas.“
Sans attendre de réponse, je les pousse simplement dehors puis referme. Deux potentielles victimes en moins me dis-je en réalisant avec surprise ma réaction. C'est inhabituel mais ça m'a semblé obligatoire voire naturel d'agir ainsi. Moins de personnes seront en contact avec le Mal, mieux ça vaudra, pensé-je.
Marco et Joseph sont concentrés sur Moïses qui est lui-même concentré sur le miroir.
Quelques secondes s'écoulent avant qu'il ne recule avec violence du miroir. Il semble chercher des yeux quelque chose, affolé. Son visage exprime la peur, non, la terreur. Il bredouille en reculant alors que son regard alterne vivement entre le miroir et l'espace contre le mur en face :
”J'ai vu le… le flou aussi… Et… c'est pas normal. C'est vraiment pas normal. Y avait quelqu'un… juste… juste là !“
Marco regarde le miroir sans rien voir d'étonnant et j'ai beau regarder autour de moi, je ne vois rien d'étrange non plus. La chose la plus bizarre ici étant le comportement de Moïses. Malgré ce constat, je crains que le miroir ne soit plus dangereux qu'il n'y paraît. Il me faut savoir. Il me faut comprendre le Mal pour réussir à l'endiguer.
Je déglutis. Je n'ai aucune envie d'y aller et pourtant personne dans cette pièce, dans ce campus probablement, n'est plus à même que moi pour résoudre ce problème. Il s'agit de ma croix. De ma destinée comme dirait Abigaïl. Je m'approche donc lentement et commence par faire le tour du cadre avec mes doigts. Celui-ci est en métal froid mais il semble être fondu sur un coin. Ce détail attire mon attention mais je sais qu'il n'est rien comparé au miroir en lui-même.
Mon cœur s'accélère, je me sens transpirer. Je dois savoir. Je dois savoir !
Profitant d'un instant de certitude, je plonge mon regard pour contempler mon reflet et celui de la pièce.
Je me vois. Tout comme je vois la pièce reflétée autour de moi. Je regarde un peu partout. Je laisse trainer volontairement mes yeux à certains endroits, comme pour attendre qu'ils soient attirés par… je ne sais quoi. Mais rien. Après cinq minutes, je m'en détourne, perplexe et dans un mélange de déception et de soulagement.
Ma conviction au sujet de ce miroir est qu'il est potentiellement dangereux et qu'il ne réagit pas avec tout le monde. Peut-être que seuls les simples d'esprit se font avoir ? Quoiqu'il en soit, je décroche le miroir et le retourne, de façon à ce que personne d'autre ne plonge en lui. Marco me demande, un peu hésitant :
”Alors ?
- Alors je n'ai rien vu mais ça ne signifie pas qu'il n'y a rien. -J'observe les deux autres hommes- Je vous crois et il vaut mieux ne prendre aucun risque. Interdiction de regarder ou même de toucher ce miroir à présent ! On ne veut pas un deuxième Leiter.
- Vous… vous pensez vraiment que c'est ce qui a causé sa mort ? me questionne l'antiquaire encore peu sûr de lui.
- C'est une piste à ne pas écarter en tout cas. Mais il nous manque clairement des éléments. Essayons de voir si mademoiselle Court peut nous en apprendre plus sur ce miroir.“
Suite à cela, nous réouvrons la porte pour faire entrer de nouveau l'assistante aux cheveux courts et le gardien à la carrure solide. La courte discussion qui s'ensuit ne nous apprend cependant rien d'exploitable. Ni la première, ni le second ne se révèle capable de me dire depuis quand ce miroir existait ni d'où il provenait, l'argument de la fille étant qu'elle n'est là que depuis quelques mois, celui du gardien qu'il n'entre que rarement dans les bureaux. Des arguments cohérents mais pour le moins agaçants. Ce dernier nous propose cependant d'aller voir à l'intendance si nous tenons absolument à découvrir sa provenance. Et oui, j'y tiens, je me le note donc.
”Bien, vous n'aurez pas été d'une grande aide mais je vous remercie pour ces informations. Vous pouviez y aller mademoiselle Court.
- Professeur Forson, un peu de respect ! s'exclame Moïses alors que la jeune fille se raidit avant de s'en aller.
- Eh bien quoi ? Je l'ai remercié, non ?
- Certes mais pas de façon très courtoise.“
Je soupire de cette remarque insipide. Comme si la courtoisie allait nous aider à résoudre ce mystérieux décès et ce vol conjoint de documents.
Sans attendre, je congédie de même l'homme aux clés sans y mettre plus les formes. À son visage, il ne semble pas s'en préoccuper et s'éloigne sans un mot. Ce qui me surprend c'est la nouvelle réaction extravagante de Moïses qui lui court après.
Curieux, je les observe se rejoindre puis s'arrêter au bout du couloir et discuter. Je patiente jusqu'à ce que le trentenaire revienne à nous, le visage rayonnant.
”J'ai appris quelque chose d'important ! Il semblerait que le professeur Leiter et le professeur Roach entretenaient une relation pour le moins conflictuelle.
- Ne serait-ce pas le même professeur que celui qui a accompagné le doyen fouiller la maison du professeur Leiter ? fait remarquer le jeune prêtre.
- Si, en effet, confirme Marco dont la mémoire est particulièrement bonne.
- Voilà qui est intéressant… je pense que nous avons notre suspect principal, dis-je sur un ton satisfait.
- N'allons pas non plus trop vite en besogne, il nous faut plus de preuves, argue le détective pendant que Joseph Baker me glisse sournoisement :
- Vous semblez un peu trop satisfait à cette hypothèse.
- Roach n'est qu'un irascible incapable à la langue bien trop pendue. Ça lui ressemblerait bien d'être un tueur aux méthodes exotiques !
- Allons, mon frère, évitons ce genre d'accusations sur le simple témoignage d'un homme.
- Il a pourtant raison, c'est bien connu que les deux hommes ne s'appréciaient pas, continué-je. Il me semble d'ailleurs avoir plusieurs fois entendu des disputes entre eux donc ça me semble être le motif, n'est-ce pas ?
- Non, pas du tout. Ne pas aimer quelqu'un est loin d'être un motif suffisant pour un meurtre, tempère Marco.
- Vous devriez pourtant en être le premier conscient, me pique juvénilement Joseph.”
Je me contente de lui adresser un regard noir et avant que je ne trouve les mots pour lui répondre, Moïses Kimbrew désigne sa montre.
“Nous devrions aller voir si le docteur Wheatcroft a terminé son autopsie. Cela fait plus d'une heure.“
J'acquiesce, à contre-coeur car j'aurai voulu poursuivre le débat avec le gamin mais je me reprends bien vite puis acquiesce une deuxième fois, plus énergiquement. L'enquête est plus importante que ce que pense cet étudiant raté. Le Mal est plus important que toutes les piques et quolibets que l'on peut avoir me concernant.
Nous refermons à clé le bureau du feu professeur Leiter puis nous repartons vers l'antre du docteur Wheatcroft: la morgue.
L'air frais et humide nous enveloppe de nouveau et cette odeur désagréable de formol se rappelle à nous. Nous retrouvons rapidement le chemin jusqu'à la salle d'autopsie et c'est un Dr Wheatcroft blême qui nous y attend. Cela m'interpelle. En effet, j'ai beau chercher dans mes souvenirs, je ne crois pas avoir déjà vu cet homme flegmatique au possible être affecté par quoique ce soit. Le découvrir en état de choc me dérange.
Il semble ailleurs. D'un double claquement de doigts vers son visage, je tâche de le réveiller mais le réflexe similaire de Marco me surprend un temps. C'est vrai que nous avons eu le même père et que nous tous deux subit ses mimiques au point de les récupérer. À cet échange fraternel qui me manquait, un léger sourire teinte mes lèvres. La voix de Joseph l'efface :
”Docteur Wheatcroft ? Est-ce vous allez bien ?
- Euhm… je…
- Avez-vous eu le temps d'étudier le corps et d'écrire un rapport ? questionné-je sans prendre de gants pour le remettre sur les rails.
- Le corps…? Oui, le corps, alors non, enfin oui, j'ai pu étudier le corps et honnêtement je n'ai jamais rien vu de tel. En revanche, non, je n'ai pas eu l'occasion d'écrire mon rapport encore, il va me falloir un peu de temps, peut-être que si vous revenez dans une heure…
- Ou bien vous nous faites un compte-rendu à l'oral avant d'écrire votre rapport, suggère Marco en le coupant.
- Oh ? Oui, oui, ça devrait être envisageable de procéder ainsi, c'est un peu original mais je vois à vos visages que vous semblez un peu pressés, je me trompe ? Non… on dirait que non. Eh bien que dire ? Ah oui ! Je n'ai jamais vu cela ! Et surtout : je ne comprends pas. Cela n'a pas de sens. Voyez-vous, j'ai procédé à l'autopsie comme vous me l'aviez demandé et comme je le fais assez naturellement dans ce genre de cas, bien que, il faut le reconnaître, ça n'arrive pas fréquemment. Toujours est-il que là, je n'ai aucune explication.
- Aucune explication sur quoi ? m'impatienté-je.
- Eh bien sur ce qui expliquerait que ses organes aient cuit de l'intérieur sans que son épiderme extérieur ne soit brûlé.
- Pardon ?
- Voyez-vous, ce genre de blessures est courant chez les corps carbonisés que l'on nous ramène lors des incendies ou d'autres événements qui ramènent des cadavres calcinés, là, le corps semble indemne mais ses organes sont complètement brûlés. C'est aberrant et je ne me l'explique pas.
- N'aurait-il pas pu ingurgiter quelque chose, un poison ou un produit chimique…? commence Marco, incertain.
- Aucun produit à ma connaissance n'aurait pu générer de tels dégâts. Je vous le répète, je ne comprends pas.
- Le cadre du miroir aussi était brûlé, même fondu. Ça ne peut être une coïncidence, fait remarquer l'antiquaire pour nous seuls.”
Pour ma part, je prends des notes de tout ce que Wheatcroft nous dit et j'acquiesce à la remarque de Kimbrew. Je ne crois pas aux coïncidences, surtout pas lors de tels événements. L'ancien légiste s'éloigne pour se rafraîchir un peu avant d'entamer la rédaction du rapport qui sera disponible, nous dit-il, “d'ici une heure, une heure trente grand maximum”.
Selon moi, il nous manque des pièces mais j'ai l'impression que le puzzle va finir par parler. Un frisson me parcourt l'échine, j'ai le sentiment que le temps nous est compté et l'ambiance macabre du sous-sols commence à me peser. Je me redresse donc en déclarant :
“Il nous faut aller enquêter au domicile de Leiter. Il nous manque des indices et je suppose que nous en trouverons là-bas.
- Nous pourrions peut-être aussi aller interroger le professeur Roach avant ? Il aura peut-être des choses à nous apprendre, mentionne Joseph.
- Non. Il nous faut plus de preuves avant de le confronter. Explorons les autres pistes avant.
- Professeur Forson, vous semblez bien sûr de la culpabilité de Roach.
- Je vous l'ai dit : c'est un emmerdeur de première aux méthodes douteuses et détestables. Je ne le laisserai pas s'en tirer et je préfère qu'on ne lui mette pas la puce à l'oreille, il pourrait prendre la fuite.“
Un soupir de la part du prêtre ou de l'antiquaire se fait entendre et clôt la discussion. Marco nous montre ses mains et ce qu'il a trouvé dans les poches de Leiter : un peu d'argent et quelques babioles inutiles. Rien de bien intéressant somme toute, c'est dommage.
La prochaine étape se dessine donc clairement : nous devons aller chez le professeur décédé. Nous avons son adresse, Marco a une voiture. C'est donc ainsi que nous irons.
Les photos de personnes réelles ne correspondent pas aux noms donnés dans le scénario, elles aident simplement à s'imaginer les personnages. Les crédits et vrais noms sont donnés pour chaque photo en cliquant sur le lien associé.